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Exportations automobiles : faut-il s’inquiéter du coup de frein ?

Depuis le début de l’année, les exportations automobiles marocaines, majoritairement destinées à l’Europe, enregistrent une baisse inédite, notamment sous l’effet du recul des ventes de véhicules thermiques, de plus en supplantés par les modèles électriques et hybrides. Y a-t-il, pour autant, lieu de s’inquiéter pour l’avenir de ce fleuron de l’industrie marocaine ? Éléments de réponse avec Adil Zaidi, président de la Fédération de l’automobile.

C’est un fait suffisamment rare pour être signalé. Au premier trimestre 2025, les exportations automobiles du Maroc ont baissé de 7,8% pour s’établir à 37,3 milliards de dirhams (MMDH), selon l’Office des changes, soit un manque à gagner de 3,1 MMDH par rapport à la même période de l’année dernière (40,5 MMDH).

Ce ralentissement est principalement dû à une chute de 23,7% des expéditions de véhicules fabriqués localement, à 13,7 MMDH et de 14% des ventes du segment «extérieur» regroupant les «composants et sous-ensembles destinés», à 877 millions de dirhams (MDH). Les chiffres de janvier et février, marqués par des baisses respectives de 10,9% et de 8,2%, semblaient déjà donner un aperçu sur une morosité des ventes qui prend désormais de l’ampleur.

Fin mars, c’est quasiment l’ensemble des maillons de la chaîne de production automobile qui sont concernés. L’embellie dans la grisaille, c’est le segment du câblage automobile dont les exportations ont progressé de 2,4% pour atteindre 14,4 MMDH.

Baisse de 7% des exportations à fin avril
La situation est d’autant plus inédite que la dernière «dégringolade» des exportations automobiles marocaines sur un trimestre remonte à 2020, sous l’effet de la covid-19, avec un recul de 25,3%. Après ce coup de frein, la filière surfait sur une vague ascendante, marquée par un bond de 38% au premier trimestre 2021, 6,9% en 2022, 44,8% en 2023 et 13,1% en 2024.

Jusque-là, on pouvait présumer du caractère conjoncturel de cette tendance trimestrielle. Sauf que les chiffres du mois d’avril de l’Office des changes altèrent cette perception et confirment la tendance baissière.

Durant ce premier mois du deuxième trimestre, les exportations ont chuté de 7% par rapport à la même période un an plus tôt, pour s’établir à 49 MMDH. Les clignotants ne sont pas non plus au vert pour les véhicules «made in Morocco», lesquels ont enregistré un recul de 22% à 17,8 MMDH.

UE : chute de près de 10% des ventes de véhicules thermiques
L’essoufflement des exportations automobiles, un des piliers de l’économie marocaine, avec un record de 157 MMDH en 2024, découlerait, en partie, d’une baisse des indicateurs de Renault et Stellantis.

La marque au losange aurait enregistré une légère baisse annuelle (-3,6%) de la production des usines de Renault à Tanger et Casablanca entre janvier et fin avril 2025, tandis que le groupe italo-franco-américain a connu une chute remarquable de ses ventes en Europe, après le rappel, depuis fin 2024, de véhicules pour airbags défectueux. Pour comprendre ce ralentissement, il faudrait aussi jeter un coup d’œil sur les dernières tendances révélées par l’Association des constructeurs automobiles européens (ACEA).

Sur le marché européen, qui représente pas moins de 80% des exportations automobiles marocaines, les parts de marché des véhicules thermiques (moteur des exportations marocaines vers l’Europe) sont passées de 48,3% en mars 2024 à 38,2% durant le premier trimestre 2025. Un ratio loin des 51,8% de 2023 et des 54,1% de 2022.

L’électrique monte en gamme sur le marché européen
Interrogé par les Inspirations Éco sur cette baisse inédite des exportations automobiles, Adil Zaidi, président de la Fédération de l’automobile, ne s’inquiète pas outre mesure.

«Trois mois, c’est très tôt pour dégager une vraie tendance. Je considère que c’est une baisse conjoncturelle. En général, l’été est un mois important pour les ventes de véhicules. Il faut attendre au moins le troisième trimestre 2025 pour avoir plus de visibilité sur les exportations marocaines en Europe», confie-t-il.

La régression des achats de véhicules thermiques sur le Vieux continent, à fin mars, contraste avec la hausse des ventes des modèles électriques dont la part est estimée à 15,2% contre 12% l’année dernière. Idem pour les véhicules hybrides dont les parts de marchés ont atteint 35,5%. Autrement dit, les consommateurs européens délaissent progressivement les voitures à moteur thermique.

«L’Europe représente entre 72% et 80% de nos ventes. Ce marché connaît actuellement une certaine morosité, notamment à cause du renforcement de la réglementation, dans un contexte de transition vers une mobilité 100% électrique. Cela pousse les consommateurs à revoir leurs habitudes d’achat», explique notre interlocuteur.

Renault optimiste pour le deuxième trimestre 2025
Les industriels marocains ne devraient-ils pas, en conséquence, accroître les exportations de véhicules électriques pour s’aligner sur cette tendance ? «Le Maroc est en train de bâtir un écosystème fabrication de batteries qui représente 35% du coût d’un véhicule électrique. Ces futures gigafactories, dont celle de Gotion High-Tech à Kénitra, offriront des batteries «Made in Morocco» qui devraient augmenter les productions de Renault et Stellantis et stimuler les exportations de véhicules électriques vers l’Europe», répond Zaidi.

Contacté par nos soins, Renault Maroc estime que la lecture de la performance industrielle doit se faire sur des périodes longues.

«Il ne s’agit pas de résultats linéaires mais la production et les exports répondent aux lois de la demande commerciale et au calendrier industriel et de la supply chain. Par ailleurs, la tendance de la production et des exportations du deuxième trimestre 2025 permet déjà de résorber en grande partie le fléchissement du début de l’année et qui, au cumul de l’année, devrait retrouver les volumes 2024 selon nos prévisions», précise le groupe dirigé par Mohamed Bachiri.

Et d’ajouter: « Face à la très forte croissance de la demande sur le marché national, une part plus importante de la production a été attribuée à ce dernier».

Adil Zaidi
Président de la Fédération de l’automobile

«Trois mois, c’est très tôt pour dégager une vraie tendance. Je considère qu’il s’agit d’une baisse conjoncturelle. En général, l’été est un mois important pour les ventes de véhicules. Il faut attendre au moins le troisième trimestre 2025 pour avoir plus de visibilité sur les exportations marocaines vers l’Europe».

Hausse de plus de 2 MMDH des importations de véhicules de tourisme et utilitaires

L’autre fait inédit, c’est la hausse de 2,2 MMDH des importations de véhicules de tourisme et utilitaires qui ont atteint 12,7 MMDH à fin avril. Alors que, jusqu’à présent, le solde était toujours en faveur des exportations. «Il y a actuellement une consommation très forte de véhicules, confirmée par la hausse de plus de 35% des ventes au cours du premier trimestre 2025. La production nationale ne représente qu’environ 30% du marché marocain, soit entre 50.000 et 60.000 véhicules, sur les quelques 200.000 écoulés chaque année», explique-t-il (voire aussi page 5).

Elimane Sembène / Les Inspirations ÉCO



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