Centres d’hémodialyse : Les modes de passation des marchés pointés du doigt
La Cour des comptes vient de dresser un tableau pour le moins sombre de la gestion des marchés passés par les délégations du ministère de la Santé avec les centre d’hémodialyse privés. Conclusion de marchés auxquels ne participe qu’un seul candidat représentant un groupement de centres de dialyse. Les prix proposés par le candidat unique ne permettent pas selon la Cour des comptes «de faire des économies dans la gestion du service public…
Encore des insuffisances dans la passation et l’exécution des marchés. C’est ce que vient de relever une fois de plus la Cour des comptes. Cette fois-ci, ce sont les marchés passés par certaines délégations provinciales du ministère de la Santé avec des centres d’hémodialyse pour la prise en charge des malades atteints d’insuffisance rénale chronique terminale. Il s’agit essentiellement des malades n’ayant pas une couverture sociale et qui ne peuvent être pris en charge par les hôpitaux publics, faute de places. Il faut aussi préciser que les moins chanceux sont mis dans des listes d’attentes interminables, sachant que les séances de dialyses sont vitales pour ces malades. Cela dit, les magistrats de Driss Jettou ont relevé une absence de concurrence réelle lors de la passation de ces marchés. «Certaines délégations provinciales de santé concluent annuellement des marchés par appels d’offres ouverts auxquels ne participe qu’un seul candidat représentant un groupement de centres de dialyse», note la Cour des comptes. Ainsi, les prix proposés par le candidat unique ne permettent pas selon la Cour des comptes «de faire des économies dans la gestion du service public en question». Pire encore, la qualité de la prestation (séances des dialyses) risque d’être impactée au regard du monopole.
Sur ce point, il faut préciser que la qualité de vie d’une personne dialysée dépend entre autres et énormément de la qualité des séances de dialyse. Ces dernières dépendent à leur tour du matériel utilisé et du traitement des bains (une solution liquidienne, préparée par le générateur d’hémodialyse à partir d’une eau purifiée). Ce n’est pas tout, puisque les griefs de la Cour des comptes portent aussi sur l’exécution des marchés passés avec les centres d’hémodialyse. «Les listes des bénéficiaires des séances d’hémodialyse, préparées mensuellement par le titulaire du marché, ne font pas l’objet d’un contrôle systématique de la part des délégations du ministère de la Santé», précise la Cour des comptes.
À cela s’ajoute le fait que des centres d’hémodialyse peu scrupuleux procède à la facturation des séances non faite aux malades qui se sont absentés, sont décédés ou ont changé de centre. «Il facture également des séances dont les dates coïncident avec des jours chômés ou fériés». Mais sur ce dernier point, il faut préciser que les centres d’hémodialyse sont obligés de réaliser des séances de dialyse durant ces jours fériés et ceci pour des raisons organisationnelles et vitales (un hémodialysé en surcharge ne peut sauter une séance car il risque sa vie). La Cour des comptes a aussi relevé que les délégations ne désignent aucun responsable pour le contrôle des prestations des centres d’hémodialyse et ceci en contradiction totale avec les dispositions du cahier des charges. «La DMS ne procède pas à l’établissement des procès-verbaux de contrôle des centres d’hémodialyse se rapportant à la consommation des médicaments et aux mesures devant être prises pour la stérilisation du matériel utilisé», ajoute la Cour des comptes.
Ces mêmes délégations pèchent aussi par le non contrôle des rapports d’activité du titulaire du marché, qui sont à la base des factures de ses prestations dont les modalités et les mécanismes de suivi et de contrôle ne sont pas très clairs. Quant aux paiements, les délégations du ministère de la Santé les règlent sur la base des factures des centres d’hémodialyse sans s’assurer de la réalité des prestations facturées. De plus, les centres ne présentent aucun rapport médical de leurs patients à la fin du marché, comme cela est prévu par le cahier des charges. «Les rapports d’audit prévus pour les marchés dont les montants dépassent les 5MDH ne sont pas établis et ceci par méconnaissance des dispositions de l’article 92 du décret relatif aux marchés publics», note la Cour des comptes.
Selon cette dernière et au regard du mode de gestion des marchés d’hémodialyse et en l’absence de suivi de l’exécution de ces derniers, les délégations du ministère de la Santé se privent de la possibilité de bénéficier et de prix concurrentiels et de prestations de bonne qualité. Ce mode de gestion ouvre également la voie aux titulaires desdits marchés pour bénéficier, indûment, de fonds publics de montants importants, soulignent les magistrats de la cour qui demandent au ministère de la Santé d’intervenir en urgence pour mettre fin à cette anarchie qui participe au déséquilibre des finances publiques. Il faut souligner à ce niveau que les crédits alloués par le ministère de la Santé aux services liés à l’hémodialyse, sont passés de 60 MDH en 2009 à 250 MDH en 2016, soit une hausse de 317%. Cette augmentation s’explique par la hausse du nombre des dialysés qui sont exclus du système de couverture sociale.