Écotourisme : Ifrane, laboratoire à ciel ouvert pour la transition touristique nationale

La stratégie touristique marocaine pour 2030 prend forme à Ifrane. La ville sert de terrain d’expérimentation pour un modèle durable destiné à être dupliqué. Une conférence internationale a officialisé cette vision, faisant du projet pilote d’Ifrane la première étape d’une ambition nationale à grande échelle.
Ifrane n’est plus seulement une vitrine de l’écotourisme marocain, elle est en passe de devenir le prototype grandeur nature de la transition du secteur. Un véritable laboratoire à ciel ouvert où le Maroc teste, investit et met en scène les contours de son tourisme de demain, plus durable et plus inclusif.
C’est dans ce décor qu’une conférence internationale de haut niveau, tenue mercredi, a réuni décideurs et investisseurs. L’objectif est d’aller au-delà des discours pour exposer un modèle en action, capable de concilier la croissance record du secteur avec les impératifs de préservation environnementale.
Une ambition nationale face à une demande touristique en mutation
Lors de cette rencontre, la ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, Fatim-Zahra Ammor, a exposé le cadre stratégique de cette transition. Elle a rappelé que le secteur touristique mondial connaît une transformation profonde, où la durabilité et l’authenticité deviennent des critères de choix déterminants.
La part des touristes recherchant des expériences durables au Maroc est ainsi passée de 5% en 2019 à 10% en 2024. Face à un flux de près de 17 millions de visiteurs attendus cette année et un objectif de 26 millions à l’horizon 2030, la préservation des ressources est une condition de la croissance.
Le gouvernement a ainsi intégré la durabilité comme un axe central de la feuille de route 2023-2026. Des programmes concrets soutiennent cette orientation, à l’image de GO SIYAHA, qui a financé plus de 200 projets liés au développement durable, ou du programme de valorisation de 16 villages touristiques, doté d’un budget de 200 MDH pour créer des écosystèmes locaux et de nouvelles opportunités d’emploi.
Des politiques convergentes pour un investissement responsable
La réalisation de cette ambition repose sur une action coordonnée des pouvoirs publics. Le ministre de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des Politiques publiques, Karim Zidane, a souligné le rôle de la nouvelle Charte de l’investissement. Un dispositif de soutien inédit est spécifiquement dédié aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), leur offrant un accès facilité aux incitations publiques via des subventions directes pour rendre les projets plus viables et durables. Des caravanes de l’investissement sillonneront également les provinces pour accompagner les porteurs de projets à fort impact social.
En parallèle, le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a insisté sur le défi que représente la gestion des ressources hydriques dans un contexte de stress aigu, notant que la rationalisation de la consommation d’eau dans l’industrie touristique est une obligation nationale. Des solutions comme le recours à la désalinisation et la réutilisation des eaux usées traitées, à l’instar de l’irrigation de terrains de golf, sont présentées comme des pratiques exemplaires à généraliser.
Plus de 730 MDH pour le prototype d’Ifrane
Le Parc national d’Ifrane est la matérialisation de cette convergence. Le directeur général de la Société marocaine de l’ingénierie touristique (SMIT), Imad Barrakad, a présenté ce projet comme un exemple concret de l’écosystème d’investissement responsable que son organisme s’attache à développer. Un programme d’envergure, soutenu par un partenariat public-privé mobilisant plus de 730 MDH, y est déployé.
L’initiative vise à créer une expérience touristique unique mêlant détente, sport et découverte. Le projet se distingue par l’intégration d’équipements innovants à faible empreinte carbone, tels que des dômes transparents, des cabanes perchées, des igloos de montagne ou des gîtes flottants.
Ces formes d’hébergement alternatif, couplées à une offre variée d’activités de plein air, ont pour vocation de renforcer l’attractivité de la destination tout en créant des retombées positives directes pour les communautés et les TPME locales.
Plus de 150 experts réunis pour accélérer la transition
La conférence internationale a servi de plateforme pour formaliser cette dynamique. Organisée par la SMIT en partenariat avec le Centre régional d’investissement de Fès-Meknès et l’Agence nationale des eaux et forêts, elle a rassemblé plus de 150 participants, incluant des experts, des investisseurs et des opérateurs nationaux et internationaux.
Les intervenants ont focalisé leurs contributions sur les projets susceptibles à promouvoir l’écotourisme et l’investissement durable dans les parcs naturels, d’explorer les mécanismes de soutien à l’investissement éco-touristique, de favoriser les synergies entre tourisme et agriculture durable, et de valoriser le patrimoine naturel tout en renforçant l’entrepreneuriat local.
La rencontre a permis de donner une visibilité aux parcs naturels du Royaume ainsi qu’à ses régions sahariennes et oasiennes, dans une perspective de préservation de la nature, de dynamisation des territoires et de soutien aux petites entreprises.
Fatim-Zahra Ammor
Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire
«Le touriste mondial a changé. La demande pour des expériences durables au Maroc a doublé en cinq ans, passant de 5% à 10%. Notre stratégie répond directement à cette transformation profonde du marché en faisant de la durabilité un pilier central.»
Karim Zidane
Ministre de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des Politiques publiques
«La nouvelle Charte de l’Investissement marque un changement de paradigme. Nous ne soutenons plus un projet uniquement pour son volume, mais pour son impact, son équité territoriale et sa performance durable, des critères où le tourisme vert excelle.»
Nizar Baraka
Ministre de l’Équipement et de l’Eau
«Un tourisme durable exige des infrastructures adaptées et des partenariats efficaces. Notre ministère s’engage à réaliser des projets qui soutiennent cette vision, tout en veillant à ce que chaque aménagement s’inscrive dans notre stratégie nationale de préservation de l’eau.»
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO