Culture

Paul Verhoeven : Le génie provocateur consacré

Il avait prouvé l’étendue de son talent et sa vision authentique dans des films comme RoboCop, Black Book ou encore Basic Instinct. Il la confirme dans «Elle», projeté lundi soir au Palais des congrès. À 78 ans, le plus international des réalisateurs néérlandais, Paul Verhoeven, reçoit son premier hommage et c’est au cœur de la ville ocre que cela s’est passé.

Intransigeant, libre et provocateur, Paul Verhoeven a donné une vraie leçon de cinéma à Marrakech ce lundi 5 décembre lors de sa masterclass, puis en recevant un hommage pour l’ensemble de son œuvre. «Je suis ravi de venir au Maroc pour le premier hommage de ma carrière», confie le réalisateur néerlandais. «Je suis venu il y a quelques années pour tourner un film ici, mais celui-ci n’a jamais été tourné à cause de soucis financiers. Je suis heureux d’être revenu à Marrakech pour assister à ce merveilleux festival, je remercie Marrakech et le Maroc», continue un Paul Verhoeven ému, sous le regard bienveillant de l’actrice Isabelle Hupert, qui lui remet le trophée hommage et qui le décrit comme suit: «Dès son premier film Turkish Delight, nommé aux Oscars pour le meilleur film étranger, Paul Verhoeven planta le décor de ses obsessions, distilla son esprit provocateur et dévoila son goût pour la représentation de la violence crue».

Il se fait remarquer par Steven Spielberg qui lui propose de venir tenter sa chance à Hollywood, et il avait vu juste: Paul Verhoeven n’hésite pas à quitter les Pays-bas et traverse l’Atlantique pour commencer une nouvelle vie artistique. Résultat: RoboCop, Total Recall, Basic Instinct, Hollow Man, autant de succès planétaires! «Il a su s’adapter avec insolence et brio à la machine hollywoodienne», confie l’actrice française qui a incarné Michèle Leblanc dans un «Elle» tourmenté, parfois tordu mais tellement bien mené! Le synopsis: Michèle, femme d’affaires intransigeante, dirige une entreprise de jeux vidéo en poussant constamment plus loin ses employés dans la création de séquences violentes à caractère sexuel. Femme de tête, froide, cynique et résolue, elle ne veut pas laisser entrevoir ses failles. Pas même lorsqu’elle est violée par un mystérieux agresseur. Elle continue sa journée, se rend à son travail comme si de rien n’était: c’est dire si elle ne laisse rien transparaître. Cependant, elle n’oublie pas: elle commence un chassé-croisé plutôt déroutant avec son agresseur. Thriller psychologique parfois psychédélique, on ne comprend pas parfois où le scénariste veut en venir. Dérangeant mais fascinant, «Elle» cherche à tester les limites de la morale et vient changer les codes du cinéma hollywoodien. Paul Verhoeven voyait ce film en français.

Il a d’ailleurs perfectionné la langue afin de communiquer avec ses équipes et adapter au mieux le roman «Oh…» de Philippe Djian. Le réalisateur a su tirer le meilleur de l’actrice française et lui a offert un rôle presque écrit pour elle, comme pour une certaine Sharon Stone dans Basic Instict. Il a pu mettre en avant tout le talent de Lucas Prisor et d’Alice Isaaz. En somme, le génie néerlandais a fait émerger le meilleur d’une histoire dérangeante, qui ferait plus de mal à la condition féminine qu’autre chose. Il a su convaincre les plus féministes d’entre nous par la beauté de son art, de ses gestes, de son sens de l’intrigue et de son amour pour le malaise. Ses mouvements de caméra sont uniques, il arrive à voir et à pointer du doigt ce qu’on ne voit pas. Il donne une autre dimension au réel. Il est unique, c’est une des raisons pour lesquelles Marrakech lui a rendu hommage ce lundi soir. Un film qui représentera la France aux Oscars.



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