Maroc

Fraude : la douane plus conciliante en 2025 ?

Un petit coup de pouce pour votre portefeuille face à la douane. Le prochain PLF vise à trouver le juste équilibre entre dissuasion douanière et réalités économiques.

Risquer la fraude douanière ne sera bientôt plus aussi ruineux pour les entreprises ! Le projet de Loi de finances 2025 prévoit un assouplissement notable des sanctions applicables aux délits douaniers au Maroc. Une réforme qui pourrait débloquer bien des dossiers contentieux et faciliter la vie des opérateurs économiques, tout en préservant l’effet dissuasif de la répression.

«Aujourd’hui, les délits douaniers, dits de première classe, comme la contrebande, sont punis d’une amende égale à deux fois la valeur des marchandises de fraude», explique le PLF 2025.

Pour les délits de 2e classe impliquant des marchandises prohibées ou fortement taxées à l’import ou à l’export, le code des douanes prévoit également une amende du double de la valeur en jeu.

«L’application de ce dispositif a un impact très contraignant pour l’administration comme pour les entreprises», analyse un professionnel de l’import-export.

«Les amendes exorbitantes entravent le règlement à l’amiable des litiges. Elles gonflent aussi artificiellement les restes à recouvrer de l’État, avec des créances difficilement recouvrables liées notamment au trafic de drogue», poursuit-il.

C’est pourquoi le PLF 2025 propose de ramener ces amendes à un niveau plus raisonnable, équivalent à une seule fois la valeur des marchandises frauduleuses, que ce soit pour les délits de 1re ou de 2e classe visés.

Facilitation du règlement à l’amiable des contentieux
«Cet allègement va grandement faciliter la résolution des contentieux à l’amiable, ce qui est bien plus efficace que des années de procédures judiciaires», se réjouit un transitaire établi à Casablanca.

«Les entreprises pourront régler leurs amendes sans mettre en péril leur trésorerie, ce qui est crucial en ces temps économiques difficiles».

En effet, le règlement à l’amiable des dossiers contentieux avec la douane est une voie privilégiée pour les entreprises. Elle permet d’éviter les longues et coûteuses procédures judiciaires qui s’étalent généralement sur plusieurs années. Avec le niveau actuel des amendes, atteignant jusqu’au double de la valeur des marchandises en cause, très peu de dossiers aboutissent à une transaction amiable acceptable pour les deux parties.

«Quand on se voit réclamer 200% ou 300% de la valeur de la marchandise, il est impossible d’envisager un règlement à l’amiable. Le montant est tout simplement confiscatoire pour la plupart des PME», déplore un importateur casablancais.

Dans ces conditions, les entreprises n’ont d’autre choix que de contester les redressements devant les tribunaux, au risque de se voir infliger des pénalités encore plus lourdes en cas de condamnation. En ramenant ces amendes à un niveau équivalent à la simple valeur de la marchandise, le PLF 2025 change complètement la donne.

«Avec des sanctions plus raisonnables, nous pourrons enfin discuter sereinement avec la douane et trouver un terrain d’entente à l’amiable sur de nombreux dossiers», se félicite un transitaire.

Au-delà de fluidifier le traitement des contentieux, cette mesure permettra aussi aux entreprises de préserver leurs liquidités.

«Aujourd’hui, payer une amende de 200% ou plus peut mettre en péril la trésorerie de bon nombre de PME, avec un impact direct sur l’emploi et l’investissement», souligne un expert-comptable.

La conjoncture économique difficile des dernières années, entre pandémie et tensions sur les chaînes d’approvisionnement, a encore accentué les problèmes de trésorerie.

«Avec la hausse des coûts de transport, de l’énergie et des matières premières, la moindre charge imprévue peut faire basculer les comptes dans le rouge», confirme un exportateur.

En allégeant ce poids, la réforme proposée dans le PLF viendra soulager des milliers de petites entreprises qui peinent à se financer depuis la crise.

