Casablanca-Settat : la région se positionne comme un laboratoire de la régionalisation avancée

La région Casablanca-Settat accélère sa transformation. Mobilité, zones industrielles, transition écologique, infrastructures rurales… Sous l’impulsion d’Abdellatif Maâzouz, son président, la première région du Royaume se positionne comme un laboratoire de la régionalisation avancée et de la gouvernance intégrée. Un virage structurant qui conjugue vision métropolitaine, innovation territoriale et efficacité budgétaire. Synthèse.
Casablanca-Settat change d’échelle. La région la plus peuplée et la plus productive du Royaume s’engage dans une nouvelle ère de projets structurants, conçus comme autant de leviers de transformation économique, sociale et écologique.
Dans un entretien accordé à Les Inspirations ÉCO dans le cadre du cycle «L’Invité des ÉCO», Abdellatif Maâzouz, président du Conseil régional, revient en détail sur cette dynamique multisectorielle, en droite ligne avec les ambitions de la régionalisation avancée et les échéances continentales à venir, comme la CAN 2025 et la Coupe du Monde 2030. Docteur en économie, enseignant depuis plus de quarante ans, ancien ministre, banquier, maire, aujourd’hui président de région, Abdellatif Maâzouz incarne une approche transversale et rigoureuse de la gouvernance.
Pour lui, «la région n’a pas vocation à dupliquer les missions de l’État ou des collectivités locales, mais à planifier, initier et coordonner des politiques publiques cohérentes à l’échelle territoriale. Cette logique de gouvernance repose sur une vision métropolitaine englobant l’ensemble du territoire régional : Casablanca, bien sûr, mais aussi Nouaceur, Médiouna, Settat, Berrechid, Benslimane ou encore Mohammédia».
Ce changement d’échelle impose une articulation étroite entre les différentes strates institutionnelles (communes, wilaya, départements ministériels) et une attention particulière aux spécificités des territoires ruraux.
Mobilité, la grande locomotive
Le premier pilier de cette transformation concerne la mobilité, que Maâzouz qualifie de colonne vertébrale du développement régional. Plusieurs projets phares sont d’ores et déjà réalisés. Une route stratégique reliant Taddart à l’aéroport Mohammed V, conçue avec le ministère de l’Équipement, offre une alternative structurante au réseau actuel.
À Dar Bouazza, une enveloppe de 2 milliards de dirhams a été mobilisée pour décongestionner le trafic à travers des trémies et échangeurs, facilitant l’accès à Nouaceur et Berrechid. À Casablanca même, les lignes 3 et 4 du tramway ainsi que les nouveaux bus à haut niveau de service ont profondément remodelé le transport public.
Au-delà de l’agglomération, un projet de réseau express régional (RER) reliant Casablanca à Benslimane et Nouaceur prévoit 18 arrêts et mobilise un budget de 8 milliards de dirhams, financé à 70% par la région. Des lignes ferroviaires régionales sont également programmées en direction de Settat et El-Jadida.
À cela s’ajoutent une série d’échangeurs à Sidi Maârouf et Zenata, attendus pour la fin de l’année 2025, ainsi qu’une voie côtière entièrement repensée entre Oued Cherrat, Sidi Bouzid et Oualidia. Deuxième axe stratégique : l’économie productive. La région mise sur le foncier industriel pour attirer les investisseurs et accompagner l’émergence de nouvelles zones économiques. Déjà, 700 hectares de foncier ont été mobilisés.
À Settat, une zone industrielle est en préparation, tandis que Laghdira accueillera un site de 54 hectares, les deux devant faire l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt dès septembre prochain. Pour soutenir les petites structures, des zones d’activité de proximité dédiées aux TPE sont en cours d’aménagement, notamment à Sidi Bernoussi (Ahl Loughlam) et Médiouna (Errachad). L’objectif est de construire des écosystèmes mixtes, durables et intégrés, selon un modèle inspiré de Sapino (Société d’aménagement du parc industriel Nouaceur) mais revu pour répondre aux standards environnementaux actuels. La dimension environnementale occupe une place centrale dans cette stratégie.
La région s’apprête à tourner la page des anciennes décharges polluantes, en particulier celle de Médiouna, qui sera remplacée par une nouvelle infrastructure entièrement dédiée à la valorisation des déchets, qu’il s’agisse de recyclage ou d’incinération énergétique. Le budget mobilisé pour cette transformation s’élève à 16 milliards de dirhams. En parallèle, la question de l’eau est abordée avec pragmatisme.
«La station de réutilisation des eaux usées de Sidi Bernoussi est déjà opérationnelle, tandis que celle d’El Hank, destinée à irriguer les espaces verts de tout Anfa, sera livrée d’ici fin 2025», annonce Maâzouz.
Pour répondre aux besoins des zones rurales, des stations monoblocs de dessalement ont été installées à Settat, Berrechid, Sidi Bennour et Benslimane. Une trentaine d’unités sont prévues à terme. Enfin, la région s’équipe en stations de mesure de la qualité de l’air, avec une volonté d’informer le public en temps réel.
Une capacité de financement soutenable
Loin d’être cantonné aux grands pôles urbains, le développement régional inclut également une stratégie ambitieuse pour les territoires ruraux, qui représentent près des trois quarts de la superficie de Casablanca-Settat.
Pour prévenir l’exode et améliorer les conditions de vie, plus de 2.000 kilomètres de routes rurales ont déjà été livrées, avec 1.500 kilomètres supplémentaires en cours. L’accès à l’eau potable, l’assainissement et l’électrification sont traités en coordination avec la Société régionale multiservices Casablanca-Settat. Des centres émergents se dessinent dans plusieurs provinces, combinant infrastructures sanitaires, services publics et aménagements socio-économiques. Côté gouvernance, la région adopte une logique d’ingénierie financière assumée. Le budget prévisionnel pour 2025 s’élève à 1,4 milliard de dirhams, mais c’est surtout par effet de levier que la région entend peser.
À ce jour, 14,5 milliards de dirhams ont été engagés dans le cadre du Plan de développement régional, alors que la contribution initiale de la région n’était que de 12 milliards. Pour soutenir cet effort, un premier emprunt obligataire d’un milliard de dirhams sera lancé en septembre 2025. Il pourrait être suivi d’autres, dans une limite prudente. Le taux d’endettement régional demeure inférieur à 10%, garantissant une capacité de financement soutenable.
«Chaque dirham investi par la région doit attirer trois dirhams de partenaires», résume Maâzouz (voir encadré).
L’approche partenariale est donc au cœur de la méthode Casablanca-Settat, qu’il s’agisse de co-financements avec les ministères, de montages avec les bailleurs internationaux ou de projets portés par les sociétés de développement local.
Cette dynamique s’inscrit également dans une perspective plus large. Les grands événements internationaux, comme la CAN 2025 et la Coupe du monde 2030, agissent comme des catalyseurs, donnant un coup d’accélérateur aux chantiers d’infrastructures, d’embellissement, de services et d’accessibilité.
En filigrane, c’est un nouveau contrat territorial qui se dessine. Casablanca-Settat dépasse le cadre régional pour s’imposer comme un territoire-métropole, où connectivité, durabilité, inclusion et intelligence territoriale sont les piliers d’un projet qui entend faire école à l’échelle nationale.
Un emprunt obligataire d’un milliard de dirhams pour septembre
La région s’apprête à franchir une étape importante dans le financement de ses projets structurants avec le lancement imminent d’un emprunt obligataire d’un milliard de dirhams, prévu pour début septembre.
«Ce premier emprunt marque un tournant dans la stratégie financière régionale, appuyée par des partenaires financiers et bailleurs de fonds solides, qui manifestent une confiance croissante en la capacité de la région à gérer efficacement sa dette», explique Abdellatif Maâzouz, président du Conseil régional.
Initialement programmé pour juillet, ce lancement a été décalé afin d’éviter des coûts inutiles liés à un contexte économique ou financier non optimal. L’objectif affiché est ambitieux. La région envisage de mobiliser entre 3 et 4 milliards de dirhams par emprunt pour financer les grands projets régionaux. Cette capacité d’endettement reste particulièrement saine et maîtrisée. À l’arrivée de l’actuelle équipe, la dette régionale a été réduite de manière significative afin de dégager de la marge et permettre d’envisager des emprunts d’envergure.
«Aujourd’hui, le taux d’endettement ne dépasse pas les 10% par rapport aux ressources de la région, un indicateur rassurant qui souligne une gestion rigoureuse et prudente. La région applique une politique dynamique de gestion de sa dette, qui ne se limite pas à un simple emprunt puis remboursement, mais qui anticipe et optimise en permanence l’ensemble de son passif financier», souligne le président.
Au-delà de l’aspect financier, la gouvernance régionale joue un rôle clé dans la réussite de cette stratégie. La région bénéficie d’un dispositif juridico-administratif solide, renforcé par une majorité politique compacte et cohérente.
Cette organisation resserrée facilite ainsi la mise en œuvre des projets. Reste un défi majeur : la réduction des délais entre la décision politique, le vote des projets par le conseil régional, et le démarrage effectif des travaux. Si la durée de réalisation des projets s’est nettement améliorée au cours des deux dernières années, grâce à une meilleure gestion, les phases préparatoires ralentissent encore le processus.
Hicham Bennani, Mariem Ouazzani et Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO