Maroc

Emploi et chômage. Mohamed Jadri : “Le taux de chômage reste élevé par rapport à la demande d’emploi”

Mohamed Jadri
Économiste et expert

Malgré une conjoncture en amélioration, le marché de l’emploi reste marqué par des fragilités structurelles. Si le taux de chômage national recule légèrement au premier trimestre 2025, les disparités régionales, la précarité de l’emploi des jeunes et l’inadéquation entre formation et besoins du marché persistent. Dans cet entretien, l’économiste Mohamed Jadri décrypte les dynamiques en cours et identifie les leviers à activer pour une inclusion plus large et équitable dans l’emploi.

Comment évaluez-vous globalement la dynamique actuelle du marché du travail au Maroc, en relation avec le chômage, en ce début d’année ?
Il est essentiel de rappeler quelques éléments pertinents. Premièrement, entre le premier trimestre 2024 et le premier trimestre 2025, l’économie marocaine a subi plusieurs chocs, ce qui a entraîné une perte considérable de postes d’emploi, surtout dans le secteur agricole. Ceci est lié à la succession des années de sécheresse, phénomène qu’on n’avait pas connu depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui au moins, durant le 1er trimestre, la demande sur le marché de l’emploi dans l’agriculture s’est redynamisée, grâce aux récentes précipitations. De ce fait, on n’a pas perdu autant de postes qu’en 2024.

Le deuxième élément réside dans l’amélioration du pouvoir d’achat des Marocains de manière générale, à travers l’augmentation des salaires et la revalorisation de l’impôt sur le revenu. Ces mesures ont impulsé le secteur des services et l’achat des produits en générant des emplois par les entreprises.

Le troisième élément porte sur la relance économique, surtout pour le secteur des travaux publics, en liaison avec la Coupe d’Afrique et le Mondial, ainsi que le chantier social, notamment l’éducation et la santé.

À noter aussi l’évolution positive du secteur du tourisme qui a créé un nombre important de postes d’emploi. Ceci découle des investissements injectés dans le secteur du tourisme ainsi que de la politique monétaire flexible avec la diminution du taux directeur permettant un accès plus commode au financement. C’est pour toutes ces raisons que le taux de chômage a diminué de 13,7% à 13,3%. Mais ce taux reste élevé par rapport à la demande d’emploi au Maroc.

Malgré une légère baisse globale du taux de chômage, celui des jeunes (15-24 ans) a augmenté à 37,7%. Le chômage des diplômés, bien qu’en légère baisse, reste aussi très élevé (19,4%). Quelles pistes de solution pourraient être envisagées ?
Effectivement, malgré la baisse du taux de chômage de manière générale, de 13,7% à 13,3%, le chômage reste élevé surtout pour la jeunesse, quel que soit le niveau des jeunes ayant des diplômes. Aujourd’hui, l’adéquation entre la formation et les besoins du marché de l’emploi se pose toujours avec acuité, en relation avec des secteurs porteurs comme les énergies renouvelables, les véhicules électriques, le tourisme, le digital et bien d’autres.

De ce fait, il y a beaucoup de secteurs qui sont demandeurs mais qui n’arrivent pas à recruter et dénicher les profils nécessaires. Il est donc essentiel d’activer la réorientation des jeunes ayant des diplômes supérieurs pour une insertion dans le marché de l’emploi. Ceci passe par le renforcement de leur niveau linguistique, de leur maîtrise des technologies de l’information et aussi d’autres éléments à même de répondre aux besoins du marché.

Par ailleurs, un grand nombre de jeunes n’ayant pas de diplômes n’arrivent pas à trouver un emploi. À travers la nouvelle feuille de route – à travers laquelle on ouvre le champ pour la première fois dans l’histoire du Maroc à cette catégorie -, le programme insertion de l’Anapec vise à apporter une solution à cette problématique. Ceci permettra de trouver des débouchés pour les jeunes n’ayant pas de diplômes.

Le taux de chômage présente d’importantes disparités sur le plan régional. Comment l’expliquer ?
Sans aucun doute, il y a des inégalités territoriales énormes au Maroc en matière de marché d’emploi et de chômage. Aujourd’hui, on ne peut pas comparer une région comme Casablanca-Settat avec Drâa-Tafilalet, ou bien Tanger-Tétouan-Al Hoceima avec Guelmim-Oued Noun, ou même la région de Rabat-Salé-Kénitra avec celle de l’Oriental.

À l’heure actuelle, la majorité des investissements relevant du secteur privé, ou des IDE, sont concentrés sur l’axe Tanger-Casa-Rabat et Kénitra-El Jadida. Ceci empêche d’autres régions de bénéficier de cette dynamique et de l’attractivité nécessaire pour attirer l’investissement. C’est pourquoi il est essentiel de travailler davantage la connexion autoroutière, ferroviaire et maritime en mettant l’accent aussi sur les incitations de la nouvelle Charte de l’investissement en faveur des territoires les moins bien lotis. Cette question des inégalités territoriales, qui fait partie des axes du Nouveau modèle de développement 2035, nécessite un énorme travail dans ces régions, surtout l’Oriental et les provinces du Sud.

Désormais, deux grands projets, à savoir la voie express Tiznit-Dakhla et le nouveau port de Dakhla, contribueront au changement de la donne en créant plus de valeur ajoutée. Pour les autres régions, qui dépendent de la pluie de manière générale, surtout celles de Béni Mellal-Khénifra et de Fès-Meknès, elles ont besoin d’un travail colossal pour réduire les inégalités territoriales et créer plus de postes d’emploi, notamment pour les jeunes.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO



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