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Le Maroc reconfigure ses espaces maritimes

Fini le flou juridique autour des espaces maritimes du sud marocain. Le gouvernement vient d’adopter une série de textes visant à délimiter son espace maritime et à consolider sa souveraineté sur ces zones. Un arsenal juridique qui ouvre la voie vers une délimitation de la Zone économique exclusive et du plateau continental.

Le Maroc se décide enfin à mettre à jour le cadre législatif national sur son domaine maritime. Le Conseil de gouvernement, réuni jeudi dernier, a adopté deux projets de loi et un projet de décret relatifs au domaine maritime du Maroc. Il s’agit des projets de texte fixant la limite des eaux territoriales, de la Zone économique exclusive et du plateau continental. Ces textes sont d’une importance stratégique pour le Maroc puisqu’ils devraient lui permettre d’intégrer l’espace maritime faisant face aux côtes du Sahara marocain dans l’arsenal juridique national et ainsi, mieux assoir sa souveraineté sur ses territoires. Il s’agit surtout de mettre un terme au flou juridique qui caractérisait certains aspects de cette délimitation des frontières maritimes. Car si l’espace terrestre du Sahara a été intégré dans le corpus juridique national, l’espace maritime lui, était resté jusqu’ici en décalage.

Souveraineté consolidée
Ces textes visent à inclure l’espace maritime faisant face aux côtes du Sahara marocain dans l’arsenal juridique national. L’objectif étant de «cimenter la tutelle juridique du Maroc sur ces eaux et barrer la route à toutes les allégations remettant en cause la souveraineté du royaume sur cet espace», explique-t-on auprès du gouvernement. Concrètement, ces nouveaux textes permettront au Maroc, à travers l’usage de nouvelles technologies, de procéder aux opérations techniques relatives à la délimitation des lignes de base (tracé à partir duquel le pays entame le calcul de son espace maritime, voir à ce titre l’infographie) au large de la mer territoriale du Maroc, de la Zone économique exclusive (ZEE) et du Plateau continental (PC). Ces données permettront au royaume de délimiter ses eaux territoriales de manière plus précise et plus conforme aux dispositions du droit international de la mer. Ce tracé des lignes de base permettra de «délimiter la Zone économique exclusive au large des côtes des provinces du Sud du royaume et de l’incorporer, clairement, dans l’arsenal juridique national». Il permettra également au Maroc de compléter la procédure en vue du dépôt du dossier final de demande d’extension du plateau continental (espace du sous-sol marin s’étalant jusqu’à 200 milles marins [environ 370 km] des lignes de base recelant des ressources naturelles souveraines). L’objectif étant in fine d’établir un tracé en concertation avec les pays concernés par cette délimitation maritime, notamment l’Espagne (îles Canaries) et le Portugal (îles Madère).

Historique mouvementé
Il s’agit d’une opération aux relents géostratégiques extrêmement importants. Pour s’en rendre compte, il faut revenir quelques années en arrière. À fin décembre 2001, la tension était à son comble entre le Maroc et l’Espagne. Par un décret royal, l’Espagne venait d’autoriser des prospections pétrolières offshore dans la région comprise entre les îles Canaries et le littoral marocain. La réaction du Maroc n’a pas tardé à se manifester et le ministère des Affaires étrangères et de la coopération s’est empressé d’adresser une note diplomatique aux autorités espagnoles. Dans cette lettre, le Maroc protestait contre un acte jugé «unilatéral, contestable et inamical», portant atteinte aux droits inhérents à la souveraineté marocaine sur son plateau continental. Depuis, le Maroc réagit à chaque fois que les positions espagnoles ou portugaises s’exprimaient sur le sujet, rappelant les règles de droit international en ce sens. Ainsi, la mission permanente du Maroc aux Nations Unies avait promptement réagi en mai 2009 lorsque l’Espagne (Canaries) et le Portugal avaient déposé des projets d’extension du plateau continental au-delà de 200 mille marins auprès de la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies. Le Maroc avait rappelé en ce sens que toute délimitation unilatérale serait inacceptable et que les dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego Bay) prônant la solution d’accord bilatéral entre les parties devaient s’appliquer dans ces cas.

Base de négociation
Le Maroc a ratifié la Convention des Nations Unies (Montego Bay) sur le droit de la mer en 2007, disposant alors d’un délai de dix ans maximum pour définir son plateau continental. Dès lors, le royaume s’est attelé sur la concrétisation des moyens techniques et diplomatiques permettant de régler le statut juridique de ces espaces. Dans ce sens, le gouvernement a mis en place en 2013 une commission «provisoire» pour la délimitation du plateau continental sur la rive atlantique. L’objectif annoncé était celui de la sauvegarde des intérêts du royaume et la fixation des frontières maritimes du côté ouest des côtes marocaines. Un délai de 5 ans a été accordé pour ladite commission, en vue de livrer des conclusions. C’est sans doute, les résultats de cette commission qui permettent aujourd’hui au Maroc de compléter le statut juridique de ses espaces territoriaux. Avec l’adoption de ces projets de loi et de décret, le Royaume s’alignera sur les exigences de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de Montego Bay et s’adaptera aux pratiques internationales en vigueur en matière de délimitation des espaces maritimes. C’est cet arsenal juridique qui fera foi de base à toute négociation sur un quelconque accord avec les pays limitrophes.


Mustapha Labraimi
Professeur en océanologie à la Faculté des sciences de Rabat.

Les Inspirations ÉCO :  Quelle lecture faites-vous de l’adoption de ces textes juridiques par le Conseil de gouvernement du Maroc ?   
Mustapha Labraimi : Cela est annonciateur d’un changement dans le traitement du dossier. Sans doute peut-on y voir une issue pour les négociations avec les pays limitrophes. La délimitation de ces espaces maritimes permettra au Maroc d’étendre sa juridiction nationale sur ces zones. Or, la présence d’un ou de plusieurs pays en face peut poser problème. Il faut donc attendre de voir ce que le tracé sur le terrain va donner. La règle de l’équidistance est une solution proposée dans le cadre des Nations Unies, mais le dessin final de la frontière dépendra de la morphologie du littoral. Ce qui est le plus important à savoir, c’est que cela révèle une maturation du projet aussi bien que d’une approche diplomatique des relations de voisinage. Une tendance au laissez-faire aurait pu mener à de grands blocages.

Quels types de ressources peut-on trouver dans un plateau continental ?
Dans les zones océaniques, il y a des ressources vivantes et non vivantes. Cela peut aller du sable, qui est une richesse extraordinaire, jusqu’au pétrole et au gaz, en passant par des «placers» qui constituent des gisements minéraux de grande importance. Dans ces zones, tout est possible. Certaines de ces zones sont devenues des territoires de prospection des hydrocarbures. Ces espaces revêtent également une importance stratégique en raison de l’acte de souveraineté qu’ils supposent et des richesses halieutiques qu’ils recèlent.  


L’équidistance avec les Canaries

Selon l’Exécutif, l’adoption de ce corpus juridique permet d’abroger définitivement le recours à la ligne médiane comme seul repère de la démarcation des frontières maritimes et d’introduire le principe de l’équité qui est plus conforme aux intérêts du Maroc et plus compatible avec le droit international. Cela est particulièrement vrai dans le tracé de la frontière entre le Maroc et les Canaries. Moins de 100 km séparent Fuerteventura des côtes marocaines, alors que chaque État est en droit de revendiquer un plateau continental allant de 200 à 350 milles marins. Dans ce cas de figure, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer prévoit notamment le recours à la technique de l’équidistance. Une technique qui permet de prendre en considération le caractère morphologique du littoral de chaque pays et de la cartographie maritime dans le tracé de la frontière.


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