Aveo Energie cartonne
Aveo oeuvre pour le développement du marché de la biomasse au Maroc. Son objectif, établir une moyenne de 2 à 3 mises en service d’installations de biomasse par an dans l’avenir.
En 2014, la production d’énergie à partir de biomasse était encore un sujet relativement confidentiel, avec très peu d’acteurs sur le marché, des compétences techniques rares et une filière peu organisée. C’est dans ce contexte peu favorable que l’activité d’Aveo Energie a débutée, en partant toutefois avec un avantage décisif : pouvoir compter sur 30.000 à 40.000 tonnes de biomasse produite annuellement à Meknès par le groupe Aveo Environnement. «En 2019, Aveo Energie exploite 15 chaudières biomasse entre Marrakech, Casablanca et Fès et emploie une quarantaine de collaborateurs. C’est donc un démarrage réussi : la start-up est devenue PME» annonce fièrement Jean-Baptiste Trémouille, directeur général d’Aveo Energie. D’ailleurs la société est parvenue pour la première fois à l’équilibre financier en 2016. En 2018, Aveo a réalisé un chiffre d’affaires de près de 30 MDh.
Business model
Aveo Energie réalise les études d’ingénierie, les travaux, le financement, l’exploitation, la maintenance et l’approvisionnement en biomasse des chaufferies. Les problématiques liées à la biomasse sont nombreuses et font appel à des compétences très variées: ingénierie, logistique, achat de matières première, financement, maintenance, disponibilité de la ressource… C’est pourquoi dés le départ, Aveo Energie a proposé un service complet, à forte valeur ajoutée, pour que le client puisse accéder à la ressource vite et sans avoir à repenser l’organisation de leurs entreprises. Concrètement, Aveo Energie utilise les déchets de l’agro-industrie, principalement du secteur oléicole ; «la société bénéficie aussi à Meknès de 35 000 tonnes de grignon sec épuisé. C’est un combustible assez répandu au Maroc, dont la production va croissant avec le plan Maroc Vert» explique le DG d’Aveo. L’activité d’Aveo est donc soutenue en interne par une production en propre, qui permet de faire face aux besoins long terme de combustible. La biomasse utilisée ne produit pas ou très peu d’oxydes de soufre (SOx), contrairement au fioul très largement utilisé dans l’industrie. Or ce gaz est un des contaminants majeurs de l’atmosphère en zone urbaine: pluies acides, dégradation des bâtiments, affectations pulmonaires, etc. C’est dans cette optique qu’Aveo Energie a réussi son partenariat avec Zalar Holding.
En effet, le groupe a évalué très tôt l’intérêt économique de la biomasse : une énergie moins chère et surtout durablement stable. Par ailleurs, Zalar a adhérée à l’idée de sous-traiter un service qui est relativement éloigné de son coeur de métier. C’est donc pour Aveo un partenariat stratégique à long terme, qui s’est concrétisé l’an dernier par la signature de deux nouveaux contrats de service à Fès et à Tit Mellil. Dans ce cadre, deux nouvelles chaudières vapeur à 8 bars, de 3 t/h chacune, ont été mises en service en Mai. Par ailleurs, dans l’industrie Aveo Energie alimente en vapeur depuis 2018 l’usine de Sothema à Bouskoura et en eau surchauffée celle de Cosseco (groupe Denia) à Fès depuis 2015. De plus, Aveo Energie fournit en eau chaude une dizaine de très beaux hôtels à Marrakech. Le groupe ne compte pas s’arrêter au niveau national, «des contacts ont été établis en Côte d’Ivoire, au Mali ou au Tchad. Mais pour le moment les efforts se concentrent encore principalement sur le développement au Maroc», renchérit Jean-Baptiste Trémouille.
Jean-Baptiste Trémouille
DG d’Aveo Energie
«Le secteur manque d’une politique incitative»
Comment jugez-vous le marché de la valorisation de biomasse au Maroc ?
En comparaison à d’autres régions plus humides (Afrique subsaharienne notamment), la ressource est limitée au Maroc. Il n’y a donc pas de place pour des mégaprojets équivalents en puissance à Noor ou Midelt. L’avenir de la biomasse-énergie passe, par conséquent par le développement de projets moyens (1 à 100 millions de DM) sur l’ensemble du territoire, avec des plans d’approvisionnement valorisant les circuits courts et des installations modernes, fiables et efficaces. Le développement de l’agriculture, le traitement toujours croissant des déchets des agglomérations et l’augmentation du coût des énergies fossiles sont aussi des accélérateurs structurels du secteur.
Qu’en est-il de la réglementation du secteur ?
Le secteur d’activité de la biomasse-énergie est déjà soumis à un cadre réglementaire, au même titre que des installations à combustible fossile équivalentes. La loi 13-09 sur les énergies renouvelables lui laisse aussi une place, aux côtés du solaire et de l’éolien. En revanche, il est certain que la croissance du secteur est freinée par l’absence de politique incitative. Par exemple, les combustibles fossiles bénéficient d’une TVA réduite, alors que l’énergie produite à partir de biomasse en suit le régime normal. C’est assez paradoxal quand on sait que l’usage de la biomasse est écologique, créé de nombreux emplois directs et indirects et surtout contribue nettement à la réduction des importations. La promotion de projets biomasse de très grande envergure n’aurait pas vraiment de sens, car ils consommeraient plus de biomasse que ce que le territoire produit naturellement.
Quelles solutions préconisez-vous ?
Ainsi, les efforts menés par les autorités devraient se focaliser sur l’émergence d’un contexte favorable au développement de projets de taille moyenne, portés par le secteur privé. Les leviers pourraient être fiscaux (TVA à 0%), financiers (ligne de financement spécialisée, sur plus de 10 ans), réglementaire (conditions favorables d’accès au réseau électrique pour les cogénérations biomasse) ou même environnementale (reforestation et meilleur encadrement des coupes). De toutes les énergies au Maroc, la biomasse est certainement l’énergie qui dépend le moins des importations tout en employant une main d’oeuvre importante.