Compact II, les enjeux d’une mise en œuvre

Deux mois après la signature du deuxième programme de coopération conclu entre le Maroc et le MCC, les travaux préparatoires à la mise en œuvre des projets programmés sont en cours. Abdelghni Lakhdar, coordinateur du «Compact II», fait le point sur l’engagement du secteur privé ainsi que sur la portée des mesures qui seront prises.
Les Inspirations ÉCO : Près de six mois après sa signature, où en est la mise en œuvre du deuxième programme de coopération (Compact II) ?
Abdelghni Lakhdar : Le Compact II, conclu le 30 novembre 2015, a été introduit dans le circuit de ratification, et le projet de loi n°05.16 portant approbation de cet accord a été adopté par le parlement. Par ailleurs, le gouvernement vient d’adopter, lors de son Conseil tenu le 2 juin courant, le projet de loi n°24.16 portant création de l’agence MCA-Morocco (Millenium Challenge Account-Maroc) qui aura pour mission de superviser la mise en œuvre et la gestion dudit programme de coopération. Établissement public de droit marocain, doté de la personne morale et de l’autonomie financière, cette agence disposera d’un Conseil d’orientation stratégique présidé par le chef de gouvernement et comptant parmi ses membres les départements ministériels concernés et des représentants du secteur privé et de la société civile. Ceci étant, depuis la signature du programme, les travaux préparatoires à la mise en œuvre des projets continuent de façon ininterrompue.
Le programme met l’accent sur la formation professionnelle. Quel regard portez-vous sur l’engagement du secteur privé pour la réalisation des objectifs fixés ?
Le secteur privé est en effet un acteur clé en matière de formation professionnelle. C’est pour cela que le partenariat public-privé est au cœur de l’activité «Développement de la formation professionnelle et de l’emploi». Cette activité bénéficie d’un apport financier de 107,4 millions de dollars et ambitionne, à travers un fonds dédié au financement de projets de partenariats public-privé en matière de formation professionnelle, de promouvoir une formation professionnelle adaptée aux besoins des employeurs et à même d’assurer une meilleure intégration des lauréats dans le marché du travail. Nous avons déjà lancé en 2015 un appel à idées pour tester l’intérêt pour ce fonds et en préciser les paramètres, et nous avons été agréablement surpris par l’engouement des acteurs privés et la qualité des idées novatrices proposées.
Quand est-ce qu’est prévu le déploiement du «modèle
intégré d’amélioration des établissements de l’enseignement secondaire» dans 100 établissements scolaires identifiés au sein de trois régions ?
Actuellement, nous sommes dans la phase des études au niveau de six établissements pilotes pour la finalisation de ce modèle qui sera par la suite déployé dans 100 collèges et lycées, répartis sur les régions Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Fès-Meknès et Marrakech-Safi. Le démarrage du déploiement effectif du modèle interviendra en 2017. Le nouveau modèle d’établissement constitue la composante essentielle de l’activité «Éducation secondaire» dotée d’un budget de 112,6 millions de dollars. Cette activité vise, à travers une pédagogie centrée sur l’élève et une autonomie de gestion, à améliorer les résultats scolaires et, à terme, l’employabilité des jeunes.
Le projet «Productivité du foncier» vise à accroître la productivité du foncier, aussi bien rural qu’industriel. Les ambitions en matière de réforme prévues sont-elles à la hauteur des moyens dont vous disposez ?
Ce projet est conçu pour soutenir la volonté des pouvoirs publics de faire du foncier un levier de développement économique et social. Le projet se distingue par sa conception qui met l’accent, d’une part, sur la dimension réforme en pensant et mettant en place des approches nouvelles, en soutenant des réformes légales et réglementaires et en appuyant la coordination et les synergies entre les acteurs et, d’autre part, en mettant en œuvre des expériences pilotes sur la base desdites approches. C’est le cas des zones industrielles qui seront développées ou revitalisées selon un modèle de partenariat public-privé qui inclut à la fois le volet développement et le volet gouvernance des zones. C’est aussi le cas de la melkisation des terres collectives qui comprend à la fois l’optimisation de la procédure et sa mise en œuvre sur un périmètre de 46.000 ha. L’intérêt de cette démarche est de catalyser des réformes substantielles, de tester leur mise en œuvre sur une échelle significative, et de donner la possibilité au gouvernement de s’approprier les nouvelles approches et dupliquer les expériences pilotes sur des échelles beaucoup plus importantes.
Outre les zones industrielles pilotes financées par MCC, il sera procédé à la mise en place d’un fonds de promotion d’une nouvelle génération de zones industrielles…
L’idée derrière ce fonds est double. D’une part, il s’agit de répondre à des besoins exprimés par les acteurs en termes d’amélioration de la gouvernance et de la productivité du foncier industriel en vue de mieux répondre aux besoins du tissu productif et de renforcer l’attractivité des investissements. Cela pourrait couvrir des projets d’offre de services aux PME/PMI ou aux grandes entreprises, d’amélioration de la gouvernance ou de la performance environnementale, d’infrastructure ou tout autre projet au sein des zones industrielles. D’autre part, il s’agit d’assurer une couverture plus large du Compact II en finançant des initiatives qui vont au-delà des zones pilotes.
Vous plaidez pour la mise en place d’une stratégie nationale foncière globale et d’un plan d’action pour sa mise en œuvre. Quelles contraintes majeures devront être dépassées pour cela ?
Effectivement, le projet «Productivité du foncier» inclut une activité «Gouvernance» qui vise à soutenir le gouvernement dans le développement d’une stratégie nationale foncière globale et d’un plan d’action de cette stratégie. Le roi Mohammed VI avait souligné, dans Son message adressé aux participants aux Assises nationales organisées les 8 et 9 décembre 2015 sur la politique foncière de l’État, que la transversalité du secteur foncier fait que les contraintes et enjeux auxquels il est confronté sont le lot des différents opérateurs et acteurs concernés, précisant que le traitement de ces contraintes et enjeux nécessite l’adoption d’une vision globale intégrant toutes les dimensions juridiques, institutionnelles, organisationnelles et procédurales et tenant compte des spécificités de ce secteur, ainsi que de la nature complexe et imbriquée de sa structure. Les participants à ces assises avaient conclu à l’existence d’une série de contraintes se rapportant d’une part à la maîtrise de la structure foncière, à la sécurisation de l’assiette foncière et à l’apurement de sa situation juridique et matérielle, et d’autre part à l’utilisation et à la mobilisation de cette assiette. Ces contraintes sont aussi liées aux mécanismes et procédures de gestion du foncier public avec la multiplicité des intervenants et des régimes fonciers et la diversité de la structure foncière du domaine public.
Bientôt une agence pour mettre en œuvre les projets
Les parlementaires sont appelés à accélérer la cadence pour passer le projet de loi portant création de l’Agence du Millenium Challenge Account. Adopté par le Conseil de gouvernement le 2 juin, le texte est entre les mains de la Commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants. Il devrait être adopté au cours de cette session printanière. L’agence sera chargée de mettre en œuvre les deux projets programmés par le Compact II: «Éducation et formation pour l’employabilité» et «Productivité du foncier». Cet établissement public disposera d’un conseil d’orientation stratégique, présidé par le chef du gouvernement avec la participation des secteurs concernés et des représentants du secteur privé et de la société civile, et sera dirigé par un directeur général. Le projet prévoit aussi la création d’un comité de pilotage.