Placement : retour en grâce de l’argent

Alors que l’argent connaît un spectaculaire retour en grâce sur les marchés mondiaux, le Maroc voit se profiler une fenêtre d’opportunité. Porté par une demande industrielle en plein essor et une dynamique de rattrapage face à l’or, le métal blanc pourrait redonner de l’élan aux ambitions minières du Royaume. Riche en gisements encore sous-exploités, le pays mise sur une exploitation à moyen terme pour renforcer sa souveraineté minérale et soutenir son industrialisation verte.
Longtemps resté dans l’ombre de l’or, l’argent connaît une remontée spectaculaire depuis le début de l’année. Porté par des tensions géopolitiques, une demande industrielle soutenue et un effet de rattrapage mécanique, le métal blanc suscite un regain d’intérêt mondial. Une dynamique qui pourrait faire le jeu du Maroc, riche en gisements encore sous-exploités.
Depuis plusieurs mois, le marché de l’or ne cesse de battre des records. L’once du métal jaune a atteint des sommets inédits, flirtant avec les 3.430 dollars début juin, dans un contexte de forte incertitude économique et géopolitique.
Ce rallye haussier, nourri par les politiques monétaires accommodantes, les conflits persistants et la recherche de valeurs refuges, a fini par entraîner dans son sillage l’argent. Actuellement, l’once d’argent se négocie autour de 36 dollars, soit une hausse de près de 25% depuis le début de l’année. Un niveau que le métal n’avait plus connu depuis 2012. À l’instar du platine, l’argent profite aujourd’hui d’une revalorisation portée autant par la spéculation que par des fondamentaux industriels solides.
Un actif hybride
Contrairement à l’or, essentiellement thésaurisé ou utilisé à des fins ornementales, l’argent occupe une place centrale dans plusieurs chaînes de production industrielle. Il est indispensable à la fabrication de cellules photovoltaïques, de composants électroniques, de batteries, de catalyseurs, et même de certaines applications médicales.
Cette double nature, à savoir métal précieux et métal industriel, en fait un actif particulièrement sensible à la conjoncture mondiale.
«L’argent bénéficie d’une dynamique unique. Il suit l’or dans ses phases haussières mais, à la différence de ce dernier, il est moins soumis aux corrections violentes car soutenu par la demande industrielle. En d’autres termes, si l’or grimpe en période de crise, l’argent prolonge la tendance lorsque les fondamentaux économiques prennent le relais», explique un analyste du marché.
Cette résilience attire désormais les investisseurs. UBS estime que le cours de l’argent pourrait prochainement atteindre les 38 dollars l’once, voire dépasser les 40 dollars si les tensions sur les métaux industriels persistent.
De son côté, Bank of America évoque même un scénario à moyen terme où l’argent atteindrait 50 $, un record vieux de quarante ans. La flambée actuelle n’est toutefois pas exempte de risques. Plusieurs analystes mettent en garde contre un emballement des marchés lié à la spéculation algorithmique et aux flux massifs injectés dans les ETF adossés aux métaux.
D’autant plus que le cours de l’argent reste, historiquement, bien plus volatil que celui de l’or. Mais certains observateurs estiment que cette volatilité pourrait justement jouer en faveur de l’argent dans le cycle haussier actuel. En période de reflux de l’or, souvent déclenché par des prises de bénéfices ou une normalisation monétaire, l’argent, encore relativement sous-évalué, continue de progresser en tant que valeur de diversification.
Le Maroc sur la carte du métal blanc
Pour le Maroc, cette conjoncture constitue une aubaine potentielle. Le pays abrite plusieurs gisements d’argent prometteurs, notamment dans le Haut-Atlas et le Sud-Est, autour d’Imiter (opéré par Managem) et Tiznit. Le site d’Imiter, l’un des plus grands gisements d’argent primaires d’Afrique, a longtemps constitué une source importante d’exportation pour le Royaume.
Or, les retombées ne se sont pas immédiates. Entre la découverte d’un gisement, les études de faisabilité, l’obtention des autorisations environnementales et l’installation des infrastructures, il faut compter généralement entre cinq et dix ans avant qu’un site entre en exploitation commerciale. Le Royaume, qui s’est doté ces dernières années d’une stratégie de valorisation de ses ressources minières, notamment à travers le Plan Maroc Mine 2021-2030, voit dans l’argent une ressource à haut potentiel.
La diversification des débouchés industriels, notamment dans les technologies vertes, les batteries ou l’électronique, pourrait offrir, à terme, un levier stratégique. Plus largement, la montée en puissance de l’argent s’inscrit dans un moment charnière pour le Maroc. Engagé dans une politique d’industrialisation durable, le pays cherche à développer des filières souveraines autour des minerais critiques.
La mise en valeur de ses ressources argentifères pourrait s’articuler avec les besoins croissants de l’industrie nationale, tout en consolidant sa position sur les marchés mondiaux. Mais pour espérer capter les bénéfices de cette ruée vers l’argent, il faudra lever plusieurs obstacles, garantir un climat d’investissement attractif, renforcer la recherche géologique, moderniser les outils d’exploitation, et surtout anticiper la fluctuation des cours à l’international. Car si l’argent est plus abordable et plus utile que l’or, il n’en reste pas moins soumis à des logiques de marché imprévisibles.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO