Exportations et tourisme: le Maroc en position délicate selon Coface
Coface fait le focus sur l’impact de la pandémie dans son récent baromètre des risques pays et sectoriels. L’étude aborde également les perspectives de relance et fait des prévisions pour 2021.
«Risque pays assez élevé (B) et un environnement des affaires convenable (A4) !». Telle est l’appréciation formulée par les économistes du groupe Coface sur le Maroc, dans le dernier Baromètre risques pays & sectoriels, publié par l’assureur de crédit. Parmi les points faibles du Maroc, la compagnie française d’assurances pour le commerce extérieur pointe du doigt le fait que l’économie marocaine soit très dépendante des performances du secteur agricole (14% du PIB et 40% de la population), donc du climat et de la disponibilité de l’eau, ainsi que de l’Union européenne. Le Maroc se trouve en concurrence avec d’autres pays méditerranéens, comme la Turquie ou l’Égypte. Ce qui ne représente pas un point fort pour le Maroc.
Toujours selon Coface, les importantes disparités sociales et régionales, entre villes et campagnes, ponctuées de mécontentements récurrents dans certaines régions ou encore le taux de pauvreté relativement élevé sont pris en compte dans la notation du Maroc. Pareil pour le taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes, la faible participation des femmes au marché du travail, et le manque de logements, la faiblesse de la productivité et de la compétitivité et la tension politique avec les pays voisins. Parlant de voisinage, l’Algérie et la Mauritanie ne sont pas si bien loties. L’Algérie est classée catégorie D, qui concerne «les pays à risque très élevé», avec un environnement des affaires «à risque élevé». La Mauritanie est, quant à elle, classée catégorie C, «pays à risque élevé» avec un environnement des affaires noté «C». Coface justifie la note de l’Algérie par le fait que le voisin est dans une situation plus que délicate. «La prévalence de la pauvreté, le manque d’opportunités d’emploi et le contexte économique difficile, exacerbés par la crise sanitaire, ainsi que le sentiment que rien ne change au niveau de la gouvernance, alimenteront probablement le mécontentement», estiment les experts de Coface. Pour la Mauritanie, Coface pointe du doigt la faible gouvernance et la corruption élevée, l’inexistence du traitement de l’insolvabilité, une économie peu diversifiée, vulnérable aux fluctuations des cours des matières premières, une croissance peu inclusive, un système éducatif déficient, le taux de chômage élevé et les dissensions communautaires persistantes.
Une reprise dépendante du marché européen et du tourisme
La crise sanitaire, mais aussi une mauvaise récolte due à la sécheresse, ont fortement impacté la croissance économique du Maroc en 2020. En 2021, elle devrait connaître une modeste reprise, partiellement due à un effet de base. Selon les analystes, les exportations devraient rebondir en 2021, en lien avec la reprise économique chez les principaux partenaires. Cependant, leur reprise pourrait être limitée, car le virus circule toujours en Europe. Le marché automobile européen, première source d’exportation de marchandises, peine à repartir, sans parler de l’aéronautique. La chute du tourisme (12% du PIB et de l’emploi) a aussi impacté l’économie marocaine. Les restrictions de déplacement et la fermeture des frontières ont fortement impacté les recettes touristiques (22% des exportations totales). La deuxième vague (octobre 2020) a entraîné une prolongation de la crise de mobilité, qui continuera de peser sur le tourisme au premier semestre 2021. Ainsi, il ne devrait se redresser qu’à l’été 2021. Afin de limiter l’impact de la crise sur les ménages, le gouvernement a alloué, via un Fonds spécial de lutte contre la Covid-19 (2,7% du PIB), des aides aux ménages les plus vulnérables et aux travailleurs du secteur informel, prolongées au premier semestre 2021. La consommation des ménages devrait alors graduellement reprendre. Les IDE se sont aussi contractés en 2020, conséquence de la récession mondiale. Ils devraient reprendre modérément, en rythme avec l’activité économique mondiale affectée par la deuxième vague.
Faible diminution des déficits jumeaux
Le déficit public s’est considérablement accru suite à la Covid-19 qui a induit un grand nombre de dépenses supplémentaires, tout en réduisant les recettes. La baisse des recettes publiques résulte d’une baisse des recettes douanières et de la fiscalité domestique. Selon Coface, en 2021, le déficit ne reculerait que faiblement, car les effets de la crise devraient toujours peser, notamment au 1er semestre. La dette publique (à 67% extérieure fin 2020) s’est mécaniquement alourdie, malgré les recettes conséquentes de privatisation. Toujours selon les économistes, le déficit reculerait légèrement en 2021, en lien avec la reprise modérée des exportations et du tourisme. Le virus circulant encore activement en Europe, leur reprise pourrait décevoir. Les importations devraient, partiellement se redresser, mais moins rapidement.
Une stabilité politique et sociale éprouvée par la crise
Selon Coface, la crise pourrait exacerber les fragilités politiques et sociales. Déjà que la coalition au pouvoir, issue des élections législatives de 2016, menée par le Parti de la justice et du développement (PJD) est fragmentée. Malgré les mesures de soutien aux ménages, la hausse du chômage et les pertes de revenu des ménages laissent présager d’une montée du mécontentement. Le poids élevé du secteur informel, notamment dans le commerce, le BTP et l’agroalimentaire, ne facilite pas le versement des aides, ce qui creuse les inégalités. Le manque d’opportunités d’emploi, la vulnérabilité des populations rurales au changement climatique, la perception de la corruption et les restrictions de certaines libertés pourraient alimenter les frustrations.
Modeste Kouamé / Les Inspirations Éco