Situation des professionnels de santé : le dossier entre les mains de Benchaâboun
Le dossier de l’amélioration de la situation financière des professionnels de la santé publique est sur le bureau du ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration. Mohamed Benchaâboun est appelé à se prononcer rapidement sur les quatre points ayant fait l’objet d’accord entre le ministre de la Santé et les partenaires sociaux. Les détails.
Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, le personnel de la santé publique est sur le pied de guerre et s’évertue à faire face à l’évolution de la situation épidémiologique, malgré l’insuffisance des ressources humaines. Jamais la situation des professionnels de la santé n’a été autant sous les feux des projecteurs. Une grande responsabilité incombe désormais au gouvernement pour entamer, enfin, la résolution de ce dossier qui traine depuis de longues années, impactant de plein fouet la qualité du système de la santé publique au Maroc. Dans l’attente d’une refonte globale du statut du personnel de la santé, les partenaires sociaux ont récemment scellé un accord avec le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb qui reconnait les dysfonctionnements qui émaillent le secteur et ne cesse de souligner l’impératif de mettre en place des incitations pour les ressources humaines. Mais la décision ne lui revient pas, à lui seul. La mise en œuvre des nouvelles mesures nécessite en effet la mobilisation des moyens financiers. Aussi, le dossier a-t-il été transféré au ministère de l’Économie et des finances qui doit se prononcer sur la faisabilité financière de l’accord.
De quoi s’agit-il ?
L’accord porte sur quatre points essentiels, à commencer par l’augmentation de la valeur de l’indemnité de risque de 4.000 DH bruts pour toutes les catégories du personnel de la santé (médecins, infirmiers, personnel technique et administratif). À cela s’ajoute la révision du statut des médecins avec une « translation de la grille indiciaire » qui doit commencer par le nombre 509 à l’instar des docteurs de l’enseignement supérieur, avec une augmentation du régime indemnitaire et l’ajout de deux nouveaux grades. Le montant de l’augmentation n’a pas été fixé. Mais cette augmentation «devra être substantielle pour motiver les médecins à intégrer la fonction publique et à rester dans le système», selon Mostafa Chanaoui, député de la Fédération de la gauche démocratique et secrétaire général du syndicat national de la santé, relevant de la CDT. Il estime que l’équité s’impose car le médecin est rémunéré à partir de 8.600 DH alors qu’un docteur dans l’enseignement supérieur entame sa carrière dans la fonction publique avec un salaire qui avoisine 13.000 DH. Pis encore, la charge du travail n’est pas la même. À titre d’exemple, un professeur dans l’enseignement supérieur ne travaille que huit heures par semaine ou maximum 12 heures et il est mieux payé que le médecin du public qui a une charge de travail beaucoup plus importante. Le troisième point porte sur la résolution définitive du dossier des infirmiers diplômés d’État qui ont été formés pendant deux ans. Ces professionnels ont été lésés depuis 1993, date du changement du statut des infirmiers. Le décret qui vient d’être établi pour ces professionnels, dont le nombre n’est pas grand, leur est favorable. Le quatrième point est relatif aux assistants médicaux, titulaires de master ou doctorants (branches scientifiques) qui ont été recrutés pendant des années. Leur statut est jugé dérisoire, selon les partenaires sociaux qui se sont mis d’accord avec le ministre de la Santé sur un nouveau statut de cette catégorie spécifique (ajout de deux grades supplémentaires). Les syndicats attendent désormais le feed-back de Mohamed Benchaâboun.
Le chef du gouvernement est aussi très attendu sur ce dossier sur lequel les partenaires sociaux ne comptent pas lâcher du lest. Par ailleurs, l’exécutif est appelé à lancer, en parallèle, la réflexion sur la refonte du système de la santé publique qui doit se concrétiser à travers plusieurs volets, dont celui des ressources humaines. Le ministre de la Santé a, à plusieurs reprises, plaidé pour la nécessité de mettre en place un nouveau statut spécial pour les professionnels de la santé publique qui permettra «de résoudre les problématiques du secteur, de régler les dossier d’amélioration des conditions de travail de toutes les catégories des professionnels, de mettre en place les incitations adéquates ainsi de relever le défi d’amélioration des services de soins et de dépasser les contraintes d’accès à ces soins». Les rémunérations doivent être attractives pour le personnel de la santé afin d’attirer les ressources humaines escomptées. Il faut dire que parfois, le ministère de la santé peine à recruter des médecins ; et, par conséquent, les postes budgétaires consacrés au secteur, qui sont jugés trop insuffisants pour répondre aux besoins, restent vacants. La territorialisation de la gestion du secteur s’impose dans la vision de réforme.
C’est dans ce cadre que s’inscrivent les plans régionaux de l’offre de soins ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre du programme médical régional visant à dépasser les lacunes détectées en matière d’organisation de l’offre de soins. L’amélioration de la gouvernance est également un élément clé. Il s’avère nécessaire d’améliorer l’offre de soins dans les hôpitaux publics qui comptent 80 % de la capacité litière. Le secteur public se doit d’être attractif pour attirer davantage de patients solvables. Actuellement, le secteur privé bénéficie de 90% du financement mobilisé par l’assurance maladie obligatoire car il est plus attractif que le secteur public. L’enjeu est d’inverser cette tendance avec la mise en place d’une véritable politique de santé.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco