Commission d’enquête sur la CMR : Course contre la montre
Très attendues, les conclusions de la commission d’enquête parlementaire sur la Caisse marocaine des retraites permettront de lever le voile sur la véritable situation de la CMR et son système de gouvernance qui est pointé du doigt par quelques membres de son Conseil d’administration.
Le compte à rebours est enclenché pour la commission d’enquête parlementaire sur la situation de la Caisse marocaine des retraites. Il reste moins d’un mois et demi aux parlementaires de la chambre haute pour rendre leur verdict. Un délai on ne peut plus serré car il reste encore beaucoup d’auditions à mener avec plusieurs responsables, selon une source interne. Les membres de la commission espèrent prolonger le délai d’un mois afin de rassembler toutes les pièces du puzzle et avoir une vision claire de la situation de la caisse. Jusque-là, ils ont interpellé plusieurs responsables gouvernementaux, dont le chef de gouvernement. Selon nos informations, pendant trois heures, Abdelilah Benkirane s’est montré on ne peut plus coopératif en livrant aux membres de la commission toutes les informations dont il dispose.
Le ministre de l’Économie et des finances, Mohamed Boussaïd, a été également auditionné ainsi que l’ancien argentier du royaume, Fathallah Oualalou, l’ancien ministre de la Fonction publique et de la modernisation de l’administration, Mohamed Moubdii, le ministre délégué à l’Intérieur, Charki Draiss, le directeur de la Caisse marocaine des retraites, Mohamed El Alaoui El Abdellaoui, l’ancien directeur de la CMR, Mohamed Bendriss, le président de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale… Les parlementaires entendent aussi s’entretenir avec des directeurs au ministère de l’Économie et des finances et au département de la Fonction publique ainsi qu’avec des anciens membres du Conseil d’administration de la CMR. Un grand responsable, dont le témoignage est très attendu par les parlementaires, reste à auditionner: Driss Jettou, président de la Cour des comptes et ancien Premier ministre. Il devra être auditionné après avoir effectué un audit sur la gestion de la caisse comme demandé par la commission d’enquête parlementaire. Rappelons à cet égard qu’avant le rapport de 2013 sur les systèmes de retraite au Maroc, la Cour des comptes avait réalisé en 2006 une mission au sein de la CMR. Elle avait alors pointé du doigt le caractère très préoccupant de l’équilibre des régimes de retraite, ainsi que les limites dans la démarche de planification stratégique et une insuffisance du contrôle interne.
La Cour des comptes avait relevé du «laxisme dans la gestion du portefeuille» et «des placements hasardeux affectant la gestion des ressources de la caisse». Même la gestion de certains marchés a soulevé les observations des magistrats de la cour. Aujourd’hui encore, à en croire certains membres du Conseil d’administration de la CMR, la gestion de la caisse laisserait à désirer. Mohamed Bouzakkiri, représentant de la Confédération démocratique du travail (CDT) au sein du Conseil d’administration de la CMR, estime que le problème fondamental de la caisse au cours des dernières années est celui du «manque de gouvernance». Son avis est partagé par Hassan El Mardi, représentant du syndicat populaire des salariés au sein du Conseil d’administration de la CMR. Ils critiquent le manque de concertation avec les membres du Conseil d’administration et l’opacité dans la gestion des affaires de la caisse. «On ne respecte même pas les délais de tenue du Conseil d’administration. Lors du dernier Conseil d’administration en juin dernier, la loi a été enfreinte en inscrivant deux budgets à l’adoption», souligne le syndicaliste de la CDT. El Mardi épingle la gestion unilatérale de l’actuelle direction et la rétention d’informations. «Même si je suis membre du Conseil d’administration, je ne dispose pas des documents nécessaires sur la gestion de la caisse et les marchés conclus. On nous donne toujours de vieux documents», dit-il, soulignant qu’il faut lier la responsabilité à la reddition des comptes, d’autant plus que de grandes dépenses sont engagées alors que la qualité des services est en baisse.
El Mardi rappelle la vente de l’ancien siège de la CMR qui avait suscité l’ire de quelques membres du Conseil d’administration: «Cette vente a fait perdre une somme importante à la trésorerie de la caisse». Il affiche également son désaccord concernant une étude sur la gouvernance de la caisse qui a été confiée à un bureau d’étude alors qu’elle était «inutile». Contacté à plusieurs reprises par les Inspirations ÉCO, le directeur de la Caisse marocaine des retraites, Mohamed El Alaoui El Abdellaoui, est resté injoignable. En tout cas, la commission d’enquête parlementaire qui s’est constituée le 2 août dernier permettra de lever le voile sur la véritable situation de la Caisse marocaine des retraites. Les syndicats attendent avec impatience les conclusions des parlementaires, espérant pouvoir amender la réforme qui a été adoptée au forceps lors de la dernière session parlementaire printanière après un bras de fer serré au sein de l’institution législative entre l’opposition et le gouvernement. Pour les syndicalistes, la réforme n’était pas urgente malgré la situation de la CMR, et l’Exécutif devait se concerter avec les partenaires sociaux avant de mettre en œuvre une réforme dont le coût est entièrement supporté par les fonctionnaires.