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TABLE RONDE. Voiture électrique : État des lieux et projections (Récap’)

Suite à la crise pandémique, la reprise économique s’accompagnerait de tensions inflationnistes, dont la conséquence est le renchérissement du prix des véhicules. La guerre en Ukraine a généré un ensemble de contraintes supplémentaires. Des éléments sur lesquelles s’est penchée la table ronde du Cercle des ÉCO, organisée par le groupe Horizon Press sous le thème : «Voiture électrique, une mue inéluctable», animée par Moulay Ahmed Belghiti, rédacteur en chef du journal Les Inspirations ÉCO avec la participation de Nawal Afiq, directrice de la marque DS Automobile, Adil Bennani, patron de l’Association des importateurs des véhicules au Maroc (AIVAM) et DG d’Auto Nejma, Fabrice Crévola, DG de Dacia et de Renault Commerce et Sebastien Poncet, directeur de Porsche Maroc.

Le temps des records, 178.000 véhicules (2018), est loin derrière. Depuis quelques années, on assiste à une tendance baissière. Avec 165.000 véhicules en 2021, et à peu près 160.000 l’année précédente, la chute du marché automobile continue, selon les chiffres de l’AIVAM.

«Si on s’aventure cette année, on notera une estimation qui varie de 150.000 à 155.000 véhicules, ce qui fera donc encore une fois une année de baisse», atteste Adil Bennani.

En effet, d’après les statistiques de l’AIVAM, le nombre des véhicules neufs vendus à fin mars 2023 est d’à peine 36.816. La diminution des ventes est de 11,07% par rapport à la même période de l’année passée. Selon les projections, dans sept ans, on devrait parvenir à 20% des ventes en véhicule électrifié. «20% c’est le chiffre auquel est arrivée l’Europe actuellement», fait noter le patron de l’AIVAM.

«On devrait tourner autour de 900 unités, ce qui est quasiment 5 fois plus que ce qui s’est fait l’année dernière. Puis on devrait faire le double en plug-in hybride cette année par rapport à l’année dernière», fait savoir Adil Bennani, en notant que le marché est en train de régresser de 10%. Il avoue par ailleurs que l’offre de Dacia Spring permettra de changer la donne. Il convient de noter que la marque domine le segment des VP, avec une part de marché (PDM) de 23,28%, soit 10.485 unités écoulés à fin avril 2023.

Quelques chiffres clés
Selon les chiffres publiés par l’AIVAM, les ventes globales des voitures neuves au Maroc se sont établies à 49.300 unités à fin avril dernier, en baisse de 8,55% par rapport à la même période en 2022. Par segment, le nombre des nouvelles immatriculations des véhicules particuliers (VP) a enregistré un recul de 6,47%, avec 45.035 unités vendues à fin avril 2023, alors que celui des véhicules utilitaires légers (VUL) a accusé une chute de 26,01%, avec 4.265 unités vendues.

En ce qui concerne le segment VP, Renault a vendu 7.199 unités (PDM de 15,99%) et Hyundai (5.831 unités et 12,95% de PDM). Pour ce qui est du segment VUL, Renault a écoulé 884 unités (20,73% de PDM), devant DFSK qui a vendu 676 véhicules (15,85%) et Fiat avec 543 unités (12,73%). Côté premium, Audi a vendu 1.269 unités, soit une PDM de 2,82%, devant BMW (1.013 unités et une PDM de 2,25%) et Mercedes (927 unités et une part de 2,06%).

Porsche, quant à elle, a écoulé 168 unités, avec une part de marché de 0,37%, alors que les ventes de Jaguar ont atteint 38 voitures (0,08% de PDM). Évoquant les prix sur les voitures électriques, Adil Bennani fait part d’une révélation inédite. «Avoir un véhicule électrique est plus rentable qu’un véhicule diesel aujourd’hui, et je vous garantis que sur les deux prochaines années les prix vont baisser de plus de 20% sur l’électrique», affirme-t-il.

Perte de chiffres d’affaires
Le virage électrique peut coûter cher aux constructeurs automobiles. Ils doivent investir massivement dans la recherche et le développement de nouvelles technologies, la conversion de leurs usines de production et la création d’une infrastructure de recharge appropriée.

«En vendant les VE, en tant que distributeurs, nous allons moins bien gagner notre vie, parce qu’on vend une technologie très récente ayant été l’objet de R&D énorme», atteste le DG d’Auto Nejma.

Cela dit, c’est une transition inévitable. D’ailleurs, plusieurs marques ont annoncé qu’elles ne produiraient plus du thermique à l’horizon 2030. «On doit s’y mettre, ou bien le marché marocain sera dépassé», indique-t-il. Selon Nawal Afiq, directrice de la marque DS Automobile, «si on passe à 100% électrique il y aura une perte de 60% du chiffre d’affaires au niveau de la prévention, mais en parallèle il y aura de nouvelles activités, dont les services connectés».

Adil Bennani.
Patron de l’AIVAM (Association des importateurs des véhicules au Maroc) et DG d’Auto Nejma.

«La situation du marché de la mobilité électrique va dépendre de ce qui passe actuellement dans le monde. Donc, aujourd’hui, nos constructeurs proposent des gammes qui sont de plus en plus électrifiées, avec des échéances de plus en plus en courtes en termes d’électrification, pour ensuite pouvoir passer à la commercialisation.»

La voiture électrique semble être l’avenir de l’industrie automobile, mais son adoption est freinée par son coût élevé et une infrastructure de recharge limitée. Cependant, la démocratisation du véhicule électrique est possible et même nécessaire pour assurer un avenir plus propre et durable.

Intervenant lors de la table ronde du Cercle des Éco, organisée par le groupe Horizon Press sur le thème : «Voiture électrique, une mue inéluctable», Fabrice Crevola, DG de Dacia et Renault commerce Maroc, renseigne sur les avantages du véhicule électrique . «En tant que constructeurs, nous avons dû travailler sur l’offre». C’est, en partie, ce qui explique le lancement de Dacia Spring – une citadine 100% électrique – au Maroc qui n’a d’autre objectif à court terme que d’être un petit cheval de Troie, permettant de montrer qu’un véhicule électrique peut être populaire et abordable.

«Après, c’est un rayon d’action qui est prévu principalement pour la ville, ce n’est pas un véhicule qui a vocation d’aller à 125 km/h jusqu’à Marrakech. Par contre, c’est le véhicule idéal en ville avec un tarif qui reste abordable même si cela reste plus cher qu’un véhicule diesel actuellement», argumente Fabrice, en ajoutant que le modèle électrique dispose d’une belle autonomie, des prestations acceptables, ainsi que tous les avantages de l’électrique.

Les clients pourraient être freinés par le coût. En ce sens, Fabrice se montre rassurant. «Bien que la voiture électrique coûte un peu plus cher aujourd’hui à l’achat qu’une voiture thermique, c’est plus économique de recharger une batterie que de faire un plein de gasoil», indique-t-il. Et d’ajouter que «dès la signature du bon de commande du véhicule, on propose au client une borne et le prestataire qui va la lui installer chez lui». C’est inévitable pour le patron de Dacia, l’offre de l’électrique va augmenter et, petit à petit, l’offre diesel va se raréfier. Cela dit, il y a tout de même lieu de noter une nouvelle contrainte, c’est l’arrivée de la norme antipollution Euro 6 pour les véhicules particuliers.

En effet, à partir du 1er janvier 2024, plus aucune voiture ne répondant pas à cette norme ne sera autorisée à l’immatriculation. Néanmoins, les autres types de véhicules, notamment les poids lourds, seront épargnés jusqu’en janvier 2026.

«On va y arriver moins vite que l’Europe, mais on va y arriver. Il faut être le moins passif possible», positive Fabrice.

Comment s’y préparer ?
L’arrivée de la voiture électrique est imminente. Pour préparer au mieux ce changement majeur dans le secteur de l’automobile, le pays doit mettre en place une stratégie globale qui inclut des mesures pour promouvoir la production de voitures électriques. Pour Fabrice, il y a un véritable accompagnement à mettre en place, sinon l’«écosystème va mettre un temps fou à émerger et il sera finalement réservé à ceux qui peuvent se permettre d’acheter des voitures très chères et ce n’est pas l’objectif». Il met en avant le cas de l’Europe, où l’électrique a pris un poids important. «Il faut accélérer le mouvement avec des incitations et des aides», souligne-t-il.

Pour illustrer plus concrètement la situation, il cite l’exemple de la France qui a enregistré 35% des ventes en 2022 (hybrides et électriques). Le diesel, quant à lui, est tombé à 16%. «Donc on voit bien que la transition peut être assez rapide», fait-il remarquer.

Pour son argumentation, Sebastien Poncet, directeur de la marque Porsche, se montre confiant. Il estime que malgré le peu d’expérience sur le 100% électrique dans le Royaume, «on est déjà en train de travailler au niveau de tous les importateurs et constructeurs sur des solutions d’infrastructures». Il est vrai que le secteur automobile s’intéresse de plus en plus aux solutions permettant de mieux entretenir et réparer les composants des voitures électriques. Deux pionniers du secteur se sont alliés pour faire bouger les lignes en matière de mobilité électrique.

Logicat Launch, distributeur d’équipements de garage dédiés exclusivement aux professionnels, s’est associé à Grup Eina, leader européen de la formation et de l’innovation technologique dans le secteur de la réparation automobile, pour organiser une formation de quatre jours sur plusieurs sites.

La recharge des véhicules électriques pose problème
Le temps de charge des voitures électriques est une inquiétude légitime pour de nombreux consommateurs. Si les véhicules électriques sont de plus en plus populaires, en raison de leur faible coût d’exploitation et de leur impact environnemental moindre, le temps de recharge peut encore être un facteur décisif pour les acheteurs potentiels. Le patron de Porsche rassure, estimant que le Maroc est un pays assez facile à gérer. «Il suffirait d’avoir des solutions de recharge suffisantes en quantité et en puissance sur le réseau autoroutier pour y remédier». Il ajoute qu’on peut assez facilement couvrir 80% des grands axes routiers de façon assez simple et sans avoir nécessairement recours à un grand nombre de chargeurs.

«L’utilisation des chargeurs à domicile est largement suffisante pour pouvoir rouler au quotidien», fait-il savoir.

Aujourd’hui, les constructeurs travaillent sur l’amélioration des technologies permettant de récupérer la puissance moyenne de charge. Pour le cas de Porsche, «à horizon court terme sur des chargeurs 350 kW, on va pouvoir charger 80% de la batterie en 8 minutes. Autrement dit, on retrouvera l’expérience de vie à bord d’une voiture électrique identique à celle d’une voiture thermique», fait savoir Porsche.

Fabrice Crevola
DG de Dacia et Renault commerce Maroc

«Nous comptons sur la nouvelle Dacia Spring pour faire découvrir au maximum à notre clientèle toutes les vertus du véhicule électrique. C’est le début d’une transition vers l’électrification du parc et des ventes au Maroc».

Au Maroc, le secteur de la voiture électrique émerge à petits pas. L’industrie a développé un intérêt particulier pour cette technologie en plein essor. Pour provoquer un changement profond et radical des mentalités, le Parlement européen a voté pour la fin de la commercialisation du moteur thermique à compter de 2035. Une décision qui soulève quelques interrogations. des questions auxquelles répondent les intervenants de la table ronde du Cercle des Éco, organisée par le groupe Horizon Press sous le thème : «Voiture électrique, une mue inéluctable».

Si l’Europe a pris des mesures pour aider à faciliter la transition vers des véhicules à faibles émissions, quelques interrogations quant à la faisabilité de l’interdiction de la vente de voitures thermiques d’ici 2035 subsistent. Les constructeurs ne sont pas tous adeptes de cette nouvelle alternative, et à leur tête, Carlos Tavarez. En effet, le directeur général du groupe Stellantis est persuadé que c’est un mauvais choix, et que d’autres solutions, meilleures pour la planète, existent.

Les contraintes qui se dressent
Intervenant à la table ronde, Nawal Afiq, directrice de la marque DS Automobile, explique que cette date-là n’implique pas que la voiture particulière, le VUL (véhicule utilitaire léger) et les poids lourds ne sont pas concernés par cette interdiction. Dans la foulée, elle relève l’objectif de passer à une réduction des émissions de CO2 de 55% en 2030, «ce qui pousse les constructeurs à faire face à plusieurs enjeux», souligne-t-elle. La directrice de la marque DS relève un autre point important, et non des moindres, relatif au positionnement du prix des modèles européens. «Sans la subvention de l’État, on arrive à des tarifs plus chers de 40%», indique-t-elle, ajoutant qu’une partie de la population sera donc momentanément exclue de la mobilité. Elle soulève, par ailleurs, le souci des batteries dont 80% sont fabriquées en Asie, et particulièrement en Chine qui a quasiment verrouillé le marché.

«Ce n’est que dernièrement qu’on a pu assister à l’annonce d’une vingtaine d’usines de batteries en Europe. On est donc encore en retard par rapport à ce qui se passe avec les marques chinoises», explique-t-elle.

Nawal Afiq évoque également la course aux minerais de transition, et souligne en ce sens que pour pouvoir maîtriser les coûts et les prix des voitures électriques, il devient urgent d’instaurer une souveraineté européenne sur les matières premières et les métaux rares. Elle cite l’exemple de la Chine qui s’approvisionne en cobalt provenant de la République démocratique du Congo, ou encore le cas de l’Amérique du Sud qui détient près de 59% des réserves mondiales de lithium.

Pour réussir ce challenge, le réseau de bornes de recharge doit être étoffé. Abordant la question de la demande au Maroc, la directrice de la marque DS estime que celle-ci sera dictée par l’offre. Selon elle, «plus il y a d’offres, plus la demande sera stimulée». Elle fait remarquer que ce sont principalement les sociétés B2B qui sont à l’origine de la demande de ce type de véhicules. Elle évoque par la suite les nouveautés qui viendront garnir la gamme de la marque DS. «À partir de l’année 2025, on passe au 100% électrique pour les futures voitures. Donc, on s’y prépare dès maintenant à travers l’arrivée, dès le mois de juin, de véhicule hybrides rechargeables», révèle-t-elle.

Le défi maintenant sera de se réinventer
Les constructeurs automobiles doivent trouver un équilibre entre les investissements nécessaires pour le virage électrique et la rentabilité de leurs opérations. Et pour y parvenir, «il faut s’adapter», selon Adil Bennani, patron de l’AIVAM (Association des importateurs des véhicules au Maroc) et DG d’Auto Nejma. «Qu’on le veuille ou non, nous devons passer par le virage électrique, c’est inévitable», prévient-il. Il met en exergue la nécessité d’une forte impulsion et implication des pouvoirs publics, estimant que «l’État devrait prendre les devants». Et d’ajouter que «bien que certaines dispositions soient déjà en place, il est nécessaire et urgent d’aller plus loin pour accompagner le virage électrique. Le gouvernement doit prendre des mesures incitatives». Entendez par là l’instauration d’une TVA verte, ou d’un système de bonus-malus.

Nawal Afiq
Directrice de la marque DS Automobile

«Aujourd’hui, le marché marocain dépend à 80% des constructeurs européens. La décision est prise, on passe au 100% électrique d’ici 2035. Par conséquent, l’ensemble des constructeurs européens sont déjà engagés dans ce virage, avec tout l’écosystème qui suit la commercialisation de la voiture électrique».

2.500 bornes seront installées au Maroc d’ici 2026

À peine a-t-elle vu le jour que l’Association professionnelle intersectorielle pour la mobilité électrique (APIME) annonce déjà le déploiement de 2.500 nouvelles bornes de recharge pour véhicules électriques, d’ici 2026. Ces équipements seront installés dans les grandes villes, notamment Tanger, Rabat et Casablanca. Créée en janvier 2023, l’APIME a pour ambition de constituer le moteur du développement de la mobilité électrique au Maroc.

Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO



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