Projet de loi sur les syndicats. La bataille s’annonce rude

Après des années de tergiversation, le projet de loi sur les syndicats vient enfin d’être soumis aux centrales syndicales qui sont divisées sur ce dossier. Le texte est très attendu pour réglementer l’échiquier syndical, notamment les volets de la démocratie interne et du contrôle financier.
Le gouvernement entend lancer incessamment des concertations avec les syndicats et le patronat autour du projet de loi relatif aux syndicats professionnels, qui tarde à voir le jour depuis 2009. On s’attend à une confrontation musclée entre l’Exécutif et les partenaires sociaux sur ce dossier. Il faut dire que certains syndicats, notamment l’UMT, se sont toujours prononcés contre l’adoption d’une loi réglementant l’échiquier syndical, estimant d’une part que l’action syndicale est déjà régie par le Code du travail et le dahir de 1957 et, d’autre part, qu’il faut en premier lieu assainir le climat social avant de mettre en place un nouveau texte. Des arguments qui ne sont pas partagés par l’Exécutif, qui brandit la nécessité d’implémenter les dispositions de la loi fondamentale. L’article 8 de la Constitution stipule en effet que la loi détermine les règles relatives notamment à la constitution des organisations syndicales, aux activités et aux critères d’octroi du soutien financier de l’État, ainsi qu’aux modalités de contrôle de leur financement.
Le gouvernement ne compte pas, cette fois-ci, lâcher du lest face aux réticences syndicales, selon une source gouvernementale. L’urgence de l’adoption de cette loi pour réglementer l’échiquier syndical s’impose afin d’instaurer la démocratie interne, favoriser le renouvellement de l’élite et garantir la transparence financière, comme l’a souligné à plusieurs reprises le chef de gouvernement. Le moment choisi par le gouvernement pour sortir ce dossier des tiroirs est pointé du doigt par nombre de syndicalistes, même certains qui sont pour la nécessité de réglementer le secteur. Le bras de fer s’annonce serré tant sur la forme que sur le fond. Globalement, le texte, qui est en cours d’examen par les syndicats, est jugé lacunaire et en deçà des dispositions du Code du travail et de la Constitution. Quelques-unes de ses dispositions sont considérées par certains syndicalistes comme une ingérence dans les affaires internes des syndicats. Quoi qu’il en soit, il s’avère nécessaire de restaurer la confiance dans l’action syndicale face à la situation actuelle marquée par la perte de vitesse du syndicalisme. Il est en effet grand temps de s’atteler à la question de la démocratie interne qui est de plus en plus malmenée dans certains syndicats.
À l’instar de ce qui se passe sur l’échiquier politique, le pouvoir au sein des syndicats est très largement confisqué par les aînés. Le système est globalement gérontocratique alors que d’aucuns soulignent la nécessité d’insuffler une nouvelle dynamique à la vie syndicale pour rétablir la confiance et régler la crise de médiation qui risque d’avoir des conséquences dangereuses sur la paix sociale.
À cet égard, la disposition sur la limitation d’âge pour les chefs de file des syndicats ayant fait objet d’une discorde a été supprimée de la mouture actuelle. Le projet de 2010 accordait un délai de cinq ans pour les retraités avant de quitter les instances du syndicat. Cette disposition pourrait être de nouveau proposée par certains syndicats qui sont pour la limitation d’âge. Khadija Zoumi, parlementaire à la Chambre des conseillers et membre du bureau exécutif de l’UGTM, estime nécessaire de fixer un seuil pour l’âge après la retraite, tout en veillant à assurer la relève et à conserver l’esprit de sagesse dans la gestion des dossiers.
S’agissant du contrôle financier, l’un des points les plus importants du texte concerne la transparence, qu’il est temps d’instaurer. Actuellement, seules les dépenses relatives aux élections sont assujetties au contrôle de la Cour des comptes. La subvention publique annuelle n’est soumise à aucun contrôle bien que, théoriquement, la Cour des comptes soit habilitée à assurer cette mission nécessaire à la garantie de la transparence et la crédibilité du champ syndical. Le Code du travail prévoit un contrôle sur les subventions publiques octroyées aux organisations syndicales qui ne se fait pas. Il est à préciser que le soutien financier aux syndicats varie en fonction de leur représentativité dont les modalités sont revues par la mouture actuelle du texte. En somme, la subvention étatique est jugée dérisoire par les syndicats car elle ne permet de couvrir qu’une partie des dépenses. Les centrales syndicales ayant du mal à recruter ne peuvent compter sur leur financement par le biais des adhésions.
Khadija Zoumi
Parlementaire et membre du bureau exécutif de l’UGTM
Avant la loi sur les syndicats, il faut des préalables, dont la nécessité de ratifier la convention n°87 -même avec des réserves- et de mettre en place des mécanismes clairs pour renforcer les syndicats en vue de leur permettre de jouer leur rôle de médiation. Je suis pour la réglementation afin d’instaurer, entre autres, la transparence financière.
Abdelhamid Fatihi
Parlementaire et SG de la FDT
Il fallait commencer par le projet de loi sur les syndicats avant celui de la grève. La mouture actuelle est acceptable à hauteur de 80%. Parmi les points positifs figure la représentativité qui est détaillée.
Khalid Alami Houir
SG adjoint de la CDT
La CDT est pour la transparence financière et la promotion de la démocratie interne. Il faut un texte qui accorde aux syndicats tous les mécanismes pour jouer leur rôle d’encadrement. Or, le projet limite ce rôle au volet social et ne prend pas en considération certains éléments clés des dispositions du Code du travail et de la Constitution.