Maroc

Matières premières : vers une baisse des tensions sur les cours

La guerre en Ukraine et les sanctions économiques et financières qui s’en sont suivies se sont avérées être un choc d’offre majeur sur les marchés mondiaux des matières premières. Toutefois, l’année 2023 sera vraisemblablement celle de la stabilisation des cours à l’international. 

Les prix de la plupart des matières premières devraient se stabiliser, voire décroître pour les plus «substituables» d’entre elles ou les plus exposées à la demande industrielle. C’est ce que confirme le récent policy brief, publié par le Policy center for the new south (PCNS), qui traite des différentes tendances macroéconomiques mondiales pour l’année 2023.

En effet, Yves Jégourel, l’auteur de la note «Bilan 2022 et perspective 2023 : vers une stabilisation des cours», estime que «si l’on excepte le gaz naturel, et sous l’hypothèse bien probable d’une persistance du conflit en Ukraine, les marchés mondiaux ne devraient pas placer l’année 2023 sous les meilleurs auspices». Cela dit, pour expliquer son constat sur la stabilisation des cours des matières premières, Jégourel note que le ralentissement de la hausse des taux de la Fed est certes un élément favorable, «mais il est raisonnable de penser qu’il est désormais pleinement intégré dans les anticipations des opérateurs, et donc dans les prix des commodities», affirme-t-il.

La Banque mondiale anticipe ainsi une croissance économique mondiale de 1,7% en 2023, de 0,5% pour les économies avancées et de 4,3% pour celles en développement ou émergentes (des statistiques largement révisées à la baisse depuis les premières prospectives).

Cette situation pourrait perdurer, cette organisation prévoyant une reprise très graduelle et des effets particulièrement délétères pour les pays les moins avancés. L’on assure aussi, dans le cadre du Policy brief, qu’une cessation de la guerre en Ukraine pourrait, à l’inverse, créer un puissant appel d’air, mais ce scénario apparaît quasiment impossible si l’on se réfère au changement de tactique et de commandement des forces armées russes, décidé par Moscou en janvier 2023.

Des tensions sur le marché du GNL
Bien que l’Europe ait entamé l’hiver dans des conditions favorables (douceur des températures et stocks pleins), d’importantes difficultés demeurent, et le marché du GNL (gaz naturel liquéfié) s’en fera logiquement le reflet. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’éventuelle conjonction de facteurs défavorables (blocage total des gazoducs russes et accroissement de la demande de GNL par la Chine), pourrait conduire l’Union européenne à manquer de gaz à hauteur de 27 milliards de mètres cubes en 2023, ce qui nécessiterait des mesures supplémentaires de modération de sa consommation. Yves Jégourel affirme dans ce sens que, le cas échéant, «les prix du GNL pourraient de nouveau s’envoler et avoir, comme en 2022, des effets systématiques tant à l’échelle des autres produits de base que celles des pays importateurs, en développement notamment. Une forte volatilité doit donc en conséquence être anticipée».

En 2022, l’élévation des prix gaziers s’est largement reportée sur ceux des fertilisants et notamment celui de l’urée, utilisant le gaz naturel comme intrant principal. Ainsi, selon les chiffres agrégés de la Banque mondiale, les cours de cet engrais ont atteint un niveau record en avril 2022, à 925 USD/t. À titre de comparaison, ils s’étaient établis à 785 USD/t en août 2008. Un net repli a néanmoins pu être observé en fin d’année, dans le sillage de celui du gaz. L’urée voyait ainsi son prix croître de 45% entre 2021 et 2022, mais se contracter de près de 40% entre janvier et décembre 2022.

Les effets de la guerre en Ukraine
La guerre en Ukraine et les sanctions économiques et financières qui s’en sont suivies représentent un choc d’offre majeur sur les marchés mondiaux de matières premières. «Révélatrice de l’impréparation européenne et d’une absence de vision stratégique partagée, la crise énergétique n’est pas achevée, et elle ne pourra, sans une configuration défavorable, qu’accroître l’instabilité des cours des produits de base», selon le Policy brief.

Bien qu’installés à des niveaux élevés, les prix des grains se sont dans l’ensemble contractés au cours du second semestre 2022, à la faveur de récoltes favorables (voire records) dans un certain nombre de pays producteurs. Les effets du réchauffement climatique semblent néanmoins chaque année plus prégnants, et il faudra espérer qu’ils ne se fassent pas sentir en 2023.

Jégourel assure que «la guerre en Ukraine et l’élévation des prix du gaz qu’elle a provoquée ont et auront des effets contrariés sur la transition énergétique, amplifiant l’urgence de davantage recourir aux énergies bas carbone tout en «relégitimant», dans certains pays, le redéploiement du charbon qui fut assurément un des grands «gagnants» de 2022. Ceci démontre, si besoin est, que les conférences internationales sur le climat doivent plus que jamais se coupler avec des négociations de grande ampleur sur les produits de base, à l’instar de celles qui fondèrent le multilatéralisme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Sécurités énergétique et alimentaire devraient en être l’objet, au profit, notamment, des pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique, ceci si l’on excepte les initiatives ponctuelles visant à répondre, telle l’initiative céréalière de la mer Noire, à des situations de crises aigues.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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