Boycott des produits français: le Maroc peu concerné ?
Le torchon brûle entre la France et de nombreux pays du Moyen-Orient. En réaction à la décapitation, la semaine dernière, d’un enseignant en région parisienne, en lien avec la publication de caricatures du prophète, Emmanuel Macron a rappelé un principe cher à son pays: le droit au blasphème. Une sortie très mal perçue dans les pays du Golfe et même au-delà. Dans une colère noire, le Qatar, le Koweït, la Turquie et l’Iran, pour ne citer que ceux-là, sont passés de la condamnation des propos du successeur de François Hollande à des appels au boycott des produits français.
Et l’appel au rejet du Made in France ne cesse de se répandre, dans les pays musulmans, comme une traînée de poudre. Le Maroc n’est pas en reste. Cette semaine, une poignée de consommateurs marocains se sont joints au mouvement, appelant à leur tour, notamment via les réseaux sociaux, à l’arrêt «immédiat» de l’achat de produits français. Toutefois, si dans les pays à l’origine de cette contestation, le boycott est effectif, cela n’est pas le cas dans le royaume, pas pour l’instant du reste.
«L’appel au boycott a été lancé sur Twitter ; or, peu de Marocains sont actifs sur ce réseau social. Ils sont plutôt présents sur Facebook», croit savoir Adnane Benchekroun, vice-président de l’Alliance des économistes istiqlaliens pour qui ni le Maroc ni la France n’ont intérêt à ce que les choses dégénèrent, d’autant plus que cette dernière reste un partenaire économique de premier rang pour le royaume, et vice-versa. Depuis l’entrée en vigueur de l’Accord d’association en 2000, les échanges commerciaux entre les deux pays ont enregistré un taux de croissance moyen de l’ordre de 4,5%, passant de 56 MMDH (5,7 milliards d’euros) en 2000 à 108,7 MMDH (9,92 milliards d’euros) en 2017. «La France est notre premier fournisseur et en même temps notre premier importateur», insiste Benchekroun qui en appelle au dialogue entre les deux parties, invitant les hauts responsables français à faire preuve de pédagogie dans leur communication au sujet de l’islam. Car, dit-t-il, certains mots peuvent blesser.
«La balle est dans le camp de nos amis français. S’ils communiquent correctement, il n’y aura pas de risque que les choses dégénèrent. Maintenant, s’ils s’amusent à entrer dans la surenchère, pour des raisons de politique interne, les réactions pourront être d’une autre nature», avertit l’économiste istiqlalien. Cela est peu probable. Dans la foulée des appels au boycott dans les pays musulmans, le patronat français a insisté ce lundi sur la nécessité de «ne pas céder au chantage». Une position qui rejoint celle d’Emmanuel Macron, exprimée quelques jours plus tôt, selon laquelle «la France ne cédera pas». Sur un ton sec, le Quai d’Orsay a par ailleurs appelé dimanche soir les gouvernements à faire cesser les appels au boycott. «Les appels au boycott sont sans aucun objet et doivent cesser immédiatement, de même que toutes les attaques dirigées contre notre pays, instrumentalisées par une minorité radicale», a vivement réagi, via un communiqué de presse, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian.
Le ton monte
Au Maroc, le ton est également monté du côté des officiels et de l’opposition. Le Comité exécutif du Parti de l’Istiqlal, réuni ce week-end, suit avec «une profonde inquiétude» les récents développements en France, «le cours dangereux des réactions contre l’islam et les musulmans». Le comité exprime par ailleurs «son profond ressentiment et sa ferme condamnation de la persistance répétée à publier les caricatures insultant le Prophète Mohammed (PSL) et les déclarations stigmatisantes de l’islam qui affectent le sentiment religieux commun des musulmans du monde, en particulier les musulmans de France».
Le Maroc, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, a condamné vigoureusement, dimanche, «la poursuite de la publication des caricatures outrageuses à l’islam et au Prophète Sidna Mohammed, Paix et Salut sur Lui». Autant qu’il condamne toutes les violences obscurantistes et barbares prétendument perpétrées au nom de l’islam, «le Royaume du Maroc s’élève contre ces provocations injurieuses des sacralités de la religion musulmane», relève un communiqué du département de la diplomatie marocaine. Pour l’heure, aucun article Made in France n’a encore fait l’objet de retrait des magasins marocains.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco