Gouvernance unifiée : Maroc Telecom accélère sa mutation stratégique

Maroc Telecom change de modèle de gouvernance pour renforcer son agilité stratégique. En adoptant une structure unifiée autour d’un Conseil d’administration dirigé par Mohamed Benchaâboun, le groupe amorce une nouvelle phase de transformation.
Le changement peut sembler formel, il est en réalité fondateur. Le 18 juin, l’Assemblée générale extraordinaire de Maroc Telecom a entériné la transition du groupe vers une gouvernance unifiée, abandonnant le modèle dualiste (Directoire et Conseil de surveillance) au profit d’un Conseil d’administration unique.
Un glissement structurel qui s’inscrit dans une dynamique plus large de recentrage stratégique, d’accélération décisionnelle et de préparation aux défis d’une industrie des télécoms en pleine recomposition. À la tête de ce nouvel organe, Mohamed Benchaâboun a été confirmé directeur général du Groupe Maroc Telecom, fonction qu’il exerçait jusqu’alors comme président du directoire. Une continuité assumée, mais au service d’un pilotage désormais plus intégré.
Une évolution de gouvernance aux allures de virage stratégique
Le passage d’une gouvernance duale à une structure unifiée n’est jamais anodin dans un groupe coté et systémique comme Maroc Telecom. Prévu par les dispositions du droit marocain des sociétés anonymes, ce changement répond à un objectif de rationalisation des organes de décision, en vue de renforcer la réactivité stratégique et la lisibilité du commandement exécutif.
Derrière cette réforme institutionnelle se dessine une ambition plus vaste de rendre la gouvernance du groupe plus agile, plus lisible pour le marché et mieux alignée sur les standards internationaux. Une nécessité pour un acteur télécoms présent dans une dizaine de pays africains, confronté à une pression concurrentielle croissante, à l’exigence de diversification de ses revenus et à la transformation numérique de ses infrastructures et services.
Benchaâboun à la manœuvre, technocrate aguerri, capitaine d’industrie
La confirmation de Mohamed Benchaâboun à la direction générale du groupe n’est pas seulement un gage de continuité. Elle reflète aussi le choix d’un profil à la croisée des mondes politique, diplomatique et industriel. Ancien ministre de l’Économie et des Finances (2018-2021), puis ambassadeur du Maroc en France, Benchaâboun avait pris les rênes de Maroc Telecom en février 2025.
Sa nomination avait déjà été interprétée comme une volonté de renforcer le positionnement institutionnel et stratégique du groupe. Économiste de formation, ancien directeur à l’Administration des douanes et impôts indirects, directeur général de l’Agence nationale de la réglementation des télécommunications, et patron du groupe Banque Populaire pendant plus de dix ans, Benchaâboun, grand commis de l’État, dispose d’une expérience éprouvée du pilotage de grandes entreprises.
Un atout de taille pour mener à bien les chantiers en cours, digitalisation du réseau, monétisation des infrastructures, conquête des services à valeur ajoutée…
Une ambition de transformation
Le groupe a annoncé ces derniers mois plusieurs chantiers structurants. Parmi eux, le développement de services cloud pour les entreprises, l’accélération de la couverture fibre optique dans les zones urbaines, et une montée en puissance dans les services financiers digitaux à travers des offres de mobile money. Des leviers décisifs pour compenser le tassement des revenus issus de la voix et des SMS, aujourd’hui en déclin structurel.
L’un des axes prioritaires de Maroc Telecom consiste désormais à optimiser l’exploitation de son infrastructure passive, antennes, pylônes, fibre optique et data centers, en s’ouvrant à des logiques de mutualisation et, potentiellement, de filialisation. Cette orientation s’est matérialisée dès mai 2025 par le projet de création de deux coentreprises avec Inwi.
“FiberCo”, dédiée au déploiement mutualisé de la fibre FTTH, et “TowerCo”, chargée de construire et rénover 2.000 pylônes télécoms dans les trois prochaines années, avec une cible de 6.000 sites à horizon dix ans. Un investissement initial de 4,4 milliards de dirhams est prévu pour accompagner ce chantier, dont les premières phases devraient commencer en 2026.
En misant sur la capitalisation de ses infrastructures passives, le groupe se dote ainsi d’un levier stratégique à la fois financier, technologique et opérationnel, dans un contexte de pression croissante sur les marges et de transformation accélérée des usages numériques sur ses marchés historiques.
Un signal au marché et aux partenaires
En adoptant ce nouveau mode de gouvernance, Maroc Telecom envoie un signal clair aux investisseurs, celui d’un groupe qui veut conjuguer rigueur managériale et vision stratégique, dans un secteur en quête de nouveaux équilibres économiques.
Cette réforme permet en outre une meilleure répartition des pouvoirs entre l’exécutif et les administrateurs, tout en fluidifiant les processus de validation stratégique. Cette inflexion institutionnelle ne marque pas une rupture mais bien une accélération.
L’heure est désormais à la consolidation d’un leadership régional dans les télécoms, fondé sur la robustesse financière, la modernisation technologique et une gouvernance recentrée. Un triptyque que Mohamed Benchaâboun, à la tête du nouveau Conseil, est appelé à incarner. Et à faire fructifier.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO