Maroc

Technologies cognitives : les entreprises accros aux prompts

L’intelligence artificielle s’infiltre dans tous les rouages de l’entreprise. Automatisation des workflows, agents conversationnels, analyse prédictive… les cas d’usage se multiplient, transformant en profondeur les processus métier. Mais au-delà des gains d’efficacité, l’IA marque surtout l’ère de la banalisation des technologies. De plus en plus d’enseignes locales s’appuient désormais sur des LLM pure players (Chatpgt, Claude…) et sur des agents IA développés à l’international. Les entreprises parviennent-elles pour autant à s’approprier cette transition ?

Chaque époque a son dogme technologique. Au début des années 2000, le numérique devait tout fluidifier. Une décennie plus tard, la blockchain promettait de s’affranchir des tiers de confiance. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est portée aux nues, souvent par ceux qui peinent à en saisir la mécanique. Ses promesses sont mirifiques. Son adoption est fulgurante. Son impact, encore incertain.

En l’état actuel, force est de constater que l’intelligence artificielle s’infiltre dans tous les rouages de l’entreprise. Automatisation des workflows, agents conversationnels, analyse prédictive… les cas d’usage se multiplient, transformant en profondeur les processus métier. Mais au-delà des gains d’efficacité, l’IA marque surtout l’ère de la «commoditisation» des technologies.

De plus en plus d’enseignes locales s’appuient désormais sur des LLM pure players (ChatGPT, Claude…) et sur des agents IA développés à l’international.

Catalyseur d’innovation
Au Maroc, l’engouement dépasse largement le cadre des spécialistes. Selon une étude récente, le pays se hisse au deuxième rang mondial en termes d’adoption de l’IA. Près de 38% des consommateurs utilisent quotidiennement des outils comme ChatGPT. Une dynamique qui oblige les entreprises à structurer cette transition.

«Le Maroc figure parmi les précurseurs en matière d’intelligence artificielle. Il revient désormais aux entreprises de canaliser cet usage et de l’adapter à leurs besoins», souligne Tarik Smires, partner et head of advisory chez KPMG Maroc, en marge d’une conférence organisée par le cabinet éponyme autour de la thématique «IA : Catalyseur d’innovation pour tout secteur».

L’événement a réuni plus de 100 professionnels issus de divers secteurs d’activité pour débattre des enjeux et défis liés à l’automatisation et au recours aux technologies cognitives, en particulier dans le management des process. Une récente étude (Trends AI) menée par le cabinet en France, dissèque cette montée en puissance.

Quatre domaines en sont le terrain privilégié : les ressources humaines, la finance, le marketing et l’IT. Dans chaque fonction, l’IA rebat les cartes. Elle automatise, accélère, optimise. Dans certains cas, elle remplace. Mais au-delà de ces constats, un enjeu de fond s’impose : les entreprises sauront-elles s’approprier cette technologie ou se limiteront-elles à un rôle de simples consommatrices ?

Adoption massive
À en croire les consultants présents à cet événement, la dynamique est surtout portée par les mastodontes, bien plus que par les jeunes pousses. Le groupe OCP a intégré l’intelligence artificielle dans ses processus de market intelligence, transformant en profondeur sa veille stratégique. Longtemps fondée sur l’analyse manuelle de rapports sectoriels et d’indicateurs économiques, cette fonction repose désormais sur une plateforme qui centralise et structure des flux massifs de données.

L’IA y joue un rôle clé en filtrant, traduisant et synthétisant en temps réel des informations issues de multiples sources, qu’il s’agisse de publications spécialisées, de bases de données économiques ou de signaux faibles du marché.

Ce système permet aux analystes de délaisser les tâches chronophages pour se concentrer sur l’interprétation des tendances. Résultat, la prise de décision stratégique s’accélère, avec des insights plus précis sur l’évolution du marché des phosphates et des matières premières connexes.

L’IA renforce ainsi la capacité du groupe à anticiper les fluctuations de la demande et à ajuster son positionnement commercial en conséquence. Dans le secteur des télécommunications, inwi explore les potentialités de l’intelligence artificielle pour fluidifier l’interaction avec ses clients.

L’opérateur a développé un agent conversationnel capable de traiter les demandes récurrentes, de classer les requêtes et de rediriger les plus complexes vers un interlocuteur humain. Une approche qui vise à optimiser le service client tout en réduisant les coûts opérationnels. Loin de se limiter à un simple chatbot, la solution repose sur un modèle d’IA entraîné sur des échanges en dialecte marocain, une spécificité qui renforce sa pertinence. L’intelligence artificielle s’invite également dans le domaine médical.

Dans l’écosystème de l’UM6P, DeepEcho illustre un cas d’usage appliqué à la santé. La startup a développé un algorithme avancé d’analyse d’images échographiques afin de détecter précocement certaines pathologies fœtales. Exploitant un vaste corpus de données médicales, la solution vise à améliorer le diagnostic prénatal et à démocratiser l’accès aux technologies de dépistage avancées.

À terme, ce type d’innovation pourrait renforcer la prévention et optimiser la prise en charge médicale, en particulier dans les zones où l’accès aux spécialistes demeure limité. Jusqu’où ces solutions transforment-elles réellement le modèle économique des entreprises qui les adoptent? «Tout le monde veut son IA, mais rares sont celles qui mesurent l’impact réel sur leur productivité ou leur rentabilité», observe Axel de Goursac, AI lead partner chez KPMG France.

L’efficacité promise masque pourtant une autre réalité. La plupart des infrastructures technologiques restent entre les mains d’acteurs étrangers, et peu de solutions sont développées localement. Loin d’être une technologie autonome, l’IA repose sur des modèles massifs entraînés à l’échelle mondiale et hébergés sur des serveurs situés hors du continent africain. Les experts s’accordent à dire que l’adoption de l’IA est inévitable, mais qu’elle redéfinit profondément la nature du travail. Les métiers évoluent.

L’IA ne remplace pas l’humain. Elle modifie son rôle, l’oblige à développer de nouvelles compétences, à se recentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. L’enjeu n’est pas tant d’adopter l’IA que d’en maîtriser l’usage. Et en cela, la formation devient un impératif stratégique et la souveraineté technologique, une question de résilience. Derrière l’enthousiasme ambiant, l’IA impose une réorganisation en profondeur, mais la promesse de productivité ne se concrétisera que pour ceux qui sauront dépasser l’effet d’annonce.

Tarik Smires
Partner – Lead Advisory KPMG Maroc

«Le Maroc figure parmi les pays précurseurs en matière d’intelligence artificielle. Deuxième au monde en termes d’adoption, selon une étude récente, le pays affiche un taux d’utilisation significatif avec 38% des consommateurs déclarant recourir quotidiennement à des outils d’IA comme ChatGPT. Un engouement qui place désormais les entreprises face à un défi majeur puisqu’il leur revient de structurer et d’accompagner cette adoption par des solutions adaptées».

Les agents IA, nouveau levier de l’efficacité organisationnelle

Les logiciels d’intelligence artificielle ne se contentent plus d’automatiser des tâches répétitives. Ils se transforment en véritables assistants métier, taillés sur mesure pour les besoins spécifiques de chaque secteur. Exodia, solution développée par la startup Value, en est l’illustration.

Déployée dans la finance, elle permet aux analystes de produire en quelques minutes des rapports d’investissement de la même densité que ceux des grandes banques internationales. L’idée se généralise.

Dans les services clients, les banques ou la grande distribution, les agents IA absorbent des volumes massifs de données, anticipent les demandes et affinent les recommandations.

Loin d’un simple gain de productivité, c’est une refonte complète des modes de travail qui s’opère. Reste à savoir si les entreprises marocaines sauront s’approprier ces outils ou si elles se limiteront à les intégrer.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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