Transport de voyageurs : les tarifs d’été toujours en vigueur
Le transport ferroviaire a connu une forte affluence en période estivale créant une pression sur les prix. Cette tarification de mise à l’heure actuelle suscite la grogne des voyageurs.
Lundi 23 septembre 2024, 5 h 15. Une dizaine de voyageurs patientent à la gare ferroviaire encore endormie de Marrakech. Derrière l’une des deux vitres panoramiques du guichet, un agent commercial, pas encore totalement réveillé non plus, repète inlassablement la même requête, peu importe l’interlocuteur en face : «Un aller-simple ? Première ou deuxième classe ?», délivre le ticket de voyage, et y marque d’un trait l’heure de départ.
Quelques minutes plus tard, un goulet d’étranglement se forme devant la porte qui mène vers la voie peu encombrée du premier train de la journée. Si les usagers réguliers choisissent de se rendre si tôt à la gare, c’est pour éviter la foule des heures de pointe matinales. D’autres voyageurs, attentifs à l’état de leur portefeuille, y voient une opportunité de réaliser de substantielles économies en optant pour des billets à prix réduits. Mais, pas de bol aujourd’hui, les prix pratiqués durant toute la période estivale restent de mise.
«C’est de plus en plus difficile de voyager en train même en deuxième classe», glisse un commerçant rencontré sur place.
Les tarifs, revus à la hausse, semblent avoir été calibrés pour capitaliser sur la forte demande en été, période correspondant au pic de l’année. Ce choix, bien que justifié par des impératifs de rentabilité, est maintenu au-delà de la saison touristique, suscitant la grogne de certains voyageurs.
«Avant, je prenais toujours le train, mais, cette fois, je dois rentrer en car. Je pense à souscrire à un abonnement, mais je ne voyage pas assez souvent pour en tirer vraiment parti», confie un habitué du trajet Benguerir-Casablanca.
En effet, à l’heure où nous mettons sous presse, un billet en deuxième classe pour un Marrakech-Rabat par exemple est fixé à 200 DH au lieu de 152 DH il y a un an, soit une appréciation de 31,6%. Autre axe très fréquenté, Marrakech-Casablanca, a vu son prix passer de 121 ou 146 dirhams à 160, enregistrant ainsi une augmentation de 32,2% par rapport au prix le plus bas. Tandis que le prix d’un voyage Tanger-Casablanca est à 270 DH, soit une hausse estimée au moins à 12,5%. s eu de retour.
Soutien de l’État
De nombreux observateurs notent que les tarifs en vigueur ne suivent pas la politique tarifaire qui s’appuie sur le yield management pour déterminer les tarifs des billets. Cette approche, connue également sous le nom de «gestion tarifaire» ou «tarification en temps réel», vise à maximiser les revenus en ajustant les prix en fonction de la demande.
«Ce n’est pas possible que le transport ferroviaire subisse une augmentation des prix aussi importante au moment où il est subventionné par l’État», soutient Ouadie Madih, président de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC) qui dit avoir reçu en ce sens quelques réclamations de consommateurs se plaignant de l’augmentation des prix du transport.
En effet, ce secteur bénéficie d’un soutien significatif de l’État, à la fois, par le biais de subventions énergétiques et d’investissements structurels. Cet appui étatique a pour finalité, d’une part, de réduire les coûts d’exploitation des trains, comme l’Al Boraq, et, de l’autre, d’assurer la modernisation des infrastructures ferroviaires et la restructuration de la dette via un contrat-programme (2019-2025) qui s’étend jusqu’en 2025.
Monopole et concurrence
Il convient de noter que le maintien du statu quo a un impact sur l’offre global du segment de transport de voyageurs vu que les transports routier et ferroviaire se disputent certains segments de clientèle pour des trajets similaires.
À ce propos, les compagnies de transport de voyageurs s’alignent sur ces hausses non déclarées des prix. Chose que la Compagnie de transports au Maroc (CTM) refute affirmant qu’elle partique au contraire un politique dynamique des prix en ayant davantage une tendance à la baisse. Ceci dit, d’après nos constatations, CTM affiche des tarifs relativement élevés dans les axes fréquentés.
Pour un Casablanca-Marrakech, il faut débourser 120 DH. En attendant, les entreprises de transport en profitent pour accroître leurs marges. Pourtant, l’évolution récente du prix du baril ne justifie pas une telle flambée des tarifs. Après une période de volatilité au cours des mois d’été, le prix du baril de Brent a fluctué, atteignant plus de 90 dollars en août, avant de se stabiliser autour de 71 dollars à la mi-septembre.
«L’argument du prix des carburants comme facteur d’augmentation paraît peu fondé au regard du prix actuel du baril», souligne Ouadie Madih.
Dans le secteur du transport de voyageurs au Maroc, les prix ont certes été impactés par l’inflation, mais de manière plus modérée que dans d’autres segments de l’économie. En 2023, selon les données du Haut-commissariat au plan (HCP), l’indice des prix à la consommation (IPC) pour les services de transport n’a progressé que de 0,1% en glissement annuel.
Cette timide augmentation s’inscrit toutefois dans un contexte plus global où l’inflation a atteint 6,1%, principalement tirée par la flambée des prix des produits alimentaires (+12,5%). Dans un tel contexte, le moindre mouvement sur les tarifs devient une question cruciale pour le pouvoir d’achat des Marocains.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO