Éco-Business

Consommation d’électricité : de nouveaux records attendus

Sous l’effet conjugué de la canicule et de la généralisation de la climatisation, le Maroc a enregistré un nouveau record de consommation électrique le 30 juin dernier, avec une pointe frôlant les 7,9 gigawatts. Un pic symbolique, mais pas inattendu, qui reflète une dynamique structurelle de hausse de la demande. Si les pouvoirs publics misent sur la régulation et l’efficacité énergétique, des voix appellent à replacer ces chiffres dans leur contexte socio-économique et historique, loin des réactions alarmistes.

Par une chaleur accablante, le Maroc a franchi un seuil symbolique dans sa consommation électrique. Le 30 juin dernier, le système national a enregistré un pic de demande avoisinant les 7,9 gigawatts (GW), selon Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable. Un mois de juin parmi les plus chauds jamais enregistrés dans le Royaume, avec une anomalie thermique nationale de +1,66 °C, il se classe au troisième rang des mois de juin les plus chauds depuis 1981.

Cette envolée de la demande, en hausse de près de 5% par rapport à la même période l’an passé, reflète l’usage massif de la climatisation dans les foyers comme dans les entreprises, devenus des équipements quasi indispensables face à la multiplication des vagues de chaleur.

«Cette tendance devrait s’accentuer avec les étés de plus en plus chauds», a prévenu la ministre, lors d’une intervention à la Chambre des représentants, appelant à une gestion plus rigoureuse de la consommation énergétique.

Face à cette pression croissante sur les infrastructures électriques, les pouvoirs publics tentent de réagir. Benali a d’ailleurs rappelé qu’un arrêté conjoint, signé en septembre 2024 avec le ministère de l’Industrie, a instauré un étiquetage énergétique obligatoire pour les climatiseurs commercialisés au Maroc, ainsi qu’un seuil minimal de performance. Objectif, inciter les importateurs et fabricants à proposer des appareils moins énergivores et contenir une demande appelée à croître structurellement.

Une dynamique structurelle
Faut-il pour autant s’alarmer de ce nouveau pic ? L’expert en énergie Amin Bennouna invite à relativiser. «Il faut replacer ce chiffre dans une dynamique de long terme. La puissance maximale annuelle augmente depuis des décennies, à un rythme régulier de 3% par an. C’est le reflet naturel d’un pays qui s’industrialise», analyse-t-il.

Selon lui, les 7,9 GW enregistrés fin juin ne constituent probablement pas le pic annuel, généralement atteint entre juillet et août. «Il est très probable que la demande dépasse les 8 100 mégawatts (MW) cet été», anticipe Bennouna.

La croissance démographique, l’extension continue du réseau électrique et l’essor industriel nourrissent une demande énergétique en hausse constante. Avec une population en progression d’environ 1% par an et un maillage électrique encore en cours de généralisation, cette trajectoire ascendante semble inéluctable. Pour y répondre, le gouvernement mise sur la régulation et l’efficacité énergétique.

Dans les zones urbaines, les équipements électroménagers sont désormais soumis à des normes minimales. En milieu rural, l’État et l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE) promeuvent le recours à des matériaux traditionnels, réputés plus isolants.

Un discours que tempère Amin Bennouna : «Qu’on nous dise qu’un bâtiment en pierre sèche maintient 15 °C en plein été sans climatisation me semble hautement improbable. Même une maison bioclimatique peine à descendre sous les 27 °C lorsqu’il fait 45 °C dehors».

Mais, au-delà des pics ponctuels, le Maroc reste un pays à faible consommation énergétique par habitant. Symbole de cette pression sur le système, les enseignes spécialisées ont constaté une envolée des ventes de climatiseurs, avec des ruptures de stock récurrentes dans plusieurs régions du Royaume. Les périodes de canicule ont dopé les achats, au point de mettre à mal la logistique de distribution. Un phénomène révélateur de l’évolution rapide des usages, mais aussi des défis à venir pour maintenir l’équilibre du système électrique entre sécurité d’approvisionnement et transition vers un mix plus durable.

Amin Bennouna
Expert en énergie

Le chiffre de 7.900 mégawatts a défrayé la chronique. Et pourtant, il n’a rien d’exceptionnel. Ce pic de consommation, atteint fin juin, s’inscrit dans une tendance ancienne. Depuis quarante-cinq ans, la puissance maximale annuelle augmente d’environ 3% par an. Ce que certains découvrent aujourd’hui existe depuis toujours. Et nous ne sommes pas encore au sommet de l’année.

La vraie pointe, comme toujours, surviendra entre juillet et août, probablement au-delà de 8 100 MW. En réalité, 2024 fut même une année modérée, avec une pointe restée sous les 7.560 MW. Mais derrière ces courbes, un malentendu persiste. Non, le Maroc n’est pas un pays énergivore. Avec moins de 0,7 tonne d’équivalent pétrole par habitant, nous figurons parmi les pays à la plus faible consommation au monde. Ce n’est pas de la sobriété volontaire, mais de la précarité énergétique.

Un PIB par habitant faible, des inégalités criantes, et une majorité de la population sans réel accès au confort thermique. En voilà la vraie raison de cette modération. Il est temps de revenir à une lecture lucide des chiffres. La transition énergétique, si elle veut être juste, ne peut ignorer le poids du social et de l’économie réelle. Et cela commence par cesser de confondre pauvreté et vertu.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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