Richesse et misère
Nos riches ne sont-ils pas aussi généreux qu’ils devraient l’être? La question mérite d’être posée au lendemain de l’abandon de la taxe sur la richesse. Car si le business est légitime et la réalisation de bénéfices n’a rien d’indécent -bien au contraire, c’est la base même d’une économie de marché- la générosité des personnes fortunées témoigne de leur parfaite intégration dans la société.
En effet, l’on constate qu’avec la disparition des grands patrons, jadis connus pour leurs actes de bienfaisance, les nouvelles générations de riches regardent ailleurs, ne baissant les yeux que pour vérifier les fonds de caisse! Faisons un exercice simple. Passons en revue les 100 premières fortunes du Maroc et évaluons le volume d’actions philanthropiques en rapport avec le chiffre d’affaires et les bénéfices réalisés. Vous seriez choqués du gap énorme entre les quelques rares contributions à l’épanouissement de la société et les gains réalisés toujours croissants. Les fortunes ne payent pas toutes les impôts dus, de l’aveu même du wali de Bank Al-Maghrib, à juste titre d’ailleurs. À un certain moment, on a eu droit à un effet de mode: les grands groupes industriels avaient commencé à baptiser leurs fondations à tour de bras, mais au lieu de faire le choix de la proximité et de prôner les valeurs de partage, ils en ont fait un lieu de rencontres élitistes avec vernissages et échanges de salons.
Aujourd’hui, la société civile, cimentée par une classe moyenne qui se débrouille comme elle peut, joue ce rôle de philanthrope en chef. Car, sauf exceptions, je n’ai pas en tête d’action concrète réalisée en faveur des couches les plus défavorisées, qui souffrent au quotidien dans le Maroc profond, là où un modeste repas chaud, ne serait-ce qu’un plat de lentilles, reste un luxe. Pendant ce temps, on se demande comment jouir de sa fortune dans un environnement de pauvreté et de misère ? Bizarre !