Maroc

Carburant informel : les stations-service sur le pied de guerre

Face à l’essor fulgurant du marché parallèle des hydrocarbures, les propriétaires de stations-service tirent la sonnette d’alarme. Ils attendent une réponse de la tutelle à leurs doléances et annoncent des actions de protestation.

Le marché parallèle des hydrocarbures continue de gagner du terrain, provoquant la colère des propriétaires des stations-service. S’estimant privés de dialogue institutionnel et confrontés à une concurrence informelle en expansion, ils ne cachent pas leur mécontentement et menacent de passer à l’action.

Points de discorde
Depuis plus d’un an, l’Association nationale des propriétaires, commerçants et gérants de stations-service multiplie les courriers à la tutelle. Leur objectif est d’obtenir un dialogue franc autour de dossiers jugés prioritaires, concernant les ventes hors réseau ou encore les conditions contractuelles imposées par certaines sociétés de distribution. Plusieurs lettres officielles seraient ainsi restées sans réponse. À celles-ci se sont ajoutées d’autres requêtes portant sur les difficultés des gérants et les déséquilibres du secteur.

En retour, seule une réunion technique, prévue pour le 26 septembre, leur a été proposée. Cette rencontre devrait porter sur le marquage des produits pétroliers, lancé par le ministère en partenariat avec l’Administration des douanes et impôts indirects. Pour les professionnels, le contraste entre les priorités est avéré.

«L’urgence n’est pas le marquage mais la lutte contre l’expansion d’un marché parallèle qui échappe à toute règle», dénonce un membre du bureau exécutif de l’association.

Selon cette dernière, le commerce informel nuit sérieusement à la viabilité des stations agréées qui respectent normes et obligations. Dans leurs différentes missives, les gérants alertaient sur plusieurs points : prolifération de stations mobiles montées sur roues, dépôts clandestins, citernes installées au cœur de certains chantiers ou lotissements… Des installations parfois visibles, parfois dissimulées, qui ne respectent ni règles de sécurité ni encadrement légal.

Pour Jamal Zrikem, président de l’association, ces «structures illégales fragilisent le réseau agréé et exposent riverains et salariés à des risques majeurs».

Autre sujet de tension: celui des écarts tarifaires, jugés injustes. Les ventes B to B bénéficient d’un rabais de près de deux dirhams par litre, quand les stations n’obtiennent qu’une réduction de 40 centimes. Un différentiel suffisant pour encourager des acteurs informels à se lancer dans la revente à des prix compétitifs, sans investir dans des infrastructures ni se soumettre aux contraintes réglementaires. Et même si ce canal ne représente officiellement qu’un quart du marché, ses marges s’envolent néanmoins. Les entreprises comme certains particuliers se tournent désormais vers ces circuits parallèles, séduits par les prix, en infraction avec la légalité et au détriment de la qualité.

Le marquage, la panacée ?
L’association souligne aussi les difficultés de contrôle dans un secteur où opèrent aujourd’hui 35 sociétés de distribution, dont certaines implantées en zones rurales. Si l’arrivée de nouveaux acteurs a diversifié l’offre, il n’en demeure pas moins qu’elle complique la surveillance d’un territoire vaste et hétérogène.

«Le constat est partagé par de nombreux professionnels. L’absence de réglementation claire sur les ventes en B to B et le manque de coordination entre administrations alimentent ce désordre», estime un professionnel.

En réponse, l’association a choisi désormais de hausser le ton. Elle annonce le boycott de la réunion du 26 septembre et prépare des actions de protestation. Parmi elles, un sit-in devant le ministère de tutelle et une grève nationale dont la date sera communiquée ultérieurement.

De leur côté, les pouvoirs publics misent sur l’instauration d’un dispositif de traçabilité. Chaque carburant devrait ainsi être identifiable grâce à un traceur chimique spécifique. Ce système, censé garantir la traçabilité et faciliter la détection des fraudes, repose sur la mise en place de laboratoires spécialisés sélectionnés par appel d’offres. Mais de nombreux observateurs doutent de l’efficacité du dispositif en l’absence d’infrastructures opérationnelles.

Faute de laboratoires équipés, la traçabilité resterait théorique. Interrogé sur le calendrier et les modalités concrètes de mise en œuvre, le ministère concerné n’a, pour l’heure, pas donné suite à nos sollicitations. En attendant, Les propriétaires de stations-service affirment que toute décision prise sans concertation avec la profession n’aura aucune légitimité.

Jamal Zrikem
Président de l’Association des propriétaires de stations-service

«L’urgence n’est pas le marquage mais la lutte contre l’expansion d’un marché parallèle qui échappe à toute règle. Il s’agit de structures illégales qui fragilisent le réseau agréé et exposent riverains et salariés à des risques majeurs. Les ventes B to B bénéficient d’un rabais de près de deux dirhams par litre, quand les stations n’obtiennent qu’une réduction de 40 centimes.»

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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