Gouvernement El Otmani II. Un organigramme à haut risque

La nouvelle architecture gouvernementale apporte une modification à la structure de l’administration publique. Analyse des risques de cette nouvelle donne.
Le gouvernement El Otmani a choisi de réduire ses effectifs. En plus de la suppression des 11 secrétariats d’État, le chef de gouvernement a également «zappé» le ministère de la Communication ainsi que trois ministères délégués (Affaires générales et gouvernance, Relations avec le Parlement et Réforme de l’administration). Cette nouvelle configuration, présentée par le chef de gouvernement comme un succès, comporte des risques, notamment en matière de transfert des compétences entre les départements qui seront supprimés et d’autres qui seront amenés à fusionner. L’un des risques encourus est le manque de temps. Il est à craindre que la courte période restant à ce gouvernement (deux ans) soit tout juste consacrée à mettre en place cette nouvelle architecture gouvernementale avec ce qu’elle comporte comme réforme institutionnelle et tensions autour de ce nouvel organigramme.
Arbitrages et négociations
La nouvelle architecture gouvernementale crée six «super-ministères». En premier lieu, il s’agit des Affaires étrangères, qui inclut les dimensions africaines et migratoires. La dimension MRE est maintenue dans les prérogatives de ce département, mais la gestion des étrangers au Maroc a été supprimée. Le deuxième super-ministère est l’Intérieur, qui continuera à gérer différentes réformes et dossiers (INDH et élections). Le troisième ministère est celui de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts. Dans la nouvelle configuration, Aziz Akhannouch agira seul, sans ses deux secrétaires d’État à la Pêche maritime et au Développement rural. Le ministère de l’Économie et des finances, qui a déjà de nombreuses prérogatives et organismes sous sa tutelle (Douane, DGI, TGR, etc.), se voit renforcé par de nouvelles missions, notamment celle de la réforme de l’administration. Mohamed Benchaâboun absorbe les missions du département géré par Mohammed Benabdellah. Cinquième ministère aux prérogatives élargies, celui de l’Industrie, du commerce et de l’économie numérique, qui gère désormais un nouveau secteur, celui de l’économie verte. Le sixième et dernier «super-ministère» est celui de la Culture, de la jeunesse et des sports, porte-parole du gouvernement. Le département, qui sera géré par le nouveau ministre El Hassan Abyaba, devrait assurer la gestion de deux secteurs réunis pour la première fois de l’histoire des Exécutifs du royaume. Dans cette nouvelle configuration, le rôle de l’administration de ces ministères se trouve renforcé. Ainsi, les secrétaires généraux des départements seront les bras droits de ministres aux multiples casquettes. Cela ne réduit pas les risques de blocage et retard dans le traitement des dossiers et des nominations, chose qui pose la question de la pertinence de la suppression ou de la fusion des départements.
À titre d’exemple, le département de la Réforme de l’administration publique était en charge d’un vaste programme, celui du Plan national de la réforme de l’administration (2018-2021) ainsi que la coordination de la mise en œuvre de la Charte de la déconcentration. Faut-il craindre que ces deux chantiers soient relégués au deuxième plan des priorités? Mêmes interrogations concernant les Affaires générales. Ce ministère était en charge de la régulation des prix de produits sensibles (blé, sucre, tabac et médicaments). Si ces missions devaient se poursuivre au sein de la nouvelle organisation du ministère des Finances, il serait opportun de s’interroger sur la visibilité des réformes en cours, et spécialement le plafonnement des prix du carburant, que l’ex-ministre, Lahcen Daoudi, comptait mener malgré les résistances affichées de part et d’autres. Dans les prochains mois, nous en saurons un peu plus sur la répartition des prérogatives entre les différents départements. Il est sûr que des négociations et les arbitrages sont en cours pour mettre en place la nouvelle configuration gouvernementale.