À quand la nécessaire diversification ?
Le HCP rappelle une fois de plus dans une récente étude l’impératif catégorique d’une diversification du tissu productif de notre économie. Le Maroc n’a pas été en mesure de stabiliser la majorité de ses exportations.
«Nous avons eu, à plusieurs reprises, l’occasion, de relever l’impératif catégorique d’une diversification du tissu productif de notre économie, afin d’améliorer, dans la durée, notre épargne intérieure, par une plus grande distribution d’emplois et de revenus et notre épargne nationale par une offre exportable plus forte et plus compétitive», lançait d’emblée Ahmed Lahlimi, haut commissaire au Plan (HCP) lors de la présentation mardi dernier de l’étude sur «Le potentiel de diversification de l’économie marocaine et les nouvelles opportunités de sa croissance». Cette étude se base sur une approche développée par des chercheurs de l’Université de Harvard. Ainsi selon les conclusions du HCP, il y a une convergence de la croissance du Maroc vers le contenu en complexité de son économie. À ce sujet, les économistes du HCP estiment que ce contenu a été affaibli par la dégradation de l’économie du pays. Sa faiblesse provient aussi de l’augmentation de l’ubiquité des produits marocains par rapport à la production mondiale. «Ce qui explique la problématique de l’essoufflement de notre croissance», souligne le HCP. Pour ce dernier, si l’on se base sur les indicateurs de complexité économique, le Maroc «peut devenir plus compétitif mais juste pour les produits de faible valeur ajoutée car ils sont les plus proches de sa structure actuelle». Ceci s’explique par le fait que le Maroc a principalement développé à l’export des produits primaires ou ceux dont la technologie est plutôt faible. Néanmoins, il faut se poser la question de savoir comment le pays peut-il développer une production à grande valeur ajoutée avec un système éducatif qui a été mis à mal par les politiques aveugles des différents gouvernements et ceci depuis le début des années 80. D’ailleurs, tous les rapports sur ce système confirment sa défaillance mais jusqu’à présent aucun gouvernement n’a pu trouver une solution et l’on va droit dans le mur. Pire encore, le volet R&D au Maroc a du mal à se développer et ceci malgré que les investissements y afférents aient connu une certaine croissance. Selon un rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement CNUCED sorti en 2016 «le pays n’a pas profité de la hausse des investissements dans la R&D enregistrée à partir de 2000» Et pour cause, l’absence «selon la CNUCED de lien d’apprentissage». Pour revenir au rapport du HCP, ce dernier souligne que «les opportunités de diversification vers des produits riches et sophistiqués restent encore latentes dans l’économie marocaine. Cependant, d’après cette étude, 60% de ces opportunités s’avèrent être des choix non stratégiques et ne permettraient pas une transformation de notre économie». Aussi, le HCP préconise-t-il «de procéder à l’identification des choix stratégiques basés sur les capabilités actuelles de l’économie permettant une diversification durable et une croissance économique soutenue».
Stagnation de l’avantage comparatif révélé des exportations
Selon les économistes du HCP, le Maroc n’a pas été en mesure de stabiliser la majorité de ses exportations. Il s’est contenté selon l’étude de stabiliser à peine 8% des produits classés, ce qui est loin de favoriser le développement de sa compétitivité. Il n’a pas réussi à ajouter plus de produits à la liste des exportations performantes. «Cela se dégage du faible nombre de produits en transition, soit 2,6% du total des produits classés, ce qui est en même temps moins que le nombre de produits qui ont perdu leur avantage comparatif révélé (RCA) durant la même période (3,3% du total des produits classés)», note-t-on auprès du HCP. À ce propos, il faut noter que ce dernier classe 5 catégories de produits. Il s’agit des produits stables qui ont pu garder leur avantage comparatif depuis l’année 2000 et partant leurs capabilités nécessaires sont acquises. Ces derniers ne dépassent guère les 8% des produits classés. Toutefois, ils pèsent pour près de 60% dans le total des exportations entre 2010 et 2014. «Les capabilités liées à ce groupe de produits représentent 24% des capabilités nécessaires pour intégrer un potentiel de diversification de 120 nouveaux produits», note-t-on auprès du HCP. Il y a aussi les produits dits de transition qui ont commencé à afficher un avantage comparatif à partir de 2005 et de ce fait les capabilités qui y sont liées commencent à être acquises. Ils représentent 3% des produits classés et 5% des exportations entre 2010 et 2014. «Les capabilités liées à ce groupe de produits représentent 26% des capabilités nécessaires pour intégrer un potentiel de diversification de 114 nouveaux produits», précise le HCP. La troisième catégorie de produits est celle de ceux dits latents pour le court terme. Il s’agit de produits qui ne sont pas encore exportés de manière significative par le Maroc. Pour ces derniers, les capabilités actuelles de l’économie marocaine affichent une grande faisabilité (20%). Actuellement, leur part dans les exportations est à peine de 5% pour un total de 207 produits (31% du total des produits). Pour les produits qui ne sont pas encore exportés significativement par le Maroc, dits produits latents pour le long terme, les capabilités actuelles de l’économie marocaine leur accordent une faible faisabilité (12%). Leur part dans les exportations totales est de 9% pour un total de 307 produits (47% du total des produits). Il y a enfin les produits perdus qui sont en déperdition de leur RCA depuis 2000-2004. Cette déperdition est due soit au manque d’acquisition de leurs capabilités dans l’économie ou à cause de l’augmentation de leur ubiquité à l’échelle internationale. «D’autres pays sont devenus plus efficaces dans l’exportation de ces produits. Pour le cas du Maroc, la part de ces produits dans les exportations totales est très faible (2%) pour un total de 22 produits», précise le HCP.
Des exportations à contenu technologique limité
Sur ce point, l’étude identifie quatre catégories selon leurs ressources naturelles et leur contenu technologique sur la base d’une classification méthodologique développée par Lall (2001). Cette identification se réfère aux indicateurs des activités technologiques dans la production manufacturière. En plus clair, il y a les produits primaires, les matières brutes et les produits à contenu technologique bas, moyen ou élevé. Le diagnostic à ce niveau révèle que les exportations marocaines sont toujours dominées par les matières brutes, les produits primaires et les produits à faible contenu technologique (66% du total des exportations). Le constat est beaucoup plus inquiétant lorsqu’on sait que les matières brutes, les produits primaires et les produits à faible contenu technologique dominent aussi les produits (88%).
Les produits où le Maroc a pu préserver ses avantages comparatifs.
«L’amélioration des avantages comparatifs liée aux produits en transition a été réalisée également à 94% dans la sphère des mêmes catégories de produits (brut, primaire et faible contenu technologique)», ajoute le HCP. Ainsi, selon l’étude, l’économie marocaine dispose d’un potentiel de diversification qui est aux alentours de 90% dans les produits de nature brute, primaire et à faible contenu technologique. Les 10% de ce potentiel composé de 180 produits étant de moyenne et haute technologies (66 produits) est à concrétiser dans le long terme.
Pistes de diversification
Sur un autre registre l’étude rappelle que la compétitivité de l’offre exportable marocaine est en perte depuis des années déjà. Ce constat est tiré de l’évolution de l’indice de complexité économique (ECI) du Maroc qui est sur un trend baissier depuis quelques années. «Au regard de la capacité de l’ECI à prévoir la croissance économique future, le ralentissement de la croissance économique nationale traduit la convergence du PIB de l’économie marocaine vers son contenu en complexité économique, en particulier après les effets de la crise qui ont affaibli l’aubaine conjoncturelle dont bénéficiait le pays». Cela veut tout simplement dire que le pays à tendance à converger vers le niveau de revenu imposé par la complexité de sa structure productive. Aussi est-il nécessaire de créer les conditions à même de permettre à la complexité d’émerger afin de créer une croissance et une prospérité soutenues. Dans ce sillage, le HCP identifie des pistes pour la diversification de l’économie marocaine et ceci en se basant sur l’indice de complexité du produit (PCI) et l’indice de gain d’opportunité (OGI). «Ces mesures permettent d’identifier le potentiel en nouveaux produits situés dans le voisinage de la structure actuelle de l’économie nationale», note le HCP. L’étude constate qu’entre 2000 et 2004, l’économie marocaine a permis une classification des produits selon leur niveau de sophistication. Ce dernier étant lié à la connaissance productive incluse dans chaque produit. À ce sujet, il faut savoir que les produits de l’agriculture, de la pêche et des extractions minières, qui représentent 60% du total des exportations présentent les niveaux de complexité les plus faibles. Quant aux exportations des industries alimentaires, du textile et du cuir (20% des exportations totales), ils présentent aussi de faibles complexités. Près de 80% des produits nationaux sont de nature brute, primaire et à faible contenu technologique. «Cela veut dire que la structure du tissu productif national continue d’incorporer de faibles capabilités (faibles connaissances productives ou niveau de sophistication) ce qui met en exergue la lenteur du processus de diversification de l’économie nationale», explique-t-on auprès du HCP. S’agissant des produits de l’industrie manufacturière, ces derniers sont plus complexes. Ils se caractérisent par l’incorporation de nombreuses capabilités au regard du besoin «d’un meilleur contenu technologique dans leurs structures de production». Cependant, tous les produits ont des gains d’opportunités de diversification. Pour le HCP, «les produits à haut contenu technologique ne constituent pas exclusivement une option prioritaire pour valoriser le potentiel dont dispose l’économie marocaine en termes de diversification et de sophistication. Au contraire, les produits de l’agriculture, de la pêche, des industries alimentaires et du textile et cuir, malgré leur faible niveau de complexité, offrent à l’économie marocaine un gain d’opportunité de diversification et de sophistication beaucoup plus important que les produits de haute complexité».
Opportunités stratégiques
Pour dresser une liste des opportunités de diversification stratégique au Maroc, l’étude s’est focalisée sur les 593 produits qui ne sont pas exportés de manière significative. De cette annalyse, il ressort quatre classes de produits. Il s’agit de ceux hautement complexes et hautement stratégiques. Ces derniers ont un potentiel global de diversification plus élevé. Au nombre de 141, ces produits devraient fournir, selon le HCP, les plus grands avantages directs et indirects à l’économie marocaine si toutefois celle-ci arrive à développer les capabilités requises pour les produire. Il s’agit aussi des produits hautement complexes et moyennement stratégiques. Au nombre de 83, ces derniers auraient aussi un impact plus élevé sur la complexité globale de l’économie. «Toutefois, les avantages indirects d’une plus grande diversification ne seraient pas aussi importants que ceux des produits de la classe précédente», précise-t-on auprès du HCP. Il y a également les produits moyennement complexes et moyennement stratégiques. Ils sont au nombre de 26 et pourraient avoir un apport direct et indirect sur la complexité de l’économie marocaine et sur sa diversification. Toutefois, cet apport n’est pas aussi important que celui des deux autres classes. Enfin, il y a les produits à faible complexité et valeur stratégique qui sont au nombre de 343. «Malgré qu’ils ne nécessiteraient pas un grand nombre de capabilités pour l’économie marocaine, ils contribueraient moins à promouvoir la diversification des exportations orientée vers la complexité, le savoir et la croissance économique», souligne le HCP.