Maroc

Nouveau Pacte pour la Méditerranée : une volonté de rééquilibrage, en attente de concret

L’Union européenne formalise sa volonté de réviser sa stratégie d’engagement envers les pays de la rive sud de la Méditerranée. Jeudi, un nouveau Pacte pour la Méditerranée a été annoncé, visant à redynamiser les liens euro-méditerranéens autour de la migration, des investissements verts et du développement local. Si le Maroc y est désigné comme «partenaire privilégié», le dispositif reste encore à définir dans ses mécanismes et financements.

L’Union européenne formalise sa volonté de réviser sa stratégie d’engagement envers les pays de la rive sud de la Méditerranée. Jeudi, en effet, un nouveau Pacte pour la Méditerranée a été annoncé, visant à redynamiser le lien entre l’UE et ses partenaires nord-africains. Il place au premier plan des axes comme la coopération migratoire, les investissements verts et le renforcement des capacités locales.

La commissaire européenne Dubravka Šuica n’a pas caché l’enjeu symbolique de cette démarche en soulignant : «Peut-être qu’à un certain moment, les habitants du sud de la Méditerranée ont eu l’impression que nous nous concentrions trop sur l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, les Balkans… et qu’ils se sont sentis un peu laissés pour compte». Une déclaration, forte de sens, qui introduit un revirement perceptible dans l’attention que l’UE entend désormais porter à ses voisins méridionaux.

Aujourd’hui, le Projet Méditerranée se veut un instrument réparateur, une réponse à cette impression d’oubli. Mais derrière les intentions, la substance reste encore à définir. Pour l’heure, cet engagement ne s’accompagne ni de calendrier précis, ni de montants budgétaires détaillés. L’Exécutif européen promet que les financements seront annoncés dans le courant de l’année 2026. Il ne contient pas de mécanismes concrets ni de montants précis. Se présentant davantage comme une déclaration d’intention, ledit pacte s’assimile à un cadre politique indicatif que l’UE espère préciser l’an prochain.

Aligner les priorités
Ce pacte intervient dans un contexte où le Maroc est déjà pris sous les feux de l’attention européenne. Lors d’une visite à Rabat en septembre 2025, la commissaire Šuica a qualifié le Royaume de «partenaire privilégié» : il s’agissait pour Bruxelles d’affirmer que le Royaume ne serait pas seulement un bénéficiaire, mais un acteur central dans cette nouvelle phase de coopération.

Selon les déclarations publiques, le pacte se structurera autour de trois grands axes. D’abord les personnes : il s’agit de créer les conditions pour que les jeunes envisagent un avenir dans leur pays d’origine, tout en ouvrant des voies légales de mobilité vers l’Europe. Ensuite, les économies : l’Union entend favoriser les investissements dans le climat, l’industrie verte, l’innovation et le renforcement des capacités productives locales.

Enfin, un troisième volet, centré sur la sécurité et la résilience : il s’agit d’approfondir la coopération sur les questions migratoires, la résilience face aux crises et la stabilité régionale. Le Royaume, qui figure parmi les dix pays directement impliqués dans l’élaboration du pacte (Liban, Égypte, Tunisie, Algérie, Syrie, Libye, Jordanie, Palestine, Israël et Maroc), pourrait jouer un rôle bien plus proactif que celui d’un simple destinataire.

Les discussions tenues entre les deux parties devraient enrichir le contenu du pacte, notamment en intégrant les priorités nationales du Royaume. Ce qui est certain, c’est que pour que l’initiative ne reste pas lettre morte, plusieurs défis devront être relevés.

L’ambition financière doit être mise en cohérence avec la réalité budgétaire : sans annonces concrètes de financements, le pacte pourrait rester un vœu pieux. Il faudra aussi que le cadre du pacte respecte les priorités nationales des pays partenaires : pour qu’il ait du sens au Maroc, il devra s’articuler avec les politiques publiques nationales en matière d’emploi, d’infrastructures, d’énergie ou encore de formation. Ce chantier suppose une capacité institutionnelle solide, à la fois en termes de gestion, de suivi et d’absorption des éventuels fonds européens.

Enfin, l’équilibre du pacte devra être soigneusement maintenu : si la dimension migratoire l’emporte de façon trop visible, les populations concernées pourraient percevoir l’initiative comme un contrat asymétrique au profit de l’Europe.

Une initiative préparée depuis plusieurs mois
Soulignons que l’annonce du Pacte pour la Méditerranée en octobre 2025 ne tombe pas du ciel. Dès juillet 2024, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait exprimé la volonté d’un renouveau stratégique avec les voisins du Sud, plaçant cette ambition dans les priorités de son second mandat.

Ce signal politique s’est traduit, en avril 2025, par un débat de haut niveau à Bruxelles qui a donné le coup d’envoi des consultations régionales préparatoires au Pacte. Plusieurs pays du pourtour méditerranéen, dont le Maroc, y ont participé activement. L’initiative répond aussi à des appels récurrents, formulés dès 2023, par des partenaires du Sud réclamant un engagement européen plus équilibré.

Dans ce sens, le Pacte s’inscrit dans une continuité politique avec les cadres précédents (Union pour la Méditerranée, Processus de Barcelone), tout en affichant une volonté de changement de ton. Il se présente comme une tentative de revitalisation, nourrie par un diagnostic partagé et des attentes exprimées depuis plusieurs mois.

Vers un nouveau pacte, par-delà un simple ajustement

Le nouveau Pacte pour la Méditerranée apparaît moins comme une rupture que comme une tentative de revitalisation d’une relation longtemps jugée déséquilibrée. Il intervient à l’heure où l’UE, confrontée à des crises – ukrainienne, énergétique, migratoire – cherche à réaffirmer sa présence au sud de sa frontière. Pour les pays de la rive sud, il s’agit d’un appel à une coopération moins paternaliste, davantage pragmatique.

L’enjeu : transformer ces annonces en architecture de partenariat crédible. Avec ce cadre posé, le Maroc, jusqu’à présent déjà engagé dans de vastes chantiers de transition et de coopération, dispose d’une fenêtre stratégique. Il s’agit désormais d’entrer dans l’étape de l’exigence — celle où les intentions se traduisent en projets tangibles, en partenariats partagés, et en retombées concrètes pour les populations.

H.K. / Les Inspirations ÉCO



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