Nomination aux hautes fonctions. La réforme s’impose

Le cadre juridique actuel est jugé lacunaire par l’exécutif lui-même. Le gouvernement qui s’est engagé à réviser la loi organique de 2012 et son décret d’application est appelé à accélérer le rythme de cette réforme. Une commission indépendante permettra d’instaurer la transparence tant espérée.
Le gouvernement est très attendu sur la réforme de la procédure de nomination aux fonctions supérieures. Pour la énième fois, le ministre de la Réforme de l’administration et de la fonction publique, Mohamed Benabdelkader, a été interpellé par les parlementaires sur ce dossier. L’exécutif est pointé doigt pour le manque de transparence en matière d’accès aux postes de responsabilité. Le parlementaire de l’Istiqlal, Rahal Mekkaoui, n’y va pas avec le dos de la cuillère : «les nominations aux hautes fonctions sont dictées par le clientélisme, le copinage, l’affiliation partisane…Les critères sont fixés selon les résultats voulus». Benabdelkader reconnait que la procédure actuelle ne répond pas aux principes constitutionnels et devra, ainsi, être amendée. L’article 92 de la loi fondamentale met l’accent sur les critères d’égalité de chances, de mérite, de compétence et de transparence.
Ces principes devaient être incarnés dans la loi organique relative à la nomination aux fonctions supérieures de 2012. Mais, comme le précise le ministre de tutelle, cette loi n’était pas peut-être précise dans la mise en oeuvre des principes de la loi fondamentale et est marquée par un vide juridique qu’il conviendrait de combler. La loi s’est contentée d’énumérer des principes tout en laissant au décret le soin de fixer les différentes modalités.
Ce texte, rappelons-le, stipule la création auprès de l’autorité gouvernementale concernée d’une commission chargée de définir les critères de sélection des candidats aux fonctions supérieures. Le ministère de la Réforme de l’administration et de la Fonction publique a constaté l’existence de grandes disparités entre les départements dans la définition des conditions d’accès aux hautes fonctions au point que «l’on tend presque à effacer les principes constitutionnels », pour reprendre l’expression de Benabdelkader qui affiche sa conviction de la nécessité de réviser non seulement le décret mais aussi la loi y afférent.
Le Maroc entend s’inspirer des expériences internationales réussies pour unifier les critères de sélection des candidats et instaurer la transparence et l’équité des chances tant espérées. Sous d’autres cieux, c’est une commission indépendante qui est chargé de définir les critères de sélection et de choisir les candidats pour les postes de responsabilité dans la fonction publique. La Cour des comptes avait fait référence à l’expérience de la Belgique qui est dotée d’un organe central spécialisé chargé de recruter les collaborateurs statutaires pour les services publics fédéraux, les communautés et les régions. Ce bureau publie régulièrement des offres d’emploi. Pour pouvoir être engagés, les candidats doivent passer par un processus de sélection pour établir un classement. Cet organe spécialisé dispose d’une liste qui fait office de réserve de recrutement. Il est grand temps de mettre fin à la situation actuelle. Il faut dire que depuis l’adoption du nouveau cadre juridique relatif aux nominations aux fonctions supérieures en 2012, on a de plus en plus tendance à politiser l’administration en nommant des cadres appartenant aux partis politiques de la majorité gouvernementale. Une situation vertement critiquée par l’opposition car on estime que le fonctionnaire doit être neutre et impartial même si l’administration est un organe d’exécution des orientations stratégiques du gouvernement. Le groupe parlementaire du PAM à la chambre basse avait même brandi la menace de la formation d’une commission d’enquête parlementaire sur ce dossier. Le gouvernement est appelé à accélérer le rythme de la réforme de la procédure actuelle. Le projet révision de ce texte préparé par le ministère de la Réforme de l’administration et de la Fonction publique a été introduit il y a quelques semaines dans le circuit législatif, comme nous l’avons déjà souligné aux Inspirations ECO.
Le principal amendement a trait à la création d’une commission indépendante chargée de proposer au gouvernement des profils pour des postes-clés. C’est l’unique issue pour rétablir la confiance et mettre fin à la polémique enclenchée sur la transparence. Le gouvernement gardera le pouvoir de nomination, mais le processus de présélection devra être géré par une commission indépendante qui se chargera des appels à candidatures et des entretiens. Actuellement, les ministres disposent d’une grande marge de manoeuvre. Ils peuvent en effet à travers la commission de nomination orienter la sélection en déterminant des critères taillés sur mesure pour le candidat souhaité. La réforme de la procédure, qui est en vue, devra concerner dans une première phase les nominations des secrétaires généraux dont le décret va aussi être amendé et des directeurs généraux. Les critères de recrutement devront, ainsi, être unifiés pour l’ensemble des départements.