Maroc

Banque digitale : le paiement électronique, porte d’entrée de Revolut au Maroc

La néobanque britannique Revolut a récemment nommé un directeur des opérations pour piloter son arrivée sur le marché marocain. En coulisses, plusieurs défis réglementaires liés à la spécificité du marché local freinent l’ambition du groupe dans le Royaume.

Depuis plus d’un an, Revolut prépare son arrivée au Maroc. L’entreprise vient finalement d’officialiser la nomination d’Amine Berrada comme directeur des opérations, première pierre d’un édifice encore en construction. Cet ancien consultant, formé à l’international, sera chargé de piloter les premières étapes de la stratégie de la néobanque sur le territoire.

«Je suis ravi de contribuer au lancement et au développement de Revolut au Maroc», a-t-il publié sur LinkedIn.

Il évoque un projet ambitieux, une «super application» financière mondiale et un marché marocain «prêt pour l’innovation». Mais en coulisses, le chantier semble nettement plus complexe qu’annoncé.

Selon nos informations, le poste de CEO reste toujours vacant. Plusieurs candidats ont été auditionnés, certains à plusieurs reprises, mais aucun n’a encore été retenu pour le moment. «J’ai été contacté en février, j’ai passé trois entretiens, mais ils ont finalement décidé de poursuivre avec d’autres profils», nous confie un expert du secteur bancaire marocain, sollicité en toute discrétion.

Une stratégie prudente, face à un secteur bancaire verrouillé
Le marché bancaire marocain, bien qu’en pleine modernisation, reste extrêmement fermé à l’arrivée de nouveaux acteurs, très peu de licences ont été délivrées ces dernières années, rappelle notre source. «Obtenir une licence bancaire ici, ce n’est pas une formalité. Il faut un capital minimum de 200 millions de dirhams, et même si c’est atteignable pour Revolut, ce n’est pas suffisant», nous explique-t-on.

Selon notre interlocuteur, «en réalité, il faut aussi l’accord de Bank Al-Maghrib, et dans les faits, la validation implicite des autres grandes banques». La dernière licence bancaire octroyée remonte à 2015, celle de CFG Bank. Consciente de cette complexité, Revolut aurait choisi de démarrer sous le statut d’établissement de paiement. Une démarche plus accessible, mais qui limite fortement la gamme de services financiers proposés dans un premier temps. Une stratégie de la prudence donc. La priorité serait aujourd’hui de monter une équipe locale, de tisser des partenariats, et d’analyser les comportements des futurs clients.

«Ils souhaitaient obtenir une licence bancaire en deux ans, mais ce n’est pas réaliste comme objectif. Ils vont passer ces deux ans à comprendre le marché, faire des tests, recruter petit à petit», explique notre source. Mais cette stratégie progressive pourrait aussi révéler une certaine hésitation.

«Ils veulent d’abord se concentrer sur le Maroc, avant de penser à l’Afrique du Nord ou subsaharienne. Ils savent que la concurrence y est déjà bien plus développée qu’ici», nous confie-t-on.

Une stratégie de recrutement fidèle à l’ADN de Revolut
Parmi les premières étapes de structuration locale, Revolut a nommé un directeur des opérations issu du monde du conseil. Ce choix s’inscrit dans la continuité de la culture interne du groupe, qui accorde une place centrale à l’analyse de données et à l’optimisation par les indicateurs de performance.

«Revolut accorde une attention particulière aux chiffres, à la data. Ils cherchent des profils capables de suivre les indicateurs en temps réel, pas forcément des stratèges bancaires», commente une source proche du dossier.

Dans un environnement comme celui du Maroc, où la régulation, les attentes des clients et le fonctionnement des acteurs financiers répondent à des logiques bien spécifiques, l’enjeu consistera à adapter cette approche globale au contexte local. C’est là que se jouera, en partie, la capacité de Revolut à trouver sa place.

Fausse révolution ?
En optant pour une installation au Maroc, Revolut cible un marché encore relativement peu digitalisé. Le taux de bancarisation dans le Royaume reste modéré, selon Bank Al-Maghrib, il s’élève à environ 58%. Cela signifie que plus de quatre Marocains sur dix ne possèdent pas de compte bancaire. Un potentiel de croissance que la néobanque veut capter. Mais là encore, les freins sont structurels.

«Les personnes non bancarisées ne le sont pas seulement par manque d’accès. Il y a aussi une vraie défiance vis-à-vis des banques. Alors pourquoi feraient-elles confiance à une société étrangère ?», s’interroge notre interlocuteur.

Contrairement à d’autres pays du continent comme le Nigéria, la Côte d’Ivoire ou encore le Kenya où les néobanques locales prospèrent, le Maroc compte encore très peu d’acteurs purement digitaux. Le seul exemple notable reste celui du CIH Bank. La banque publique a signé un partenariat avec Backbase, une entreprise néerlandaise spécialisée dans les plateformes digitales.

«CIH va lancer une vraie néobanque, pas juste une application. Elle permet de contracter un crédit à distance, avec une interface complète en ligne», commente un autre expert. Du côté des usagers, l’arrivée de Revolut pourrait tout de même avoir un effet d’émulation.

«Toute concurrence est positive. Cela peut pousser les banques marocaines à améliorer leurs services et à fluidifier les processus», poursuit la même source.

Mais les obstacles restent nombreux. La législation sur la signature électronique est encore partielle, et les opérations bancaires à distance ne sont pas toutes couvertes.

«Ce que va proposer Revolut n’est pas révolutionnaire. Ce sont des choses qui existent déjà. Mais les banques locales préfèreront toujours soutenir une néobanque locale comme celle du CIH plutôt que de voir un acteur étranger leur prendre des parts de marché», analyse notre expert.

Revolut, une néobanque à vocation mondiale

Derrière l’identité d’application simple à télécharger se cache aujourd’hui l’un des poids lourds de la fintech mondiale. Créée en 2015 à Londres, Revolut s’est d’abord fait connaître pour ses cartes multidevises à faibles commissions, avant de se transformer en une véritable superapp financière.

À partir d’un seul compte, ses utilisateurs peuvent envoyer de l’argent, épargner, investir en bourse ou en cryptomonnaies, souscrire à des assurances ou encore gérer leurs abonnements. L’entreprise revendique aujourd’hui plus de 60 millions de clients particuliers et professionnels dans 140 pays et territoires. En 2024, elle a généré un chiffre d’affaires record de 3,1 milliards de livres sterling, soit environ 4 milliards de dollars, en hausse de 72% par rapport à l’année précédente.

Pour la première fois, Revolut a également franchi le cap symbolique du milliard de dollars de bénéfice net. Une performance qui consolide son statut de licorne européenne la plus en vue, avec une valorisation estimée autour de 45 milliards de dollars. Revolut poursuit une stratégie d’expansion agressive, avec de nouvelles implantations prévues en Inde, au Mexique, et dans plusieurs pays d’Afrique. Son objectif affiché est de dépasser les 100 millions d’utilisateurs actifs dans les prochaines années, en s’imposant comme une alternative globale aux banques traditionnelles.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



Parlement : Moudawana et retraites, les dossiers chauds de la rentrée


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page