Exportations : la tomate marocaine a toujours plus la cote en Espagne

Le Maroc s’affirme comme l’un des principaux fournisseurs de tomates fraîches de l’Espagne, avec des valeurs supérieures à 800 millions d’euros entre janvier et mai 2025. Ce constat est révélateur de la stratégie marocaine axée sur un export en contre-saison et sur les variétés des tomates cerises. L’Espagne demeure néanmoins le principal fournisseur de l’UE.
De janvier à mai 2025, le marché espagnol des fruits et légumes frais a été le théâtre d’une évolution significative : le Maroc, en tant que pays tiers, a supplanté la France en valeur d’importations, marquant une nouvelle étape dans la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement européennes.
Selon les données de la Direction des douanes et de l’Agence espagnole des impôts, le Maroc s’affirme, une nouvelle fois, comme le premier fournisseur de tomates fraîches hors de l’UE. Entre janvier et mai 2025, les importations espagnoles de fruits et légumes frais ont connu une hausse significative de 13% par rapport à l’année précédente, atteignant 2,655 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Il est particulièrement notable que la majeure partie de ces importations, soit 70% (1,806 milliard d’euros), provenait de pays non-membres de l’Union européenne.
Dans ce contexte, le Maroc s’est imposé comme le premier fournisseur de l’Espagne en valeur en dehors de l’UE, dans la continuité des années précédentes, avec 834 millions d’euros, affichant une croissance de 30%. La France, quant à elle, se positionne loin derrière en termes de valeur avec 234 millions d’euros, marquant une baisse de 6% de ses apports.
Cependant, une analyse plus approfondie des volumes révèle une dynamique contrastée. Ainsi, bien que la France demeure le premier fournisseur en quantité avec 549.069 tonnes (+11%), le Maroc arrive en deuxième position avec 322.810 tonnes, mais avec une croissance en volume plus importante (+26%).
Détail de la divergence entre valeur et volume
Cette divergence entre valeur et volume est révélatrice de la stratégie marocaine, souvent axée sur des exportations en contre-saison (d’octobre à juin) ou sur des variétés à plus forte valeur ajoutée comme les tomates cerises.
Cette approche permet au Maroc de combler des besoins spécifiques du marché espagnol et européen à des prix au kilogramme potentiellement plus attractifs. La France, en revanche, semble approvisionner en plus grandes quantités et tout au long de l’année le marché européen, ce qui se traduit par une valeur unitaire qui est appelée à se développer en dehors de la période de janvier à mai.
Parallèlement à cette dynamique d’importation, il est essentiel de souligner que l’Espagne demeure un acteur majeur du marché des fruits et légumes et, pour de nombreuses catégories de produits, son propre premier fournisseur, notamment pour les produits transformés et une part significative de sa production de tomates fraîches.
Sur la même période de janvier à mai 2025, les exportations espagnoles de fruits et légumes frais ont atteint un volume de 9,46 milliards d’euros. La majorité de ces exportations, soit 81% (7,697 milliards d’euros), a été destinée à l’Union européenne, affichant une croissance de 9%.
Parmi les principaux marchés européens figurent l’Allemagne (2,792 milliards d’euros, en hausse de 11%), la France (1,455 milliard d’euros, +8%) et les Pays-Bas (809,8 millions d’euros, +9%). Hors de l’UE, le Royaume-Uni a maintenu sa position de premier client, important pour 1,227 milliard d’euros de produits espagnols, soit une hausse de 2%. Ces chiffres réaffirment la position stratégique de l’Espagne en tant que fournisseur clé au sein du marché unique européen, tout en illustrant sa capacité à diversifier ses débouchés au-delà des frontières de l’UE.
L’orientation vers les tomates destinées à la transformation
Face à cette concurrence des pays tiers sur le segment de la tomate fraîche, l’Espagne et, plus largement, l’Union européenne ont stratégiquement orienté leur production vers les tomates destinées à la transformation.
De ce fait, l’Espagne, bien qu’elle demeure un importateur majeur, a été contrainte d’adapter sa stratégie pour préserver sa compétitivité, se réorientant ainsi vers des produits transformés où elle cherche à générer une plus grande valeur ajoutée, malgré les pressions économiques qui pèsent sur ses producteurs sur ce segment. Cette reconfiguration stratégique vise à optimiser la valeur ajoutée tout en s’ajustant aux réalités concurrentielles et aux impératifs climatiques du marché mondial des fruits et légumes.
Par ailleurs, ce secteur de la tomate transformée fait face à des défis importants. Pour 2025, la production totale de tomates de l’UE est ainsi prévue en légère baisse (-2,6%), principalement en raison d’un déclin de 3,7% de la production de tomates transformées, qui devrait atteindre 10,8 millions de tonnes.
Ce recul est particulièrement marqué en Espagne et au Portugal, les principaux producteurs de l’UE, où les agriculteurs sont confrontés à une double contrainte : la baisse des prix producteurs et l’augmentation des coûts de production. En contraste, la production de tomates fraîches devrait rester stable, ce qui accentue le rôle central de fournisseurs externes comme le Maroc pour répondre à la demande de l’UE dans ce segment.
La diminution de l’offre de tomates à transformer a également des répercussions sur la consommation apparente par habitant et devrait entraîner un ralentissement du commerce de ces produits en 2025, avec une prévision de baisse de 5% des exportations de l’UE et de 18% de ses importations.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO