Marocains du monde : le CESE plaide pour une gouvernance plus équitable
Les attentes, exprimées par une partie des Marocains du monde (MDM), portent sur plusieurs aspects. Afin de mieux les connaître, en vue d’y remédier, le Conseil Économique, social et environnemental (CESE) a sollicité, du 8 au 29 octobre 2022, la contribution des MDM à travers sa plateforme Ouchariko, via un questionnaire publié en sept langues. 4.651 MDM ont répondu au questionnaire et le nombre d’interactions a atteint 91.520. Le point sur les résultats de cette consultation relative à la situation des MDM, à leurs perceptions et à leurs attentes.
Ahmed Reda Chami, président du CESE, plaide pour une gouvernance rénovée des politiques publiques et des dispositifs dédiés aux Marocains du monde (MDM). «Au vu de la faible coordination et convergence entre les institutions chargées des MDM», le CESE préconise d’attribuer à un ministre délégué auprès du ministère des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger (MRE), chargé des affaires des MDM, la mission et la responsabilité de concevoir et de veiller à la bonne mise en œuvre de la stratégie MDM», a-t-il indiqué lors de la présentation des conclusions d’un avis du Conseil, intitulé «Renforcer le lien intergénérationnel entre les MDM et le Maroc, les chances et les défis». Pour sa part, Fouad Ben Seddik, membre du Conseil, a déclaré que la consultation a démontré que les Marocains, où qu’ils vivent dans le monde, sont très attachés à la pérennité des liens avec leur pays d’origine. Seulement, leurs aspirations évoluent.
Les transferts financiers se sont élevés à 93,7 MMDH en 2021
Chiffres importants. Les transferts des Marocains du monde ont atteint un montant de 93,7 MMDH en 2021, soit 7,3% du PIB. Leur évolution a connu, tout au long de la dernière décennie, un taux de croissance soutenu, de l’ordre de 6% par an, (passant de 57,4 MMDH en 2014 à 93,7 MMDH en 2021, avec une prévision de 100 MMDH en 2022). La majorité de l’argent transféré est destiné aux aides aux familles au Maroc. Moins de 2% des transferts iraient à des projets d’investissement, dont 40,7% au secteur de l’immobilier. On retiendra de positif de ces transferts leur contribution à l’amélioration de la scolarisation et l’accès aux soins, ainsi qu’à la réduction de la pauvreté et des inégalités sociales.
Parmi les recommandations du CESE, s’agissant de ce volet, figure la nécessité d’ouvrir activement le Fonds Mohammed VI pour l’investissement aux apports des MDM ou de mettre en place un fonds d’investissement qui leur soit dédié, et ce, dans le but de consacrer une partie de ces ressources à des activités ayant un impact positif, social et environnemental ainsi qu’à l’économie sociale et solidaire. Le CESE préconise également la réduction des tarifs des transferts, à l’émission et à la réception. Il s’agit aussi de développer la complémentarité multi-canal pour accueillir les transferts des MDM et accélérer la digitalisation bancaire à leur profit comme pour l’ensemble des citoyens.
12.000 MDM incarcérés
Les principaux constats relevés par l’étude sont relatifs aux besoins en matière de protection juridique, judiciaire et sociale, du fait des transformations de la nature de la migration marocaine. Les catégories les plus vulnérables sont essentiellement les personnes sans titre de séjour ou dont les titres de séjour sont périmés. À noter dans ce cadre que près de 12.000 MDM sont incarcérés dans les pays d’accueil. Il y a lieu de citer aussi les mineurs non accompagnés – dont le nombre, en Europe, se situerait entre 15.000 et 20.000 – ainsi que les Marocaines migrantes, ouvrières agricoles saisonnières, qui représentent plus de 70% de l’effectif total. Face à ce constat peu reluisant, le CESE recommande d’assurer une meilleure protection des droits et de la dignité de cette catégorie de la population, de leur dédier des ressources humaines et financières suffisantes tout en mettant en place des mécanismes d’accès renforcés et en améliorant la visibilité des dispositifs existants. Il insiste également sur la formation, l’accompagnement et l’appui pour les femmes en phase de pré-migration au Maroc et dans les pays de résidence. Il appelle enfin à rendre accessible, aux services consulaires, les informations sur les réseaux des migrants irréguliers et des mineurs non-accompagnés.
Une couverture sociale fragile
Dans le registre de la protection sociale, on peut relever également plusieurs bémols. Parmi celles-ci, la fragilité de la couverture sociale des MDM (en raison de la discontinuité de leurs périodes de cotisations) ainsi que la portabilité des droits – en cas de retour provisoire ou définitif au Maroc- qui n’est pas automatique, contraignant certains MDM à différer la date de leur retour au pays. Il convient de noter, à ce sujet, que le Maroc est signataire de 19 conventions bilatérales de sécurité sociale dont 16 ratifiées et en vigueur. En ce sens, le CESE recommande d’engager un dialogue avec les pays d’accueil pour mettre à jour ou élargir l’étendue des accords bilatéraux de sécurité sociale afin d’alléger les conditions qui entravent l’accès des MDM à leurs droits à la pension et aux soins, lors de leur retour au Maroc, ou lorsqu’ils y sont de passage. Il appelle également à concevoir une offre d’assurance maladie pour les ascendants et une offre d’assurance retraite volontaire pour les MDM, assortie de disposition fiscales incitatives.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO