Relance économique : en quête de relais financiers

Dans une économie où l’investissement repose historiquement sur le crédit, la croissance semble progresser sans réel soutien bancaire. De quoi s’interroger sur la consistance et la pérennité de la reprise.
L’économie nationale connaît un redressement graduel. Les dernières statistiques de Bank Al-Maghrib (BAM) font état d’une progression de la valeur ajoutée dans plusieurs secteurs stratégiques — à commencer par les industries extractives ou encore le BTP. Pourtant, cette reprise ne s’accompagne pas d’un rebond parallèle du crédit aux entreprises non financières.
En effet, selon les données de la Banque centrale, la reprise constatée dans de nombreux secteurs, notamment les industries extractives (+7,4% au premier trimestre) et le BTP (+4,2%), n’est pas encore pleinement relayée par le système bancaire. À fin mai, le crédit au secteur non financier progresse de +3,4 en glissement annuel, un rythme modéré, en léger repli par rapport au mois précédent (+4,2%).
C’est le cas des industries manufacturières, où la production a augmenté sur la même période et où les carnets de commandes se remplissent, mais sans que les financements bancaires suivent pour autant. Même constat dans le secteur de la construction, dont l’activité reprend à la faveur de la relance des chantiers publics, mais dont les besoins restent couverts par d’autres circuits, voire par de l’auto-financement.
Quête d’instruments alternatifs ?
Le dernier rapport mensuel sur les statistiques monétaires confirme ce diagnostic. La progression du crédit au secteur privé reste modérée (+3,9% en glissement annuel), avec une hausse de 2,8% pour les sociétés non financières privées. Les crédits immobiliers comme les prêts à la consommation affichent des croissances modestes, traduisant un climat d’attentisme qui dépasse le seul secteur productif. Plusieurs facteurs expliquent ce constat.
Côté offre, les banques resserrent leurs critères d’octroi dans un contexte de pressions sur les marges et d’exigences prudentielles renforcées. Côté demande, les entreprises privilégient l’autofinancement ou des instruments alternatifs — avances fournisseurs, affacturage — en raison d’un environnement encore marqué par des délais de paiement dissuasifs, notamment dans la commande publique.
Face à ce tableau, Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale, a expliqué, lors de sa dernière sortie, que la dynamique est davantage portée par l’investissement public : «Le redressement est soutenu par les investissements en infrastructures, dans le cadre des efforts consentis par notre pays pour l’atténuation de l’impact du changement climatique et la préparation de l’accueil d’événements internationaux à l’horizon 2030».
Un regain d’activité qui, selon lui, «devrait soutenir la reprise de l’emploi observée au cours des derniers trimestres». Ce volontarisme ne semble pas convaincre tous les économistes.
Pour Omar Kettani, il est difficile d’y voir clair : «Normalement, la croissance nécessite l’investissement. Et l’investissement, au Maroc, transite par le crédit. Le ralentissement du crédit bancaire suppose un ralentissement de l’investissement. Peut-on vraiment parler de relance dans ces conditions ?»
Et de nuancer : «Les statistiques monétaires plaident davantage pour une stabilité que pour une véritable reprise. Il n’y a pas de recul alarmant, mais pas non plus de dynamique suffisante pour parler de relance». À défaut d’un sursaut du crédit, la confiance des entreprises et des ménages demeure en suspens. Et avec elle, l’espoir d’une véritable relance.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO