Concurrence dans les télécoms : Benamour : «Le gouvernement est dans l’illégalité»
Le gouvernement a adopté un nouveau décret pour mieux réglementer la concurrence dans le secteur des télécoms. Le Conseil de la concurrence estime être mis à l’écart. Les explications.
Le Conseil de gouvernement a adopté le 27 mai dernier, le décret 347-16-2 modifiant le décret 772-05-02 publié le 13 juillet 2005 relatif aux mesures de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) au sujet des conflits et des pratiques contraires aux règles de la concurrence dans ce secteur. Ce décret proposé par le ministère de l’Industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique avait été présenté pour la première fois le 12 mai dernier et son adoption a été reportée pour approfondir son analyse. «Ce texte vise à harmoniser l’arsenal juridique actuel suite à l’adoption en 2014 de la nouvelle loi 104-12 sur la liberté des prix et la concurrence», explique le communiqué du ministère de la Communication, à l’issue du Conseil de gouvernement du 27 mai.
La préparation et l’adoption de ce texte sans la consultation du Conseil de la concurrence ne plait pas à Abdelali Benamour, président de cette instance constitutionnelle. «La loi sur la liberté des prix et de la concurrence stipule clairement que nous devons être consultés au sujet des différentes réglementations relatives à la concurrence. Dans ce cas précis, nous n’avons pas été consultés. Le gouvernement est donc dans l’illégalité», estime Benamour dans une déclaration aux Inspirations ÉCO. Et de marteler : «Le droit de la concurrence au Maroc nous donne une compétence générale.
Cette prérogative, personne ne peut nous l’oter». Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication, se voulait rassurant sur le respect des prérogatives du Conseil. Lors du point de presse hebdomadaire de son département, il a déclaré que «ce texte ne constitue qu’une mise à jour de la réglementation actuelle et permet de clarifier certains points en suspens». Pour Benamour, «la régulation sectorielle est certes compétente mais elle ne peut se faire sans le Conseil de la concurrence». Le président de cette instance observe que «le Maroc se dirige vers un modèle britannique avec une double compétence en matière de gestion du droit de la concurrence». Cette piste reste une hypothèse. Actuellement, ce conseil vit une longue période transitoire. Le mandat des membres sortants dudit Conseil est arrivé à terme en octobre 2013 et cette instance ne siège pas depuis cette période (leseco.ma).
Que stipule le décret 347-16-2 ?
Le décret fraîchement adopté permet à l’ANRT d’étudier les cas transférés à partir de présumées pratiques anticoncurrentielles telles que décrites par les articles 6,7 et 8 de la loi 104-12. L’article 6 de ce texte stipule que «sont prohibées, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes ou coalitions expresses ou tacites, sous quelque forme que ce soit». L’ANRT aura la possibilité également de prendre des mesures conservatoires et des amendes prévues par la loi 104-12. L’ANRT sera en droit d’appeler à mettre fin à toutes les pratiques contraires au droit à la concurrence. Dans le cas d’une concentration économique donnant lieu à une exploitation abusive et à des positions de monopole, l’ANRT pourra prendre des décisions argumentées pour mettre fin à cette situation, en conformité encore une fois avec le titre IV de la loi 104-12.