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Après le mandat, la SCI en ligne de mire

Un projet de loi imposant l’inscription des sociétés civiles immobilières auprès des registres de commerce, qui deviendront les registres «des sociétés et de commerce», a été déposé au SGG. Une manière d’assurer une meilleure traçabilité juridique et fiscale pour lutter contre la fraude et la spoliation.

La désuétude du régime juridique de la société civile immobilière est l’un des facteurs aidant à la spoliation». C’est le constat qui a poussé le ministère de la Justice à déposer son projet de loi encadrant ce type de structures auprès du Secrétariat général du gouvernement. Le texte qui modifie et complète l’article 987 du Dahir des obligations et des contrats veut ainsi intégrer les SCI dans le champ d’application du Code de commerce, notamment en matière d’inscription aux registres «sans pour autant en présumer le caractère commercial» au même titre que les groupements d’intérêts économiques.

Un verrouillage qui permettra ainsi d’appliquer l’obligation de transformation en sociétés commerciales dès lors que l’entreprise effectue des marges dans des transactions immobilières. Il faut qu’en matière de spoliation, si les auteurs, les intervenants et les modalités diffèrent, il y a un point commun à plusieurs affaires : la SCI.

Un statut juridique spécial qui permet à une personne ou à un ensemble de personnes de détenir un patrimoine immobilier via une structure distincte. «Seulement, la réglementation de la SCI demeure beaucoup trop légère et ne permet pas un suivi et une traçabilité de ses opérations», explique Me Abdellatif Yagou, notaire à Casablanca. En effet, contrairement aux S.A et aux autres types de sociétés (SARL, SNC…), elle ne dispose d’aucune loi propre.

Ses deux seules bases juridiques sont l’article 982 du Code des obligations et des contrats régissant le contrat de société (et qui en réalité s’applique à toutes les formes de sociétés) et la fameuse circulaire 717 du Code général des impôts définissant la société civile comme «n’ayant pas de caractère commercial». Lors de sa constitution, cette société n’est pas soumise aux formalités de dépôt et de publicité, n’est pas tenue de s’inscrire au registre de commerce ni de tenir des livres de commerce et de facto, elle ne peut être mise en faillite. Au niveau des livres fonciers, le flou de ce statut juridique et les conséquences néfastes qu’il entraîne ont poussé les conservateurs à ne plus accepter les transactions relatives aux sociétés civiles immobilières.

«Lorsqu’une personne morale souhaite vendre ou acquérir un bien immobilier, l’opération s’assimile à un acte de commerce, la circulaire 717 a d’ailleurs bien défini que la SCI ne peut servir de cadre à une opération commerciale. Ainsi pour que la transaction soit validée, elle est dans l’obligation de se transformer en société commerciale (généralement en SARL) ou alors de se dissoudre pour laisser place à une copropriété de fait», indique ce conservateur de l’une des agences foncières les plus sollicitées de Casablanca. Actuellement, les SCI peuvent établir des transactions immobilières, en enfreinte totale au Code de commerce.

En outre, les droits d’enregistrement étaient estimés sur la valeur des parts sociales ou du capital social et non pas sur la valeur patrimoniale effective, permettant de réaliser des plus-values importantes moindrement taxées. Ainsi, pour «vendre» un immeuble en SCI, on pouvait au choix «vendre» l’immeuble proprement dit sur la base d’une valeur de voisinage ou bien les parts sociales de la SCI qui le possédait sur la base d’une valeur bilan.

Par ailleurs, il n’y avait pas de frais de mutation à la conservation foncière puisque l’immeuble restait la propriété de la société. Avec l’obligation de transformation, la taxation est désormais basée sur la valeur «réelle» du bien et non sur celle des actions car des sociétés à petit capital possédaient des biens d’une très grande valeur marchande… Par conséquent, la SCI est une arme de dissimulation redoutable. Si un commerçant ou un artisan fait faillite, sa banque peut donc saisir ses locaux afin de les vendre et de récupérer son dû. Cependant, si l’un des associés de la SCI est étranger à l’activité professionnelle, il est impossible de saisir ses parts.

La banque pourra donc, suite à une action en justice, saisir les parts de la SCI appartenant au commerçant défaillant, mais pas celles du deuxième associé. Ensuite, la banque ne pourra pas vendre les parts qu’elle a saisies si le deuxième associé ne donne pas son accord. La saisie des locaux étant alors inutile, la banque peut estimer plus judicieux d’envisager d’autres solutions pour récupérer ce qui lui revient et contrairement à l’indivision, il n’y a pas de possibilité de provoquer un partage.

Au niveau fiscal, la SCI peut aussi opter pour l’impôt sur les sociétés (IS). avec des conséquences fiscales naturellement importantes mais cette option, qui est irrévocable comporte aussi des inconvénients. Lors de la vente du bien immobilier, la plus-value sera soumise à l’IS et les amortissements pratiques seront déduits du prix d’achat (ce qui augmente mécaniquement le montant de la plus-value imposable).

L’apport d’un bien à une SCI soumise à l’IS est assimilée à une vente et supporte donc en principe des droits d’enregistrement. Il faut souligner que la SCI est obligatoirement soumise à l’IS si elle exerce une activité commerciale comme par exemple la location meublée.

 

Une alternative à l’indivision:

L’essence même de la SCI est la protection du patrimoine des personnes et surtout la capacité de sortir du système contraignant de l’indivision. Cette dernière qui est une situation de fait, généralement résultant d’un héritage, est très rigide notamment dans les décisions qui doivent obligatoirement être prises à l’unanimité. La SCI peut prévoir dans ses statuts des quotas de majorité de vote, selon l’importance des décisions, par le biais d’assemblées générales. En outre, en cas de conflit ou de volonté de retrait d’un associé, elle présente un intérêt notable puisque celui-ci n’aura qu’à céder ses parts. En indivision, la séparation des indivisaires entraîne dans la plupart des cas la vente du bien. Enfin et contrairement à la SCI, l’indivision a un inconvénient certain lié à son statut précaire puisque «nul n’est tenu de rester en indivision» (article 978 du dahir des obligations et des contrats) alors qu’en créant une société, les contractants s’engagent à respecter leurs engagements et les modalités de retrait sont prévues dans les statuts. Néanmoins, les associés sont indéfiniment responsables sur leurs biens propres des dettes de la société. Les associés d’une SCI engagent donc leur patrimoine personnel, à proportion toutefois de leurs parts détenues dans le capital social. Le fonctionnement d’une SCI suppose également d’accomplir des démarches propres à la vie de toute société. Une assemblée générale doit ainsi être réunie chaque année. Un bilan annuel doit également être établi tous les ans. De plus, il est nécessaire de procéder à la nomination d’un gérant afin que celui-ci puisse gérer et représenter la société.


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