Impôt sur les sociétés : vers un record historique

Les rentrées de l’impôt sur les sociétés (I.S) devraient battre un nouveau record. Les acomptes du 1er trimestre et les régularisations ont fait entrer 40,5 milliards de dirhams dans les caisses du Trésor à fin mai, marquant un bond spectaculaire de 36,6%. Les experts n’arrivent pas à décrypter ce «miracle», ni la déconnexion du rendement de l’IS du PIB. De toute évidence, les très grands comptes, le noyau des 150 sociétés à plus de 100 millions DH de bénéfice, et qui génèrent 90% des recettes de l’impôt sur les sociétés, affichent une forme olympique.
La cuvée 2025 de l’impôt sur les sociétés (IS) s’annonce exceptionnelle à tous points de vue. Les grandes tendances du premier semestre ne laissent plus aucun doute : à fin mai, les recettes de cet impôt explosent littéralement avec une croissance de 36,6%. C’est presque dix fois la croissance du produit intérieur brut (PIB).
Au total, l’IS a rapporté 40,47 milliards de dirhams. Comparé à la même période de l’année dernière, le Trésor aura donc empoché 11 milliards DH de plus. C’est du jamais vu depuis la réforme de l’impôt sur les résultats des entreprises en 1990. Le record de 2024, 72,75 milliards de dirhams, devrait être pulvérisé.
Retour en force des grands comptes
La performance qui se dessine est extraordinaire, et elle reflète surtout le retour en grande forme de grands comptes du Trésor que sont les banques, les compagnies d’assurance, les sociétés cotées et les grandes entreprises publiques. A lui tout seul, l’OCP assure bon an mal an, 20% des recettes de l’I.S, révèle une source à l’administration fiscale.
Sur 420.000 sociétés recensées au fisc, c’est un noyau dur composé de 150 entreprises réalisant plus de 100 millions de dirhams de bénéfice qui contribuent pour 2/3 des recettes de l’impôt sur les sociétés. Le fait que le poids de l’IS pèse sur une petite élite n’est pas spécifique au contexte marocain car il reflète aussi la polarisation de la création des richesses.
L’IS, valeur sûre
Des trois taxes qui constituent la colonne vertébrale du système d’imposition, l’IS, avec 73 milliards attendus en 2025, est le plus prévisible. Entendez, celui dont les projections de recettes ne changent pas de trajectoire, voire dépassent les hypothèses du ministère des Finances. Depuis dix ans, son rendement n’est jamais descendu en dessous de 55 milliards de dirhams, excepté l’année de la crise sanitaire.
L’IS est aussi la taxe à la croissance la plus rapide du rendement et à l’élasticité la plus élevée par rapport à l’activité économique. L’IS tient son rang de deuxième pourvoyeur de ressources au Trésor, mais la TVA devrait encore garder sa première place pour très longtemps après avoir franchi le seuil symbolique de 100 milliards DH l’année dernière.
Selon les projections de la Direction générale des impôts (DGI), l’impôt sur les sociétés rapporterait 77,4 milliards de DH en 2026 et 81,6 milliards l’année suivante. Quelle que soit la conjoncture, son rendement est, au pire, en phase avec les prévisions officielles. La baisse substantielle des tarifs a été un effort de convergence avec la moyenne appliquée par les principaux partenaires du Maroc.
Le voisin ibérique (Espagne), par exemple, applique un taux d’IS de 26%, et impose moins lourdement que son secteur financier. Les banques, les sociétés d’assurance et de gestion de l’épargne y sont imposées à 30% sur le résultat, mais elles ont dû payer une «super taxe» sur les «super profits» il y a deux ans.
Côté marocain, les banques, assurances, sociétés de financement, Bank Al-Maghrib et la CDG passeront à 40% en 2026. Le tarif de droit commun de l’IS, actuellement de 28,5%, sera porté à 20% à compter du 1er janvier 2026.
Les dirigeants des PME, dont la majorité réalise un bénéfice fiscal inférieur ou égal à 300.000 dirhams, ont sans doute une tout autre interprétation de la grande réforme de l’IS. Alors que ces entreprises étaient assujetties au taux de 10% avant 2023, elles passeront à 20% au 1er janvier 2026. Le seuil de 300.000 dirhams n’a pas été choisi par hasard. Ce montant équivaut en effet à la médiane du bénéfice fiscal déclaré par les PME.
Prix de transfert : La nouvelle arme des inspecteurs des impôts
Afin d’assurer plus de sécurité aux multinationales et aux investisseurs, la DGI a équipé ses inspecteurs d’un outil à l’efficacité redoutable, une base de données Moody’s qui balaie tous les aspects liés aux prix de transfert.
L’accès à cette base de données permettra aux inspecteurs de se doter d’informations sur les comparables concernant les liens capitalistiques, les données financières, les bénéficiaires effectifs, les transactions contrôlées, etc. Ce sont des informations qui seront utilisées au cours du contrôle fiscal, notamment des filiales des multinationales et de minimiser le contentieux sur les prix de transfert.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO