Paiements électroniques. Fadwa Jouali : “Les transactions par mobile explosent ”

Fadwa Jouali
Spécialiste senior en développement des paiements à BAM
Au cours de la dernière décennie, les paiements électroniques ont connu une augmentation significative au Maroc, au point de doubler pour atteindre 5,5 milliards de dirhams en 2024. Cette forte progression est principalement portée par les transactions par virement, préférées aux chèques (1,3 milliard), qui ont crû de 18% à fin 2024, à 3,4 MMDH. Le paiement mobile a également explosé pour s’établir à 19,7 millions de dirhams l’année dernière. Fadwa Jouali, spécialiste senior en développement des paiements à Bank Al-Maghrib décrypte ces tendances.
Vos statistiques révèlent que le virement est le moyen de paiement le plus utilisé par les Marocains au cours de la dernière décennie. Pourquoi cette méfiance envers le chèque ?
Nous avons remarqué une tendance haussière du virement depuis 2016. Les Marocains abandonnent de plus en plus l’utilisation du chèque pour des raisons de confort et à cause des irrégularités, et ce, malgré la mise en place de la Centrale des chèques réguliers. Ce manque de confiance pousse ainsi les consommateurs à privilégier le virement dans leurs usages transactionnels.
Après avoir constaté que le virement est le moyen de paiement le plus utilisé, Bank Al-Maghrib a commencé à travailler, dans un premier temps, sur la réduction des temps de compensation et de règlement pour réduire les délais d’exécution des virements à 24 heures, avant de mettre en place le virement instantané pour faciliter les cas d’usage. Aujourd’hui, nous constatons cette belle croissance qui en train de se profiler, qui ne fait que conforter notre lecture et analyse des comportements des consommateurs.
Le paiement mobile a également quasiment doublé. Le nombre de M-Wallets a aussi bondi. Comment expliquer cet engouement grandissant envers les transactions via les smartphones ?
L’utilisation du paiement mobile a explosé (ndlr: passé de 9,7 millions de dirhams (MDH) en 2023 à 19,7 MDH en 2024) grâce à l’augmentation des cas d’usage qui répondent aux besoins des consommateurs. Tous les citoyens qui n’ont pas de compte bancaire peuvent ainsi disposer de comptes de paiement et effectuer, notamment, des paiements de factures et d’impôts. Cela favorise l’inclusion financière et pourrait améliorer leur situation économique.
Malgré cette hausse sensible des paiements électroniques, de nombreuses TPE (Très petites entreprises) demeurent réticentes envers ces types de transactions. Comment BAM compte-t-elle lever ces écueils ?
Effectivement, nous avons constaté des obstacles sur l’acceptation des transactions électroniques par de nombreuses TPE, et avons réalisé plusieurs études approfondies pour comprendre cette réticence envers ce moyen de paiement.
Parmi les principales entraves, un souci de transparence des petits commerçants dont une grande partie évolue dans l’informel et ne remplit pas ses obligations fiscales. Il est donc important de les rassurer, notamment à travers des incitations fiscales et d’élargir la digitalisation pour leur faciliter les transactions avec les fournisseurs, dont certains refusent souvent ces paiements électroniques. Nous y travaillons.
BAM a créé, le 15 janvier dernier, l’association Morocco Fintech Center, un guichet unique qui ambitionne de structurer l’écosystème des fintechs au Maroc. Où en est ce projet ?
Le Morocco Fintech Center est l’émanation d’une réflexion assez profonde, fruit de six ans de travail. Chaque régulateur commençait à réfléchir à des stratégies dédiées aux fintechs et nous avons jugé nécessaire d’unir nos forces pour faciliter les activités de ces entreprises au Maroc. Nous avons par la suite ouvert ce cadre à des universitaires et acteurs du secteur privé pour établir une vision nationale dans ce domaine, visant à assouplir la réglementation tout en facilitant l’accès au financement et l’accompagnement.
MFC met à la disposition de ces fintechs des experts qui les conseillent dans ces différents aspects ainsi que pour l’amélioration de leurs produits. Les banques sont des paquebots contenant de nombreux équipages, tandis que les fintechs sont des petits navires. Elles ont besoin de ces startups pour avoir plus d’agilité. MFC met à la disposition de ces fintechs des experts qui les conseillent dans ces différents aspects mais aussi pour l’amélioration de leurs produits.
Elimane Sembène / Les Inspirations ÉCO