Exportations vers la Russie : grosses inquiétudes sur les paiements
De nombreuses banques russes ont été éjectées du système financier international et interbancaire Swift. Des sanctions qui font déjà leurs effets en Russie et au-delà. Certains exportateurs marocains, entretenant des relations commerciales avec le pays de Vladimir Poutine, risquent d’avoir du mal à se faire payer.
Déterminée à atteindre ses objectifs en Ukraine, la Russie intensifie son offensive sur son voisin qui croule aujourd’hui sous les bombes. L’étau se resserre autour de Kiev qui vit dans l’angoisse. Mardi matin, une colonne de 60 kms de chars russes se dirigeait vers la capitale. Face à la grande détermination de Poutine à aller jusqu’au bout de ses grandes ambitions, une partie de la communauté internationale s’organise pour barrer la route au maître du Kremlin. Les États-Unis et leurs alliés ont annoncé vendredi l’une de leurs plus sévères mesures de sanctions économiques contre la Russie depuis le début des opérations militaires en Ukraine, en privant plusieurs banques russes du système de paiement Swift, un système sur lequel s’appuient la plupart des institutions financières mondiales pour effectuer des transactions internationales. Une sanction non sans conséquences sur l’économie mondiale jusque dans des pays qui n’ont aucun intérêt direct dans cette guerre. C’est le cas, notamment, du Maroc qui se verra ainsi impacté par l’exclusion de la Russie du système Swift.
En effet, l’économie marocaine est très liée à celle du pays de Poutine, qui représente l’un de ses principaux marchés. En effet, la Russie a capté plus de 1,3 MMDH des envois d’agrumes du Royaume entre 2018 et 2020. À cela il faut ajouter les expéditions d’écorces et de melons. En gros, rien que pour l’année 2021, la valeur des exportations marocaines vers ce marché a dépassé les 443 millions de dirhams pour les trois produits précités, en retrait cependant par rapport à une année auparavant où elles atteignaient 1.251 MMDH
Retards de paiement
Ce qui est préoccupant à ce niveau, ce n’est pas seulement la contreperformance des expéditions, induite sans doute par la crise, ou l’avenir peu prometteur des exportations marocaines vers cette partie du monde. Le vrai problème, c’est le recouvrement des créances relatives aux marchandises déjà expédiées, la Russie se retrouvant, désormais, quasiment coupée du système financier international alors que la campagne d’exportations a pris fin en décembre dernier. Pour les seules agrumes et clémentines, respectivement, 30 % des 540.000 tonnes et 50% des 250.000 tonnes, commercialisées à l’étranger ont été absorbées par la Russie. Or, les opérateurs de ce pays, qui se retrouvent en marge du système financier international, vont avoir du mal à payer leurs fournisseurs étrangers.
Si les sanctions financières sont arrivées «un peu trop tard sur la Russie», offrant ainsi une fenêtre de tir à certains exportateurs pour se faire payer, «Le gros souci demeure que plusieurs reliquats n’ont pas encore été réglés.», regrette le président de l’Association des exportateurs d’agrumes du Maroc (Citrus Export), Kacem Bennani Smires.
Avec la diminution de leurs expéditions vers la Russie et la diversification de leurs clients étrangers, les exportateurs marocains pourront se consoler par le fait qu’ils sont moins exposés que leurs concurrents. Il reste qu’un montant conséquent, pour l’heure difficile à estimer, est encore bloqué dans les banques russes. Autre difficulté, les exportateurs marocains facturent en dollar. Or, depuis le début de la crise, la valeur de la monnaie russe, le rouble, ne cesse de dégringoler face à la monnaie américaine. En effet, le blocage des avoirs en devises de la Banque centrale russe, détenus à l’étranger, a provoqué un plongeon du rouble lundi, et de nombreux Russes se sont précipités dans leurs banques pour retirer du liquide. En urgence, la Russie a interdit à ses résidents de transférer des devises à l’étranger et obligé ses exportateurs à convertir une grande partie de leurs revenus en roubles. Au moment où nous mettons sous presse, le rouble a perdu 50% de sa valeur face à la monnaie américaine. Ce qui risque davantage de compliquer et de rallonger les délais de paiements des opérateurs marocains, déjà durement frappés par la sécheresse qui sévit dans le Royaume. Sans doute, si à la baisse des rendement, il faut maintenant ajouter des arriérés de règlement, tout porte à croire que les mois qui vont suivre risquent d’être difficiles pour les professionnels alors que le conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine, et d’une certaine marnière, à l’Union européenne, principale destination des échanges commerciaux marocains, n’augure rien de bon. Les négociations entre les belligérants et les appels au cessez-le-feu n’ont encore rien produit.
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO