Edito. Stock stratégique
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La flambée des prix des carburants remet sur le devant de la scène une réflexion essentielle mais trop longtemps marginalisée : celle du stock stratégique des hydrocarbures. Face à une dépendance quasi absolue vis-à-vis des importations, le Maroc se trouve aujourd’hui pris en étau entre une volatilité internationale imprévisible et des mécanismes nationaux insuffisamment adaptés.
Mais au-delà du constat, où sont les solutions ? Depuis la stratégie adoptée en 2009, le pays n’a jamais atteint le seuil minimal fixé de 60 jours de stock, laissant planer une incertitude chronique sur sa capacité à réagir aux crises. Les réserves actuelles oscillent entre 20 et 37 jours, bien loin de l’objectif initial.
Ce retard structurel n’est pas uniquement technique : il est aussi financier et législatif. La loi ne précise pas spécifiquement les responsabilités des acteurs économiques. Qui doit supporter le coût élevé de ces infrastructures ? L’État ? Les distributeurs ? Ou les deux ? Ce flou génère des blocages. En théorie, un stock stratégique aurait pu atténuer les récentes hausses. Mais dans une économie mondialisée et fortement dépendante des cours internationaux, l’effet d’amortissement reste limité. Le prix moyen pondéré, calculé sur des produits acquis à des valeurs variables, pourrait tout au plus lisser des variations à court terme.
Pour autant, ignorer cette option relève d’une myopie stratégique que le Royaume ne peut plus se permettre. Les coûts élevés de constitution d’un stock – estimés à 13 milliards de dirhams pour 60 jours – ne devraient pas être un prétexte à l’inaction.
Au contraire, cette contrainte appelle à une mobilisation générale, incluant des partenariats public-privé et des incitations fiscales pour encourager les investissements. À cela s’ajoute une impérieuse nécessité : la diversification des points d’entrée pour les produits pétroliers, encore trop concentrés, comme l’a rappelé le tout récent rapport de la Cour des comptes.
Pour un pays ambitionnant de renforcer sa souveraineté énergétique, il est temps d’agir. Non pas seulement pour réagir aux crises, mais pour préparer l’avenir. La dépendance au marché mondial n’est pas une fatalité, à condition de se doter des moyens nécessaires. Le Maroc doit pouvoir transformer ce défi en opportunité sinon il devra se contenter de subir les aléas des cours d’un pétrole qu’il ne produit pas.
Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO