Culture

Hisham AIdi : “Malcom X mentionnait l’Andalousie comme un exemple de réussite africaine et musulmane”

Hisham AIdi
Politologue et auteur

Ilyasah Shabbazz, fille du militant pour les droits civiques, et la Ville de New York ont remis le prix Vanguard Award à Hisham Aidi, intellectuel marocain et conseiller de la famille de Malcolm X.

Quand avez-vous commencé à travailler sur l’héritage de Malcolm X ?
Je travaille à la célébration et à la préservation de l’héritage de Malcolm depuis plus de trente ans. J’ai étudié avec Manning Marable, historien et pionnier des études noires, qui a lancé le projet «Global Malcolm X». Mon travail de chercheur consistait à voyager pour interviewer les personnes que Malcolm X avait rencontrées lors de ses séjours en Afrique et en Asie, ainsi qu’à étudier la couverture de la presse locale à son sujet. J’ai donc voyagé à Dakar, Accra, au Caire, à Nairobi, à Paris et à Londres, afin de rechercher l’empreinte culturelle et politique de Malcolm X.

En juin 1997, au Caire, je me suis rendu chez le syndicaliste Gamal Al-Banna pour lui demander s’il connaissait Malcolm X. Il a souri et m’a répondu : «Il s’est assis sur la chaise où vous êtes assis maintenant».

Depuis mon arrivée à New York, en 1993, j’ai travaillé dans les communautés défavorisées de la ville, principalement à Harlem et dans le Bronx. J’ai enseigné à des enfants dans le cadre de programmes parascolaires. J’ai dirigé le Harlem Tutorial Program dans les années 1990. J’enseigne, également, à la prison de Rikers Island, à des jeunes incarcérés. Je participe à l’organisation du festival annuel John Coltrane, qui se tient ici, à Harlem. J’essaie également de faire en sorte que l’université de Columbia organise et héberge les archives des principaux artistes et militants de Harlem et du Bronx, dont beaucoup faisaient partie du mouvement de Malcolm X.

Quelle est votre relation avec la famille Shabazz ?
J’ai travaillé en étroite collaboration avec la famille Shabazz en tant que conseiller académique pendant plusieurs années, et j’ai récemment participé à la conception de cette nouvelle exposition sur le Malcolm X global au Shabazz Center.

L’exposition retrace sa trajectoire politique, de Malcolm X à El Hajj Malik El Shabazz, et son impact dans le monde entier. Peu de gens savent que Che Guevara s’était inspiré de lui, et qu’immédiatement après la mort de ce dernier, des mouvements de Panthères noires ont émergé non seulement aux États-Unis et en Angleterre, mais aussi en Inde, en Nouvelle-Zélande et en Israël, où le Black Panther Party of Israël a été lancé par des juifs marocains.

Quels liens Malcolm X avait-il avec le Maroc ?
Il s’intéressait beaucoup à la présence maure en Espagne et la mentionnait souvent comme un exemple de réussite africaine et musulmane. Lors de son séjour à Casablanca en septembre 1964, il a rencontré Abdallah Stouky, le doyen des journalistes marocains.

Lorsqu’il a rencontré Malcolm X, Stouki était un jeune communiste qui allait écrire pour «Souffles» et «Lamalif», il est mort en 2022, mais tous deux ont parcouru la médina de Casablanca. J’ai rencontré et interviewé Luqman Abdul Hakim à Casablanca. Il avait été le chauffeur de Malcolm X et l’homme qui l’avait présenté à Fidel Castro, à l’hôtel Theresa de Harlem. Ancien communiste ayant rejoint Cuba, puis l’Égypte, il s’est installé à Casablanca, a épousé une Marocaine et a dirigé une salle d’aïkido pendant des décennies, jusqu’à sa mort en 2023.

Enfin, le journaliste afro-américain le plus célèbre aujourd’hui est Herb Boyd. Rédacteur en chef de «The Amsterdam News» pendant 40 ans, il est aussi l’auteur de nombreux ouvrages sur la littérature, l’histoire et le jazz. Il a également suivi Malcolm X au Maroc et a fini par vivre à Tanger où il a appris la darija et travaillé comme guide touristique ! Je l’ai mentionné dans mon discours de remerciement, car il a longtemps été un grand mentor pour moi.

Malcolm X étant planétaire, il s’était rendu à Gaza…
Nous avons passé un an à préparer la nouvelle exposition qui lui est consacrée. Nous voulions montrer à quel point Malcolm X est multidimensionnel : les femmes dans sa vie, sa mère francophone qui l’a initié tout jeune à la littérature française, son intérêt pour la décolonisation et le mouvement des Non-alignés… Nous présentons notamment son voyage en Palestine, en septembre 1964, et sa visite au camp de Khan Yunis, à Gaza. Il y a rencontré le poète palestinien Harun Hasham Rashid.

À son retour, au Caire, Malcolm X publie un article percutant en faveur de la libération de la Palestine, intitulé «Zionist Logic» («Logique sioniste»). Cet article paraît dans le journal «The Egyptian Gazette», alors édité par la poétesse Maya Angelou. Le 18 février 1965, quelques jours avant sa mort, Malcolm X prononce son dernier discours à l’université de Columbia. Il inspirera un jeune professeur palestinien nommé Edward Said, qui deviendra à son tour un fervent admirateur de Malcolm X.

En bref, El Hajj Malik El Shabazz est devenu pro-palestinien bien avant d’autres personnalités afro-américaines, notamment grâce au temps qu’il a passé à Gaza et à ses rencontres avec des personnalités palestiniennes au Caire et à Beyrouth.

Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO



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