El Othmani promet un accord pour avril
Le chef de gouvernement compte activer les choses pour mettre en place un agenda précis de rencontres avec les partenaires sociaux et le patronat. Un accord est promis pour avril prochain. Les syndicats attendent des mesures concrètes.
Que peut-on espérer d’un dialogue social après l’adoption de la loi de Finances? C’est l’interrogation outrée -mais non moins légitime- de Miloudi Moukharik. Interrogé par les Inspirations ÉCO à la veille de la réunion du dialogue social qui devrait avoir lieu aujourd’hui à Rabat sur invitation du ministre de l’Emploi, le SG de l’UMT n’a pas caché son mécontentement. Ce premier tour de chauffe aura trop tardé à venir alors que les revendications des syndicats portent essentiellement sur la baisse de l’impôt sur le revenu et sur le relèvement du seuil de la pension de retraite minimum, ainsi que sur le salaire exonéré à 36.000 DH par an au lieu de 30.000 actuellement. Et malgré son obsolescence, l’accord du 26 avril 2011 signé entre les syndicats et le gouvernement sans qu’il soit dûment appliqué sera, comme à l’accoutumée, brandi comme rappel à l’ordre.
L’invitation de Mohamed Yatim pour reprendre langue sur des sujets dont beaucoup font peur au Budget de l’État ne trouve pas l’écho souhaité chez les syndicats. Sachant qu’il s’agit d’une rencontre préparatoire aux prochains rounds du dialogue social, elle perd automatiquement beaucoup de son attrait. Les syndicats espéraient peser de tout leur poids pour remettre sur la table des pourparlers l’épineux sujet des libertés syndicales, principalement la loi sur la grève qui souffre d’un perpétuel report. Le chef de gouvernement, Saad-Eddine El Othmani, qui ne jure que par les vertus de l’écoute, aura face à lui des syndicats pas forcément enthousiastes, conscients que les dés sont déjà jetés. Toutefois, tel n’est pas le sentiment d’Ennaam Mayara, SG de l’UGTM, qui estime que le plus important est de se mettre d’accord sur un agenda et des axes précis des discussions collectives (gouvernement-syndicats-patronat). Mais, depuis la première rencontre le 9 octobre dernier, le gouvernement n’a pas fait signe de vie. Aussi, Mayara se demande si le dialogue social est une vraie priorité pour le gouvernement.
Le jeune responsable syndical ne manque pas de patience quant à la conclusion d’un bon accord en 2018 ou même en 2019. L’essentiel pour lui est de sortir de la rhétorique et de passer aux choses sérieuses. Dans un contexte marqué par la dégradation du pouvoir d’achat et la cherté des produits alors que les revenus font du surplace, il est crucial de faire un geste dans le sens de l’apaisement. En tout cas, pour pallier la tension qui croît au sein des masses laborieuses, relayée par des mouvements de débrayage, Saâd-Eddine El Othmani veut arriver à un accord concluant.
Contacté par les Inspirations ÉCO, Abdelhak Arabi, chargé de mission auprès du chef de gouvernement, affirme que la volonté est d’arriver à un accord tripartite (gouvernement-syndicats-patronat) et triennal 2018-2020 d’ici avril prochain. En si peu de temps, les partenaires sociaux doivent mettre en place un planning de rencontres sur une base consensuelle. En effet, avril est un mois symbolique puisqu’il rappelle l’accord de 2011 soutiré par les syndicats dans un contexte social marqué par le mouvement du 20 février. Cet accord, que d’aucuns qualifient de dépassé, ne l’est pas pour Mayara. «Cet accord est toujours d’actualité puisqu’il concerne des éléments revendicatifs essentiels comme l’échelle mobile des salaires, l’indemnisation pour le travail en zones éloignées et montagneuses, la fonction territoriale…», a-t-il étayé. En tout cas, le prochain accord triennal auquel El Othmani veut parvenir n’a pas la prétention de supplanter celui du 26 avril 2011 qui, pour les syndicats, revêt un aspect presque sacré. Le gouvernement se défend d’avoir déboursé plus de 13 MMDH pour l’application des composantes phares de ce cahier revendicatif, notamment à travers la hausse des salaires dans la fonction publique à deux reprises, mais il reste encore des points en suspens qui revêtent plutôt un caractère politique. Il s’agit de dispositions qui ne nécessitent pas forcément de budget, mais simplement un effort législatif.
Loi sur la grève et le dialogue sectoriel
Deux chantiers peuvent considérablement faciliter le dialogue social: l’activation des discussions sur la loi sur les grèves et le dialogue sectoriel. La loi sur les grèves a pris trop de temps en réflexion alors qu’elle est censée organiser ce droit pour les syndicats comme pour les entreprises et l’administration. Elle devra remettre de l’ordre dans un recours légitime, mais souvent mal encadré et sans impact avéré sur l’évolution des choses. Quant au dialogue sectoriel, il est de nature à baliser le terrain au dialogue social et à éviter la perte de temps sur des revendications sectorielles qui, en s’accumulant, prennent une dimension nationale.