Opinions

Annulation des accords entre le Maroc et l’Union européenne : quelles conséquences ?

Par Jawad Kerdoudi
Président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI)

Rappelons tout d’abord que les relations entre le Maroc et l’Union européenne (UE) sont anciennes et diversifiées. En effet, le premier accord commercial date de 1969. Il fût suivi en 1976 par un accord de coopération, et en 2000, par un accord d’association instaurant une zone de libre-échange.

En 2008, le Royaume a obtenu le statut avancé qui lui accorde tous les avantages de l’adhésion, sauf la participation à la gouvernance de l’UE. Laquelle est le premier partenaire commercial du Maroc et également le plus grand investisseur étranger dans le Royaume.

Recours
En 2019, le Maroc a obtenu l’extension aux provinces sahariennes des accords agricole et de pêche avec l’UE. Cependant, le Polisario, soutenu par l’Algérie, a déposé auprès du tribunal de l’instance communautaire un recours en annulation desdits accords. Le tribunal de l’UE a donné satisfaction au Polisario en 2021, en raison de l’absence de consentement du «peuple du Sahara occidental», et en violation des principes du droit à l’autodétermination et de l’effet relatif des traités.

La Commission européenne et le Conseil de l’UE ont déposé immédiatement un recours auprès de la Cour de justice de l’UE contre la décision du Tribunal. Trois ans plus tard, le 4 octobre 2024, la Cour européenne de justice rejette le recours de la Commission européenne et du Conseil de l’UE. Elle maintient l’annulation des accords agricole et de pêche avec le Maroc au motif de l’absence du consentement explicite du «peuple sahraoui». Elle exige que les produits agricoles exportés et en provenance des Provinces du Sud, portent l’étiquette «Sahara occidental».

Cependant, elle accorde un délai d’un an avant l’application de ces mesures relatives à l’accord agricole. Quant à l’accord de pêche, il a expiré en Juillet 2023 et ne pose plus de problème. La réponse du Maroc à cette décision de la Cour européenne de justice fût ferme et rapide. Notre ministère des affaires étrangères a fait savoir, à travers un communiqué officiel, que le Maroc n’a pas été partie prenante dans la procédure judiciaire, et que le litige concerne le Polisario et le Conseil de l’Union européenne. Il ajoute que la décision est entachée d’erreurs juridiques et de faits suspects, et que la Cour de justice a pris partie de manière flagrante pour le Polisario. Elle s’est d’autre part substituée à l’ONU, qui est chargée du règlement politique de la question du Sahara.

Le ministère demande à la Commission européenne et au Conseil de respecter ses engagements pris lors de la signature des accords en 2019, et de leur garantir la sécurité juridique. Le communiqué du ministère rappelle qu’il n’y aura souscription d’aucun accord n’incluant pas les Provinces sahariennes.

Importance «capitale»
On peut noter avec satisfaction la position d’Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne et de Josep Borrell, Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, qui ont déclaré «l’importance capitale qu’accorde l’Union européenne à son partenariat avec le Maroc, qui est ancien, vaste et profond».

Ils ont ajouté : «L’Union européenne entend fermement préserver et continuer à renforcer des relations étroites avec le Maroc dans tous les domaines».

De son côté, José Manuel Albares ministre espagnol des Affaires étrangères, a mis l’accent sur le partenariat stratégique entre l’UE et le Maroc, ainsi que sur la volonté de le maintenir. Quant au ministère des Affaires étrangères du Portugal, il a qualifié d’essentiel le partenariat entre l’instance communautaire et le Maroc sur les plans politique, diplomatique et économique.

D’autres membres de l’UE (France, Hongrie, Belgique, Italie, Pays-Bas, Finlande, Autriche…) ont également exprimé leur attachement au partenariat stratégique entre l’UE et le Maroc. En conclusion, les intérêts entre le Maroc et l’Union européenne sont tellement importants, notamment en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine, qu’une solution devrait être trouvée dans le cadre de la négociation de nouveaux accords agricole et de pêche au cours de l’année à venir. Ceci d’autant plus que la quasi-totalité des 27 membres de l’UE ont apporté leur soutien au Plan d’autonomie du Sahara présenté par le Maroc à l’ONU en 2007.



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