Décharge de Médiouna. La société civile refuse l’installation d’incinérateurs
L’AMCDD et ses partenaires ne veulent pas de cette option pour la gestion des déchets de la décharge de Médiouna. Selon eux, le conseil de la ville devrait éviter de choisir un délégataire souhaitant construire des incinérateurs.
La société civile environnementale dit non à la construction éventuelle d’incinérateurs dans la nouvelle décharge de Médiouna. Pour faire connaître leur position, en faveur de l’économie circulaire et ayant vocation à influer sur l’issue imminente de l’appel international à manifestation d’intérêt (AMI) lancé en juin dernier par le Conseil de la ville pour choisir le futur gestionnaire et la solution technologique d’élimination de ces déchets, l’Alliance marocaine pour le climat et le développement durable (AMCDD) et ses partenaires (la Coalition pour la valorisation des déchets (COVAD), l’Association des enseignants des sciences de la vie et de la terre (AESVT) et l’Observatoire pour la protection de l’environnement et des monuments fistoriques de Tanger (OPEMHT) ) ont convié, mardi, les médias au Centre d’éducation à l’environnement à Casablanca. L’occasion pour Abderrahim Ksiri, coordinateur national de l’AMCDD, et ses «co-équipiers», alertés par les termes du Cahier des prescriptions spéciales de l’AMI et les conclusions de la dernière conférence organisée par Haddadi, vice-président du Conseil de la ville de Casablanca, qui montrent une forte orientation globale du déléguant vers l’option de construction d’une usine d’incinération, d’expliquer en quoi cette option d’achat d’incinérateurs n’est pas la meilleure technologie pour la valorisation énergétique durable des déchets de Casablanca.
Les incinérateurs, une mauvaise solution
Selon eux, les incinérateurs sont une mauvaise solution économique, sociale et environnementale dans le cas de la décharge de Médiouna. Premièrement, parce que les coûts d’acquisition et de fonctionnement de cette technologie sont très élevés. La construction d’un incinérateur de déchets coûte 7 à 8 fois plus cher qu’une centrale électrique. Pour un incinérateur de déchets, il faut compter au minimum 7 millions de dollars par MW produit, soit 700 millions de dollars (environ 7 MMDH) pour un gros incinérateur pouvant produire 100 MW. L’exploitation de l’incinérateur nécessite également de pouvoir assurer, dans la durée, un fonctionnement stable et des coûts opérationnels élevés. Le coût moyen de fonctionnement nécessaire qu’il faut ainsi assurer tournerait autour de 700 à 800 DH/tonne. L’installation d’incinérateurs est par ailleurs longue. Elle nécessite quatre ans en moyenne, une durée incompatible avec l’urgence du cas de Médiouna, celle-ci étant qualifiée de «bombe à retardement» qu’il faut solutionner au plus vite. À supposer qu’il soit installé, sur cette durée, l’incinérateur produit des cendres toxiques qu’il faut stocker dans une décharge remplissant des critères très spécifiques. L’Europe toute entière ne compte que 2 décharges de ce type, qui coûtent excessivement cher. Moralité, le traitement de tous ces résidus doit être décidé antérieurement à l’installation de l’incinérateur.
Les déchets organiques peu adaptés à cette technologie
Par ailleurs, l’AMCDD et ses partenaires ne veulent pas de cette solution pour la décharge de Médiouna parce que l’incinérateur n’est pas adapté à une ville comme Casablanca, qui produit plus de 60% de déchets organiques, avec une forte humidité. Or, les déchets organiques, très riches en eau, font baisser la température du four. Donc pour maintenir la température, l’incinérateur a besoin de déchets à forte valeur calorifique comme le plastique. D’ailleurs, les autorités de la ville avaient tenté une expérience dans ce sens avec les Canadiens, expérience qui s’était soldée par un cuisant échec. L’incinérateur est une source d’émissions de polluants et de gaz toxiques dont l’impact sur la santé publique est très sérieux. Il émet des métaux lourds (plomb, mercure, chrome), de l’oxyde d’azote, des gaz acides (soufre, chlore, fluor) et des dioxines et furanes qui sont des perturbateurs endocriniens cancérigènes. Même les incinérateurs les plus modernes polluent. En effet, ceux utilisant la technologie BAT (Best Available Technology) disposent certes de toute une chaîne de traitement des gaz pour abattre les polluants, mais des flux de fines particules polluantes subsistent. Enfin, le dernier grief soulevé par la société civile à l’égard de cette option est que l’incinérateur n’emploie pas beaucoup de main-d’œuvre. Son process est extrêmement centralisé et profite à un petit groupe de personnes. Quid, alors, des milliers de chiffonniers travaillant dans la décharge de Médiouna ?