«Régler une amende à 100% au lieu de 200%, cela représente une bouffée d’oxygène appréciable qui nous permettra de nous concentrer sur le développement de notre activité plutôt que de devoir thésauriser pour parer à d’éventuelles sanctions», se réjouit un jeune importateur.

Soulignons, par ailleurs, que cette meilleure respiration financière des entreprises aura aussi des effets positifs indirects pour l’économie nationale, en favorisant l’investissement, la création d’emplois et une reprise plus forte de l’activité.

Assainir les bases de données des restes  à recouvrer
Du côté de l’administration, on salue aussi cette réforme qui devrait «assainir les bases de données sur les restes à recouvrer». Un contact détaille : «Actuellement, le RAR est gonflé par des sommes astronomiques pour des dossiers liés à de gros trafics, que la douane n’arrivera jamais à recouvrir en intégralité pour cause d’insolvabilité des fraudeurs. En ramenant ces créances à un niveau plus réaliste, leurs statistiques de recouvrement seront plus représentatives de la réalité du terrain».

En effet, les restes à recouvrer (RAR) sont un indicateur clé pour mesurer l’efficacité du recouvrement des créances publiques par les administrations fiscales et douanières.

«Pour les affaires les plus graves de trafic de drogue, d’armes ou de contrebande massive, les amendes prononcées peuvent atteindre des sommes faramineuses de plusieurs millions de dirhams, voire dizaines de millions», nous explique une source.

Or, dans la grande majorité des cas, ces créances resteront impayées faute de solvabilité des contrevenants. En effet, les trafiquants condamnés pour ces délits sont bien souvent insolvables ou n’ont pas de patrimoine saisissable au Maroc.

Malgré leur caractère fictif, ces créances restent comptabilisées dans les bases de données du Trésor, gonflant artificiellement le RAR global de l’administration des douanes. Cela fausse complètement l’analyse de notre performance de recouvrement. En ramenant les amendes maximales à un niveau équivalent à la simple valeur de la marchandise, le PLF 2025 va permettre un assainissement en profondeur des bases de données.

«Les amendes resteront élevées, mais à un seuil qui pourra être effectivement recouvré dans les cas de trafics les plus importants», estime un expert juridique.

Dès lors, le RAR se rapprochera de montants représentatifs de créances réelles et recouvrables. Outre cette meilleure lisibilité, cet assainissement facilitera aussi grandement la gestion et le suivi des dossiers contentieux pour la douane. Cette réforme répondra donc à un besoin criant de rationalisation, de transparence et d’efficacité dans la gestion du recouvrement à l’ère du numérique. Un pas de plus vers la modernisation des outils de l’administration douanière marocaine.

Allègement, mais pas relâchement

«Les nouvelles amendes, bien que réduites, resteront largement dissuasives pour la plupart des opérateurs économiques. Le gain sur la trésorerie sera intéressant mais ne suffira pas à encourager la fraude», souligne un fiscaliste.

«Cet assouplissement bénéficiera surtout aux entreprises de bonne foi qui se retrouvent impliquées dans un litige suite à une erreur ou un malentendu avec la réglementation», complète un importateur.

«Au lieu de se voir infliger une sanction exorbitante, les entreprises pourront régulariser leur situation à moindre coût, ce qui est plus juste et équitable». Certains plaident cependant pour aller encore plus loin dans la simplification du code des douanes.

«Au-delà du montant des amendes, c’est toute la complexité des procédures qui doit être revue pour faciliter le dédouanement et éviter les erreurs involontaires sources de contentieux», prône un juriste.

L’heure est donc à l’optimisme pour la communauté des opérateurs économiques marocains, qui attend avec impatience la mise en œuvre concrète de ces mesures dans le cadre du PLF 2025. Un compromis équilibré semble se dégager, permettant à la douane de conserver des outils dissuasifs tout en assouplissant l’environnement réglementaire pour les acteurs de bonne foi.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO



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