Croissance : la BERD table sur 4,2% en 2025

La BERD vient de publier son dernier rapport intitulé «Regional economic prospects – septembre 2025». Le document prévoit une croissance du PIB réel de l’ordre de +4,2% pour l’ensemble de l’année 2025, et de +4% l’année prochaine.
Il s’agit d’un bond significatif par rapport à 2024, dans un contexte mondial incertain. Cette accélération attendue s’appuie sur des leviers concrets. Le premier est le rebond agricole : après des années difficiles marquées par la sécheresse, les récoltes semblent repartir à la hausse, redonnant souffle à une économie encore partiellement tributaire de la pluie.
Viennent ensuite les performances du tourisme et les flux en devises : l’ouverture des frontières, la qualité de l’offre et l’attractivité renouvelée du Royaume reconfigurent les flux de visiteurs. À cela s’ajoutent les exportations, soutenues par la demande extérieure, notamment européenne, et les envois de fonds des Marocains résidant à l’étranger, qui consolident les recettes en devises.
Enfin, le développement du capital-risque et du digital constitue un autre pilier : le Maroc se distingue dans la région Méditerranée méridionale et orientale comme l’un des rares pays où l’activité de capital-risque est tangible, ce qui traduit la confiance d’investisseurs européens et américains dans le potentiel numérique national, soutenu par une réserve de talents digitaux qu’il faudra néanmoins «nourrir» et retenir. Mais le chemin menant à cette croissance est semé d’embûches.
La faiblesse de la demande extérieure, notamment en cas de ralentissement en Europe, la volatilité climatique, les fluctuations des prix des matières premières et les contraintes structurelles liées à l’éducation, la compétitivité et la logistique demeurent des menaces pesant sur la trajectoire de croissance. Des défis qui alimentent les inquiétudes, même dans les scénarios les plus optimistes. Par ailleurs, la croissance seule ne suffit pas.
Pour que le progrès se traduise en bénéfices tangibles pour les citoyens, il faut stabiliser les équilibres macroéconomiques. À ce titre, le rapport met en lumière plusieurs signaux encourageants. L’inflation ralentit grâce à l’apaisement des tensions sur les prix alimentaires. Les équilibres extérieurs s’améliorent, portés par la réduction du déficit commercial et le renforcement des recettes en devises issues du tourisme, des transferts et des exportations.
Enfin, le Maroc représente désormais 16,3% du PIB de la région SEMED (pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée). Cependant, cette croissance «qualifiée» doit irriguer l’emploi, la formation et la productivité. Car un taux de +4% dépourvu d’inclusion sociale n’est qu’une croissance qui s’évapore dans les inégalités. Le Maroc se distingue aujourd’hui par sa capacité émergente à articuler différents vecteurs (agriculture, digital, capital-risque et tourisme).
Cependant, plusieurs défis persistent. Il s’agit notamment de l’efficacité de la gestion du capital humain, qui impose d’investir dans la formation, de retenir les talents et de corriger la fracture urbaine et rurale. L’efficacité des dépenses publiques est également en jeu : l’État doit assurer l’accompagnement, en rationalisant ses interventions et en ciblant mieux ses investissements. La libéralisation contrôlée constitue un autre enjeu, qu’il s’agisse de la flexibilité de change, du mouvement des capitaux ou de l’attractivité des investissements étrangers, le tout sans sacrifier la souveraineté nationale.
Enfin, la résilience climatique reste un impératif, l’agriculture demeurant vulnérable à toute sécheresse ou variation extrême. Pour franchir un véritable tournant, le Royaume doit mobiliser ses atouts autour d’une action cohérente et d’une volonté politique affirmée. Cela passe par une stratégie nationale de l’innovation, capable de connecter les centres urbains et ruraux, de soutenir les startups locales et de favoriser le transfert technologique.
Une réforme fiscale en profondeur s’impose également : élargir l’assiette et lutter contre l’évasion tout en allégeant la pression sur les acteurs qui créent de la valeur. Un pacte pour le climat et l’agroécologie serait par ailleurs le bienvenu, afin de sécuriser les ressources hydriques, d’encourager les techniques de culture durable et de diversifier les productions. Enfin, une diplomatie économique active doit permettre au pays de tirer profit de son positionnement, d’attirer des investissements innovants et de renforcer son rôle de carrefour entre l’Europe et l’Afrique.
Abdelhafid Marzak / Les Inspirations ÉCO