Maroc

Immobilier de deuxième main : la valeur tangue, le volume vacille

Les derniers chiffres de Bank Al-Maghrib sur le marché immobilier de deuxième main au deuxième trimestre 2025 révèlent une dynamique en demi-teinte dans plusieurs villes. Entre stagnation des prix et essoufflement des transactions, le secteur affiche des performances fragmentées, oscillant entre rebonds localisés et replis préoccupants. Un comportement à double vitesse reflétant une confiance qui peine à se stabiliser.

Le deuxième trimestre 2025 s’inscrit dans une tendance baissière diffuse sur les valeurs immobilières de deuxième main. En glissement annuel, les prix des actifs à usage non résidentiel et foncier accusent un recul de 0,3%. À contre-courant, le segment résidentiel parvient quant à lui à maintenir une légère hausse de 0,1%, selon les derniers chiffres de Bank Al-Maghrib.

Globalement, l’indice des prix affiche une stagnation apparente, masquant des tensions sous-jacentes. C’est sur le terrain des transactions que la correction est la plus brutale. Le volume global des ventes s’est contracté de 21,2%, dans une dynamique de repli généralisé. Le résidentiel subit la plus forte décompression avec une chute de 25,9%, reflet d’un attentisme persistant des ménages et d’un accès au crédit de plus en plus contraint.

Les terrains, pour leur part, limitent la casse (-3%), tandis que les biens à usage professionnel s’inscrivent sur une pente descendante marquée (-20,9%). Un diagnostic sans ambiguïté : le marché perd en intensité, dans un contexte où la modération des prix ne suffit plus à relancer la demande. L’heure est à l’observation, à la prudence — et peut-être à la redéfinition des fondamentaux.

Contacté par nos soins, un professionnel du secteur nous explique, sous couvert d’anonymat, que la baisse enregistrée sur le marché de la seconde main résulte principalement de l’érosion du pouvoir d’achat des ménages. Cette baisse est accompagnée d’une crainte permanente : celle de se faire redresser fiscalement. «C’est pourquoi les gens ont du mal à revendre», commente notre expert.

Pour ce dernier, une analyse approfondie, ville par ville, quartier par quartier, s’impose. Car ce repli a un impact fiscal considérable : une contraction des recettes fiscales et de celles des droits d’enregistrement. Autre problématique qui ralentirait le marché selon notre interlocuteur : le quitus fiscal à obtenir auprès de la commune concernée.

«C’est un document difficile à obtenir. Cette complexité en reboute plus d’un. Il faut fluidifier le processus de délivrance de ce quitus», explique le spécialiste.

Concernant le neuf, notre interlocuteur pointe du doigt une baisse de la production. Et pour cause, une hausse généralisée des coûts (foncier, matériaux de construction…) d’un côté, et les difficultés rencontrées pour l’obtention des autorisations de construire de l’autre.

Bilan contrasté
Dans le détail, Casablanca, pourtant poumon économique, affiche une dynamique grippée : -0,5% sur les prix, -13,9% sur les volumes. La méfiance y est palpable, et même les segments porteurs comme les appartements et les terrains affichent des replis marqués. La confiance est à reconstruire.

Rabat tire son épingle du jeu. Avec une progression conjointe des prix (+1,4%) et des transactions (+4,3%), la capitale confirme sa résilience. Appartements et villas y restent très demandés. En revanche, la désaffection du foncier (-32,6% en volume) et le recul du commercial rappellent les limites d’un marché résidentiel porté davantage par la sécurité que par la productivité.

À El-Jadida, le contraste est saisissant : les prix reculent (-0,5%) mais les villas explosent en volume (+31,5%), preuve que le segment résidentiel secondaire bénéficie de la baisse tarifaire. Les bureaux, eux, s’effondrent, illustrant un marché encore en déséquilibre. Tanger, de son côté, bascule dans une phase de correction. Baisse des prix (-0,5%) et chute des transactions (-19%) rappellent l’essoufflement post-boom. Villas et terrains, auparavant prisés, enregistrent des chutes simultanées. Seuls les bureaux affichent un regain ponctuel, sans tendance de fond.

À Kénitra, les prix grimpent (+1,4%) alors que les volumes s’écroulent (-20,4%). Un marché désynchronisé, où les vendeurs campent sur leurs attentes mais peinent à convaincre des acheteurs en retrait. À l’opposé, Marrakech semble retrouver un certain souffle. Reprise discrète des prix (+0,2%), progression des transactions (+2,7%), et surtout, vitalité du foncier (+13,4%) et des villas (+13,5%). L’hôtellerie et l’investissement touristique de qualité commencent à irriguer le tissu urbain, mais le tertiaire reste en panne : les bureaux plongent de -30,4%.

Dans la capitale spirituelle, Fès, une légère hausse des prix (+0,3%) s’accompagne d’un recul modéré des transactions (-9,1%). Les terrains y gagnent en attractivité, et les bureaux amorcent une forme d’ajustement serein. À Agadir, les volumes s’envolent (+9,6%), dopés par les ventes de terrains (+58%), même si la ville reste polarisée : les bureaux et maisons décrochent, tandis que les villas et locaux commerciaux maintiennent une dynamique plus favorable.

Marché ultra-localisé
Meknès joue les extrêmes : si les villas explosent (+87,5%), les bureaux et commerces s’effondrent. Un marché scindé, où la demande populaire coexiste avec un désinvestissement productif. Oujda, quant à elle, affiche une stabilité artificielle. Les prix stagnent, les ventes déclinent, et seuls les locaux commerciaux semblent redonner un peu d’élan à un marché sinon atone.

L’analyse croisée des prix et du volume des transactions, ville par ville, révèle une géographie économique différenciée, où les signaux d’alerte cohabitent avec des poches de résistance. Un marché à la fois fragmenté et fébrile, où l’attentisme des ménages fait face aux stratégies défensives des investisseurs.

Ainsi, le segment résidentiel haut de gamme (villas) retrouve quelques couleurs à Marrakech, Meknès et Rabat, mais s’effondre ailleurs. Les bureaux restent le maillon faible, affichant des baisses dans 8 villes sur 10, parfois massives (Meknès, Marrakech, Oujda).

Les locaux commerciaux, eux, montrent des signaux de reprise à Agadir, Marrakech et Oujda, mais souffrent à Tanger, Meknès et Casablanca ! Plus globalement, le marché devient ultra-localisé. Et la moyenne nationale n’a plus de sens. Seule la granularité permet de décrypter les vrais signaux ! Et dans cette atomisation des dynamiques, c’est la capacité d’adaptation des acteurs (promoteurs, investisseurs, ménages…) qui fera la différence.

Dans tous les cas, la donne a changé : il ne s’agit plus d’un marché d’abondance, mais d’arbitrage. Et ceux qui sauront lire finement la géographie des opportunités – et non plus raisonner en moyennes – pourront encore jouer la carte de la rentabilité. Les autres devront attendre que les lignes bougent… ou se rétracter.

Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ÉCO



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