Infrastructures de santé à Fès : un système au bord de la saturation

Le dispositif de santé public de la ville de Fès opère sous une pression croissante. Vétusté des hôpitaux, ressources humaines sous tension et demande de soins en augmentation constante, autant de facteurs convergents, susceptibles de créer un risque de saturation. Une situation qui pose la question de sa capacité à répondre aux besoins de la réforme du système sanitaire.
Le secteur de la santé publique dans la préfecture de Fès, un pôle urbain qui dessert plus de 1,25 million d’habitants, est actuellement confronté à une convergence de défis structurels. Des données sectorielles récentes indiquent que le système opère sous une pression multifactorielle, soulevant des questions légitimes sur sa capacité à maintenir une offre de soins fluide et de qualité.
L’interaction entre l’état des infrastructures hospitalières, les contraintes en ressources humaines et une demande de soins en croissance constante dessine un tableau complexe, où les limites opérationnelles semblent être régulièrement testées.
Des capacités d’accueil vétustes
Le premier facteur préoccupant concerne l’état du parc immobilier hospitalier. Les principaux établissements de la préfecture, qui centralisent une part importante de l’activité médicale, se caractérisent par une ancienneté qui affecte leur fonctionnalité. Des évaluations techniques décrivent l’Hôpital Al Ghassani, dont la mise en service date de 1935, comme possédant une «structure dégradée».
Le diagnostic est encore plus accablant pour l’Hôpital Ibn Khatib, un édifice centenaire ouvert en 1912, qualifié de «structure très dégradée». Même l’Hôpital Ibn Baitar, construit en 1975, est présenté comme une «structure menaçant ruine».
Au-delà de la simple description, cette vétusté a des conséquences opérationnelles directes. Des bâtiments anciens, conçus selon des normes d’une autre époque, compliquent l’application des standards modernes d’hygiène et de contrôle des infections. Leurs agencements internes sont souvent peu adaptés à la circulation des patients et du matériel, créant des obstacles à la fluidité des parcours de soins.
De plus, l’installation d’équipements médicaux de pointe, qui requièrent des infrastructures spécifiques en matière d’alimentation électrique, de ventilation ou de blindage, devient difficile, voire impossible. Cette situation constitue un frein structurel à l’amélioration et à l’expansion d’une offre de soins spécialisés.
Une pression humaine sur des services fortement sollicités
La tension matérielle est aggravée par une pression significative sur le personnel soignant. Le ratio d’habitants par infirmier dans la préfecture s’établit à 4.092, un chiffre qui se démarque de la moyenne nationale de 969. Cet écart illustre une charge de travail conséquente pour chaque professionnel, ce qui peut affecter le temps consacré à chaque patient et augmenter les risques liés à la fatigue.
Cette situation est complétée par une répartition géographique inégale des médecins sur le territoire de la préfecture, concentrant la demande sur les structures hospitalières centrales. Les services d’urgence sont l’indicateur le plus visible de cette forte sollicitation.
Avec un volume annuel de plus de 100.600 consultations enregistrées dans le seul Hôpital Al Ghassani, ces unités fonctionnent en permanence à un niveau d’activité élevé. Un tel afflux suggère non seulement une forte demande en soins critiques, mais aussi un recours probable aux urgences pour des besoins qui pourraient relever des soins de premier recours.
Cette dynamique exerce une pression continue sur les équipes médicales et sur les services de support indispensables, tels que la radiologie et les laboratoires d’analyses, qui doivent répondre en temps réel à ce flux ininterrompu de patients. Le système semble ainsi fonctionner avec une marge de manœuvre de plus en plus réduite pour gérer les pics d’activité.
Une demande exacerbée par des facteurs démographiques et régionaux
La demande de soins est elle-même alimentée par des tendances de fond qui contribuent à la saturation du système. Sur le plan démographique, la préfecture connaît une transition caractérisée par le vieillissement de sa population et une augmentation de la prévalence des maladies chroniques. La prise en charge de pathologies comme le diabète ou l’hypertension est particulièrement exigeante en ressources, car elle nécessite un suivi régulier, des traitements au long cours et une éducation thérapeutique continue.
Cette charge de soins, prévisible et croissante, mobilise de manière permanente une part importante des capacités médicales. En parallèle, le statut de Fès en tant que pôle sanitaire régional, accentue cette pression. Les hôpitaux de la ville constituent le dernier recours pour de nombreux patients référés par les établissements des provinces environnantes pour des cas complexes.
Cette fonction de centre de référence implique la gestion des pathologies les plus lourdes et des interventions les plus spécialisées, qui requièrent des plateaux techniques avancés et des compétences rares. La conjonction d’une demande locale en augmentation et d’une attractivité régionale forte place ainsi le système de santé de Fès dans une situation délicate, où la demande globale dépasse de manière structurelle les capacités d’une offre contrainte.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO