Séisme : reconstruction oui, mais dans quelles conditions ?
La tragédie, qui a récemment frappé le Royaume, a mis en lumière l’empathie et la solidarité qui animent chaque Marocain. Une mobilisation sans précédent s’est déclenchée, afin de porter secours aux sinistrés, et leur prodiguer soins et réconfort. Mais la question cruciale qui se pose aujourd’hui est celle de la reconstruction. Une étape qui replace le respect scrupuleux des normes parasismiques au cœur des enjeux.
L’impératif de faire respecter les normes parasismiques s’est imposé comme une nécessité incontournable au lendemain du séisme meurtrier du 8 septembre. En chiffres, environ 26.000 habitations requièrent des travaux de rénovation, tandis que 6.000 autres se trouvent dans un état de dégradation avancée.
Une leçon tirée
«Dans le domaine de la construction, il suffit d’appliquer avec rigueur les normes parasismiques RPS 2011», alerte Thierno Aliou Bah, directeur du bureau de contrôle technique Sectob. Il faudra ainsi accorder une attention particulière au choix des matériaux utilisés, aussi bien pour reconstruire les bâtisses effondrées que pour les nouveaux chantiers.
«Le béton prédomine en milieu urbain, et la maçonnerie traditionnelle est principalement utilisée dans nos campagnes. Il est impératif de marier désormais cette tradition avec la sécurité inhérente à toute construction moderne». Pour une meilleure sécurité, notre source préconise la réalisation de murs aux dimensions imposantes, atteignant parfois jusqu’à 50 centimètres d’épaisseur et s’élevant sur quatre mètres de hauteur. L’usage de refends, ces structures épaisses qui empêchent tout déplacement, ainsi que la limitation des salles à 25 mètres carrés, sont autant de mesures judicieuses. L’expert propose également de renforcer ces murs par l’ajout de matériaux adéquats et de les consolider avec des planches de bois. Autre point essentiel relevé par notre source.
«On ne devrait pas laisser les théoriciens s’approprier des solutions sans consulter l’ensemble des parties prenantes. L’union des compétences, des constructeurs, des laboratoires, des architectes et des bureaux de contrôle, est impérative. La science nous offre même la possibilité de procéder à des essais, mettant ainsi à l’épreuve la validité et la faisabilité des théories avancées. C’est un enjeu national qui mérite notre pleine mobilisation», fait-il savoir.
Et d’ajouter : «Le douloureux enseignement tiré de cette expérience nous rappelle qu’il est essentiel de garder en permanence à l’esprit le risque sismique lors de toute entreprise de construction. C’est en conjuguant tradition, normes et rigueur que nous édifierons un avenir plus sûr et solide pour tous».
Un guide de construction
De son côté, Khadija El Yazidi, experte en BTP, affirme que la sécurité des constructions face aux séismes repose non pas uniquement sur les normes – qui ne sont pas contraignantes -, mais sur un règlement rigoureux. Ainsi, les opérateurs de la construction gagneraient à appliquer les normes en vigueur, mais la loi doit rendre ces normes systématiques. Notre interlocutrice nous confie qu’aujourd’hui, l’Association des ingénieurs de l’EMI de Rabat œuvre activement à la création d’un guide de construction succinct et optimisé. Son but est de simplifier les directives du RPS 2011 afin d’assurer la durabilité des bâtiments en cas de séisme majeur.
«Ainsi, la tâche sera plus pratique et simple pour les particuliers qui veulent restaurer eux-même leurs habitations», explique-t-elle.
L’experte explique que la norme RPS 2011 prévoit une tolérance à certaines fissures. L’enjeu est que les édifices permettent l’évacuation sécurisée des occupants. Une question qui se pose avec encore plus d’acuité pour les constructions anciennes, dont l’adaptation aux normes actuelles s’avère complexe et souvent onéreuse, surtout lorsqu’il s’agit de propriétés privées.
Un programme de relogement d’urgence
Le 14 septembre dernier, le Roi Mohammed VI a présidé une réunion de travail visant à mettre en œuvre le programme d’urgence pour le relogement des sinistrés et l’aide aux personnes les plus touchées par le séisme. Ce programme prévoit une assistance d’urgence de 30.000 DH pour les ménages affectés, une aide financière directe de 140.000 DH pour les logements totalement détruits et de 80.000 DH pour les travaux de réhabilitation des habitations partiellement endommagées.
Lors de la 3e réunion de la Commission interministérielle, qui s’est tenue lundi dernier, l’avancement de la mise en œuvre du programme a été évalué. Le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a souligné que les commissions techniques sont actuellement sur le terrain pour recenser les logements totalement ou partiellement détruits. Selon le responsable, ces données seront cruciales pour déterminer le type de soutien que recevront les ménages concernés, conformément aux Hautes Directives Royales.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO