Retenue à la source : les médecins font cavalier seul
Du grabuge au sein de la corporation des médecins privés ! Réfutant les conclusions de la réunion qui s’est tenue entre le Syndicat national des médecins du secteur libéral et le gouvernement, le Collectif des médecins s’est lancé à nouveau dans la bataille contre la retenue à la source. Des réunions avec des députés sont envisagées.
Le combat des médecins du secteur libéral se poursuit, en vue d’abolir la retenue à la source, une mesure fiscale prévue dans le projet de loi de Finances 2023 qui fait sortir de leurs gonds les métiers libéraux, à commencer par les avocats, qui ont été les premiers à se révolter. Après des mouvements de protestation devant le Parlement, ces derniers sont montés au créneau en cessant l’activité pendant une semaine pour, qu’au final, la corporation arrive à trouver un terrain d’entente avec le gouvernement et à bénéficier d’une «amnistie».
Ainsi, la retenue à la source est passée de 10 à 5%. Dès lors, c’est l’effet contagion qui s’est produit. L’action de contestation s’est étendue aux médecins, pharmaciens, opticiens, vétérinaires, comptables agréés, architectes, biologistes, dentistes, comptables ainsi qu’aux agents et courtiers d’assurance, qui ont tenu un sit-in le 15 novembre.
À la suite de quoi, le ministre chargé du budget, Fouzi Lekjaa et le directeur général de la DGI se sont entretenus avec le Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNMSL), le 18 novembre dernier. Les pourparlers ont abouti à la proposition du ministre chargé du Budget de leur appliquer la dérogation accordée aux avocats, à savoir 5% de retenue à la source pour les personnes morales et 10% pour les personnes physiques.
Dans le même sillage, l’éventualité de constituer les cabinets médicaux en société civile professionnelle à associé unique, afin de bénéficier d’une retenue à la source de l’ordre de 5%, a été abordée. Il a été prévu d’évoquer d’autres points culminants, tels que les tarifs de référence, lors d’une assemblée générale du Conseil national de l’ordre des médecins, le 19 novembre.
Plus de 600 contestataires
Or, n’ayant pas consenti aux propositions du gouvernement, les médecins du secteur privé ont volontairement boycotté l’assemblée. D’où la décision d’entreprendre un autre sit-in hier devant le Parlement, mais qui ne concerne cette fois-ci que le Collectif des médecins du secteur libéral.
Contacté par nos soins, le comité d’organisation estime la mobilisation à plus de 600 médecins. «Le syndicat a agi de son propre chef, et ne s’est pas concerté avec les différentes parties prenantes, ce qui a exaspéré les représentants de la profession.
D’ailleurs, il n’y a pas que la retenue à la source qui pose problème. La tarification de référence est une autre paire de manches. Il faut savoir qu’elle est censée être révisée tous les trois ans ou en fonction des avancées de la médecine. Or, celle en vigueur date de 2006. C’est une aberration car les actes médicaux demeurent chers alors que chaque citoyen a droit à des soins de qualité», fustige une coordinatrice des médecins libéraux des cabinets privés. Ainsi, le groupement des médecins du secteur libéral tient mordicus à l’annulation de la retenue à la source estimant qu’ils sont d’ores et déjà surtaxés.
Selon la même source, la taxe professionnelle, supportée par les cabinets de médecins, reste la plus élevée comparée à celle appliquée aux autres professions libérales. «Avec une telle imposition, le médecin ne pourra pas assumer toutes les charges qui vont, in fine, se répercuter sur le patient. Ou alors, nous assisterons à une fermeture en masse de cabinets privés, accompagnée d’une fuite de cerveaux, comme c’est déjà le cas», se lamente-t-elle.
Des pourparlers en cours
Ne comptant pas courber l’échine, le Collectif des médecins privés envisage de tenir des réunions avec des députés. D’ailleurs, à l’heure où mettions sous presse, des discussions sont déjà entamées avec ceux des partis PAM et PI. En revanche, tenir tête au gouvernement ne s’avère pas de tout repos. Selon Khalid Benali, expert en économie, ce nouveau virage de mise à niveau de l’économie du pays n’est pas une mince affaire, notamment pour les métiers à caractère libéral.
«Je dirais que cette problématique est à la fois à caractère subjectif et objectif. Subjectif pour les pouvoirs publics, qui estiment que la contribution nationale devrait se généraliser. Et objectif pour les métiers libéraux, lesquels ne bénéficiaient pas de couverture sociale, et voient dans l’augmentation de la fiscalité une charge supplémentaire dont la répercussion se fera, sans équivoque, sur le client. De plus, il y a des habitudes qui se sont installées. Le changement est toujours difficile à accepter», commente-t-il.
Toutefois, il recommande vivement aux instances qui représentent un corps de s’ouvrir au débat tant que la possibilité leur est accordée. «Il ne faut pas oublier que le gouvernement dispose de la majorité écrasante et peut faire passer le projet de loi sans s’ouvrir aux discussions et installer ainsi le processus, mais je pense qu’il ne veut pas en arriver là. D’où la nécessité de se résigner à trouver un terrain d’entente et de décider, mutuellement, d’un taux raisonnable qui satisfait les deux parties, dans l’intérêt économique collectif», suggère Benali.
Maryam Ouazani / Les Inspirations Eco