Maroc

Retraites : le régime fiscal marocain, un atout dans la silver économie

À l’heure où la question du pouvoir d’achat revient au cœur des préoccupations partout en Europe, le Maroc tient, dans le régime fiscal des pensions de retraite, un avantage concurrentiel pour se frayer une position dans la silver économie. À lui de transformer l’essai, notamment sur le marché français. Le Royaume est en effet la première destination d’implantation des retraités français hors Europe. Frédéric Ebar, conseil en fiscalité internationale et associé-gérant chez Maghreb Consulting, explique les ressorts de cette attractivité et les pièges à éviter pour les candidats.

Combien de Français retraités ont établi leur résidence au Maroc ?
À ma connaissance, il n’y a pas de statistiques publiées spécifiquement sur ce sujet. Peut-être qu’elles existent, mais elles ne sont pas publiques à ma connaissance, et, surtout, elles seraient quelque part tronquées car elles englobent naturellement les binationaux et notamment les veuves. Or, il ne s’agit pas là de Franco-français s’exilant depuis peu de France pour s’installer au Maroc.

Toutefois, par approximation, je dirais qu’environ 60.000 Français sont enregistrés dans les consulats au Maroc (53.000 immatriculés sur les listes consulaires mais certains ne s’inscrivent pas sur les listes électorales). Et puis, il y a tous ceux qui ne s’enregistrent pas. On estime qu’ils sont peut-être 30.000. En agrégeant toutes ces catégories, la population ayant la nationalité française (incluant les binationaux) est estimée à environ 90.000 personnes au Maroc. On sait par ailleurs que le Maroc est la première destination des retraités français hors Europe (les premières destinations des retraités français sont en fait en Europe : Grèce, Espagne et Portugal).

Je reste persuadé que les Français qui s’installent au Maroc pour leur retraite s’inscrivent quasiment tous au consulat français. Mais combien sont-ils exactement, je suis incapable de vous le dire. Une chose est sûre, leur population va en augmentant.

En effet, le coût de la vie en France et le côté anxiogène dû à des problèmes sociaux et politiques poussent de plus en plus les retraités à quitter le pays. Ils vont notamment vers des pays ensoleillés où la fiscalité est douce. C’est le cas pour le Maroc.

En quoi l’argument fiscal a pu être déterminant dans leur choix ?
En termes de fiscalité, il faut préciser que lorsqu’un retraité n’est plus résident fiscal français et décide de s’installer au Maroc par exemple, il n’est plus soumis aux contributions sociales de la CSG ni de la CRDS qui peuvent s’élever jusqu’à 9% du montant de la pension. Par ailleurs, ce retraité n’est plus imposé en France compte tenu de la convention fiscale franco-marocaine de non double imposition.

Or, le régime fiscal des pensions de retraites au Maroc est très attractif : un premier abattement de 70% est appliqué sur le montant annuel qui ne dépasse pas 168.000 dirhams, et 40% au-delà. C’est sur cette base que ce retraité va payer l’impôt sur le revenu selon son barème progressif qui, au-delà de 180.000 dirhams, atteint la tranche marginale assujettie à 38% (ndlr : Il est prévu de ramener ce taux marginal à 37% dans le PLF 2025).

Ensuite, si la retraite est virée sur un compte en dirhams non-convertibles, il y a une réduction d’impôt de 80%. Par exemple, une personne qui perçoit une pension de retraite annuelle de 20.000 euros, qu’elle vire au Maroc sur un compte en dirhams non convertibles, paie uniquement 200 euros d’impôt ! Et c’est sans limite dans le temps.
Avoir une carte de séjour n’implique pas la résidence fiscale

Comment éviter le piège de confondre carte de séjour au Maroc et résidence fiscale ? Quelles conditions faut-il remplir, vu du côté français ?
Pour un retraité, il est impératif de passer plus de six mois au Maroc. En fait, tout dépend de la convention fiscale franco-marocaine de non double imposition. En effet, contrairement à la plupart des conventions de non-double imposition, celle entre la France et le Maroc ne prévoit pas un renvoi aux législations internes de chaque État sur la notion de contribuable. Elle est ce qu’on appelle d’application immédiate.

En effet, l’article 2 de la convention est claire : Une personne physique est domiciliée au lieu où elle a son «foyer permanent d’habitation». Si cette personne possède un foyer permanent d’habitation dans les deux États (au Maroc et en France), elle est réputée posséder son domicile dans celui où elle a le centre de ses activités professionnelles et, à défaut, où elle séjourne le plus longtemps. Un foyer permanent d’habitation suppose qu’une personne dispose d’un endroit de séjour à titre permanent. Ça peut être une maison d‘habitation ou une chambre louée à l’année, par exemple.

En fait, c’est un logement dont la personne a la libre disposition à tout moment. Bien souvent, les personnes ont deux foyers permanents d’habitation, l’un en France, l’autre au Maroc. Dès lors, on doit se référer au deuxième critère, celui du centre des activités professionnelles. Si on est retraité, on n’a pas d’activité professionnelle et, donc, on se référera au 3e critère, celui de la durée du séjour.

Comment se positionne le Maroc par rapport à la concurrence de l’Espagne ou du Portugal qui, malgré la réduction des avantages  fiscaux, reste très attractif ?

Le Portugal a supprimé les avantages fiscaux dédiés aux retraités étrangers en 2024. En effet, leur arrivée massive causait des problèmes en termes d’augmentation du prix de l’immobilier. D’autres niches fiscales spécifiques aux retraités étrangers ont également été supprimées.

Désormais, le gouvernement portugais veut privilégier les étrangers et les entreprises étrangères qui vont créer de la valeur. Le Maroc reste attractif non seulement d’un point de vue fiscal mais aussi au regard du coût de la vie, si l’on considère le prix de la main-d’œuvre. Un employé domestique travaillant de manière quotidienne va coûter en moyenne 300 euros par mois.

De votre expérience, où voyez-vous les points de vigilance dans la convention fiscale franco-marocaine ?
De mon expérience de terrain, je vois surtout des gens venant s’installer au Maroc sans prendre de conseils auprès de vrais experts. Ils se satisfont des on-dit de leurs compatriotes vivant sur place et parfois de personnes qui ne sont pas spécialisées dans les questions internationales. Beaucoup de gens pensent notamment que disposer d’une carte de séjour est suffisant pour établir leur résidence fiscale au Maroc. Ce qui est faux car une carte de séjour est uniquement un document en matière d’immigration.

Souvent certains commettent l’erreur de payer l’impôt en France pour leurs revenus de source française et au Maroc pour leurs revenus de source marocaine. Ils sont ainsi persuadés être en conformité avec les administrations fiscales de chaque pays. Ce qui est une grave erreur. Quand on devient résident fiscal au Maroc, on doit y déclarer tous ses revenus (qu’ils proviennent du Maroc ou de l’étranger- même s’il n’y a pas de transfert d’argent vers le Maroc).

Si on a des revenus de source française, ceux-ci peuvent être imposables ou pas en France compte tenu de la convention fiscale. Lorsque les revenus sont imposables en France, ils sont soumis parfois à une fiscalité différente qu’ils l’étaient lorsque la personne était résidente fiscale de France. Il est impératif de voir un professionnel avant de s’installer, pour savoir exactement comment on sera imposé.

Le Maroc n’applique pas les droits de succession, mais, pour autant, suffit-il que la personne décédée y ait sa domiciliation fiscale pour que ses ayants-droit échappent à la taxation ? Que dit la doctrine française ?
La loi fiscale française prévoit qu’on est imposé sur les droits de succession en France lorsque la personne qui décède réside en France, le patrimoine transmis est situé en France, et les héritiers demeurent en France. Donc, si on n’a pas d’héritier en France et qu’on résidait au Maroc, les héritiers ne payent de droits de succession que pour les biens situés en France.

Si par contre les héritiers vivent en France, alors ils seront soumis aux droits de succession en France sur tout le patrimoine dont ils vont hériter. La convention fiscale franco-marocaine prévoit, uniquement en termes de succession, que si un Français réside au Maroc et qu’il y dispose de valeurs mobilières, ses héritiers en France ne seront pas soumis aux droits de succession en France sur ces valeurs mobilières.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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