Maroc

Avocat : le marché américain bientôt alimenté

L’avocat marocain, déjà bien ancré en Europe, se prépare à conquérir un nouveau marché : celui des États-Unis. Une ouverture stratégique qui intervient alors que la consommation locale progresse rapidement et que le Royaume, cinquième exportateur mondial, consolide son poids à l’international. Un succès derrière lequel se profilent des défis majeurs : aléas climatiques, forte dépendance en eau et durabilité des modèles de production.

Après avoir consolidé sa présence en Europe, l’avocat marocain s’apprête à franchir un nouveau palier. «Les négociations entre l’ONSSA et ses homologues américains sont bien avancées», nous confie Abdellah Elyamlahi, président de l’Association marocaine de l’avocat. Si les États-Unis s’approvisionnent encore à 90% auprès du Mexique, la recherche de diversification ouvre une fenêtre stratégique pour le Maroc.

L’intérêt américain est révélateur d’un mouvement plus large : celui d’une mondialisation accélérée du commerce de l’avocat, devenu un produit emblématique des nouvelles habitudes alimentaires. Le Canada figure également parmi les marchés ciblés par les professionnels marocains, au moment où la demande y connaît une dynamique ascendante.

Une consommation nationale en mutation
Parallèlement à l’essor international, la consommation domestique ne cesse de progresser. Qu’il s’agisse de jus (du fameux Za3za3), de salades ou encore de sushis,l’avocat s’est installé dans les menus quotidiens. Selon Elyamlahi, chaque Marocain consomme en moyenne 2,5 kg par an, moins qu’aux États-Unis (4,1 kg) et plus qu’en France (2,31 kg).

Cette évolution traduit l’adoption progressive d’un fruit autrefois perçu comme «exotique». Les restaurateurs et les enseignes de distribution participent activement à ce changement. Ils intègrent désormais l’avocat dans des gammes variées de produits. Cette dynamique intérieure confirme que la filière ne dépend pas uniquement des exportations, mais qu’elle fait dorénavant partie des habitudes alimentaires du marché local.

Derrière ces perspectives se cache une réalité plus difficile pour les producteurs. La campagne 2024-2025 restera comme l’une des plus compliquées de ces dernières années. Les vagues de froid de janvier, avec des températures proches de zéro, suivies d’une succession de canicules en juin et juillet, ont fortement affecté les vergers. «Les pertes seront énormes», prévient Elyamlahi.

Les estimations oscillent entre 40% et 60% du volume attendu, selon Abdelmoumen El Achkar, CEO de Comarc, cité par FreshPlaza. Les nouvelles parcelles, âgées de trois ans, compenseront partiellement la baisse, à hauteur de 10 à 15%, limitant la perte nette autour de 25%.

Le climat, enjeu majeur
Autre facteur d’atténuation : les arbres moins chargés ont produit des fruits de plus gros calibres, bénéficiant d’un apport nutritif plus important. Mais les professionnels soulignent la fragilité structurelle de la culture : espèce subtropicale, l’avocatier s’adapte mal aux épisodes climatiques extrêmes.

Le stress thermique de l’été dernier a entraîné une chute prématurée des fruits et un avortement massif des fleurs, compromettant durablement la récolte. Très demandé à l’international, l’avocat reste cependant une culture à forte intensité hydrique. Dans un pays où la rareté de l’eau devient un enjeu national, la question de la durabilité est désormais centrale. Les associations de producteurs insistent sur la nécessité d’investir dans des systèmes d’irrigation plus efficients, tels que le goutte-à-goutte intelligent, et dans des variétés plus résistantes aux stress climatiques.

Certains opérateurs explorent aussi la diversification géographique, en développant de nouvelles plantations dans des zones où les ressources en eau sont moins sollicitées. L’enjeu dépasse la seule filière : il pose la question de l’arbitrage entre cultures d’exportation stratégiques et sécurité hydrique nationale.

Une compétitivité confirmée à l’international
Malgré ces contraintes, le Maroc poursuit son ascension dans le commerce mondial. Avec 95.859 tonnes exportées en 2024, il occupe la cinquième place mondiale, derrière l’Espagne (138.977 tonnes) et la Colombie (138.562 tonnes). Les deux géants restent hors de portée : le Mexique, premier avec 1,19 million de tonnes, et le Pérou, deuxième avec 569.570 tonnes.

En valeur, les exportations marocaines atteignent 316,8 MUSD, soit 3,4% du marché mondial. Le contraste est frappant avec le Mexique, qui concentre plus de 3,7 MMUSD (40,7% du total). Côté prix, le Maroc maintient un bon niveau de compétitivité, avec une moyenne de 3.305 dollars la tonne, proche de l’Espagne (3.333) et des Pays-Bas (3.344).

Le Maroc se trouve donc aujourd’hui face à un dilemme : répondre à une demande mondiale croissante, séduire de nouveaux marchés prometteurs comme les États-Unis et le Canada, tout en gérant une ressource en eau sous tension et un climat de plus en plus imprévisible. Il est donc clair que la pérennité de la filière passera par une double stratégie : investir dans des technologies agricoles adaptées et renforcer la gouvernance de l’eau. Pour les producteurs, il s’agit de préserver un équilibre fragile entre compétitivité commerciale et durabilité.

Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ÉCO



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