Maroc

Insertion professionnelle : en attendant l’alternance…

Malgré des réformes engagées pour rapprocher l’université du monde du travail, l’alternance reste marginale au Maroc. Tandis que le stage devient obligatoire dès 2025-2026, la mise en place d’une formation alternée structurée se heurte encore à des freins juridiques, institutionnels et culturels. Comment bâtir un modèle d’alternance adapté au contexte marocain ?

À partir de l’année universitaire 2025-2026, tous les étudiants marocains devront effectuer un stage dans un environnement de travail réel. Cette annonce du ministre de l’Enseignement supérieur, Azzeddine El Midaoui, marque une volonté d’ancrer la formation universitaire dans la réalité professionnelle.

Les stages seront encadrés conjointement par un professeur référent et un tuteur en entreprise, et donneront lieu à un rapport de stage détaillé. Il s’agit d’une évolution notable, mais qui reste en deçà d’une véritable logique d’alternance. Le stage, bien que formateur, demeure une expérience ponctuelle, souvent cantonnée à la fin du cursus. Or, de nombreux observateurs plaident pour une intégration plus poussée du monde professionnel dans le parcours académique.

L’alternance : un levier sous-exploité
Alexandra Montant, directrice générale adjointe de Rekrute.com, souligne un manque de préparation des jeunes diplômés marocains des facultés marocaines à la réalité du monde du travail. « Une immersion de six mois en entreprise fait toute la différence », observe-t-elle.

Pourtant, les cursus universitaires généraux offrent peu d’opportunités dans ce sens. Contrairement au stage, l’alternance repose sur un système de formation en double rythme : les étudiants partagent leur temps entre école et entreprise pendant une durée significative, souvent une ou deux années. Ce modèle permet d’acquérir une expérience opérationnelle en parallèle des cours, renforçant l’employabilité des jeunes à la sortie du cursus. En France, ce dispositif est largement déployé et soutenu depuis plus de trente ans.

L’alternance y a transformé les liens entre formation et entreprise. Mais sa transposition au Maroc se heurte encore à plusieurs obstacles : manque d’un cadre légal spécifique, faible engagement des entreprises, et inertie dans l’adaptation des programmes académiques.

Un tournant en préparation, mais encore fragile
Le ministre de l’Inclusion économique, Younes Sekkouri, a affirmé sa volonté de faire de l’alternance un pilier de la formation professionnelle. Il prévoit de tripler le nombre de bénéficiaires — de 31.000 à 100.000 d’ici fin 2025 — et a alloué un budget de 500 millions de dirhams, tout en appelant les Régions à contribuer à cet effort.

Le montant de l’aide individuelle a également été revalorisé de 4.000 à 5.000 dirhams. D’autres programmes, comme TAEHIL (formation contractualisée pour l’emploi), s’inscrivent partiellement dans cette logique, mais restent éloignés du modèle structuré d’alternance. Le système actuel demeure fragmentaire,
et l’effort d’harmonisation est encore en cours.

Vers un modèle marocain inspiré de l’expérience française
Depuis 18 mois, le Maroc bénéficie du soutien de la France pour structurer une politique d’alternance. Le Forum maroco-français de l’alternance, organisé le 9 juillet dernier, a réuni plus de 300 acteurs du monde académique et économique.

Deux accords ont été signés entre le ministère marocain de l’Enseignement supérieur, l’ambassade de France et l’Institut Français (IF). Gérald Brun, attaché de coopération scientifique et universitaire, détaille cette feuille de route : partage d’expertise pédagogique, accompagnement des universités marocaines, et clarification du cadre juridique.

« L’idée est d’adapter le modèle aux spécificités marocaines, pas de le copier », insiste-t-il.

Un premier axe de collaboration prévoit la mobilité d’étudiants marocains vers des formations en alternance en France, mais l’enjeu principal reste la construction d’un cadre local pérenne, articulant ambitions politiques, implication du tissu économique et évolution des mentalités dans l’enseignement supérieur.

Le cadre légal des stages

Actuellement, les stages au Maroc sont encadrés par le Code du travail (dahir n°1-93-16) et le décret n°2-91-517 sur la formation-insertion. Toute période de stage doit faire l’objet d’une convention tripartite. La durée maximale est de 24 mois non renouvelables.

L’indemnité versée au stagiaire est exonérée d’impôt si elle ne dépasse pas 4 500 dirhams, et sous certaines conditions. Une protection sociale minimale s’applique (accidents du travail, maladies professionnelles), mais le stagiaire ne dispose pas du statut de salarié. En cas de détournement du dispositif, le stage peut être requalifié en contrat de travail.

Mounira Lourhzal / Les Inspirations ÉCO



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